Les experts de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur la République bolivarienne du Venezuela ont rendu, mardi 20 septembre, un rapport implacable pour les services de renseignement vénézuéliens.
« Nos enquêtes et analyses montrent que l’Etat vénézuélien s’appuie sur les services de renseignement et ses agents pour réprimer la dissidence dans le pays. Ce faisant, des crimes graves et des violations des droits humains sont commis, notamment des actes de torture et des violences sexuelles », dénonce la présidente de la mission d’enquête indépendante de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur le Venezuela, Marta Valinas.
Les conclusions du rapport donnent des détails sur la chaîne de commandement et le rôle de plusieurs personnes dans « l’exécution d’un plan orchestré par le président [vénézuélien] Nicolas Maduro et d’autres hauts responsables pour supprimer l’opposition au gouvernement », souligne la mission onusienne, dans un communiqué de presse.
Celle-ci a documenté cent vingt-deux cas de victimes « qui ont été soumises à la torture, à des violences sexuelles et-ou à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants » perpétrés par des agents de la direction générale vénézuélienne du contre-espionnage militaire (DGCIM). « La torture a été pratiquée dans son quartier général de Boleita, à Caracas, et dans un réseau de centres de détention clandestins à travers le pays », affirme la mission.
« Climat d’impunité »
Pour sa part, le Service bolivarien d’intelligence nationale (Sebin) « a torturé ou maltraité des détenus – y compris des politiciens de l’opposition, des journalistes, des manifestants et des défenseurs des droits humains –, principalement dans le centre de détention d’El Helicoide, à Caracas ». La mission de l’ONU a enquêté sur au moins cinquante et un cas depuis 2014.
« Le Sebin et la DGCIM ont tous deux largement recouru à la violence sexuelle et sexiste pour torturer et humilier leurs détenus ». « Les violations et les crimes commis par le Sebin et la DGCIM se poursuivent à ce jour », note le rapport.
« Les violations des droits humains par les services de renseignement de l’Etat, orchestrées au plus haut niveau politique, se sont déroulées dans un climat d’impunité presque totale », a souligné Francisco Cox, membre de la mission, cité dans un communiqué.
Outre ses conclusions sur le rôle des services de renseignement, la mission publie également un rapport sur les crimes et exactions commis contre la population locale dans les zones du pays riches en or par « des acteurs étatiques et non étatiques ». Elle détaille les meurtres, les disparitions, l’extorsion, les châtiments corporels et la violence sexuelle et sexiste.
« Non seulement les autorités n’ont pas empêché et enquêté sur ces abus », mais elles en sont partie prenante, explique le document, mentionnant notamment le cas de Gran Sabana dans l’Etat de Bolivar. « Dans [cette] municipalité, dans le sud de l’Etat, la mission a documenté en profondeur plusieurs cas où les forces de l’Etat ont attaqué des populations autochtones », tuant et torturant. « Il s’agit notamment d’affrontements à la suite de la tentative de l’opposition d’acheminer de l’aide humanitaire vers Gran Sabana depuis le Brésil en 2019. »
« Profonde crise des droits humains »
« La situation dans l’Etat de Bolivar et dans d’autres zones minières est profondément troublante. Les populations locales, y compris les peuples autochtones, sont prises dans la violente bataille entre l’Etat et les groupes criminels armés pour le contrôle de l’or », souligne Patricia Tappatá Valdez, membre de la mission. « Notre rapport souligne la nécessité d’une enquête plus approfondie sur cette région qui est, paradoxalement, une zone presque oubliée du pays mais qui génère en même temps de grandes quantités de richesses licites et illicites à partir de minerais », ajoute-t-elle.
La mission, créée en 2019, n’a pas le droit de se rendre au Venezuela et a dû conduire son enquête à partir des régions frontalières et par le biais d’entretiens à distance. Elle fonde ses conclusions dans ses deux rapports sur deux cent quarante-six témoignages confidentiels, « y compris avec des victimes, des membres de leur famille et d’anciens employés des services de sécurité et de renseignement », ainsi que sur des dossiers et d’autres documents juridiques.
« Le Venezuela reste confronté à une profonde crise des droits humains », note Marta Valinas, qui demande à la communauté internationale de suivre de près les développements dans le pays « pour faire progresser la justice, la responsabilité et le respect des droits humains ».
Contribuer
Réutiliser ce contenu