« Musicanimale », l’expo sonore qui donne vie aux chants de la nature à la Philharmonie

« Musicanimale », l’expo sonore qui donne vie aux chants de la nature à la Philharmonie
"Oceans", Roberto Rinaldi, exposition Musicanimale © Roberto Rinaldi Galatee Films

Accessible du 20 septembre 2022 au 29 janvier 2023 à la Philharmonie de Paris, l’exposition Musicanimale. Le Grand Bestiaire Sonore donne corps aux sons d’une quarantaine d’espèces lors d’un parcours visuel et auditif conçu comme une invitation à tendre l’oreille afin de repenser notre monde, dont la biodiversité, menacée, devient peu à peu silencieuse.

En 50 ans, 50 % des sons de la nature auraient disparu. Du chant des oiseaux aux stridulations des insectes en passant par les coassements des grenouilles et les vocalisations des baleines, la grande symphonie du vivant perd en puissance, à mesure que le réchauffement climatique détériore l’écosystème de ces espèces chantantes. Un constat particulièrement cru exploité à souhait par des artistes de la scène contemporaine, invités par la Philharmonie de Paris à repenser notre monde sonore sous un angle à la fois artistique et scientifique. Tout au long d’un parcours immersif, le visiteur est plongé dans la pénombre, propice à l’écoute de 45 compositions musicales, exposées aux côtés de quelque 150 œuvres d’art.

Manifestation la plus directe de la « régression sonore » de nos environnements naturels, la pièce monumentale L’Atalie, réalisée par le collectif Art Orienté Objet, donne corps aux noms d’animaux en voie de disparition, inscrits au fusain sur un mur blanc de dix mètres de long. Tous les deux jours, ce bestiaire cartographié s’efface un peu plus sous le passage d’une brosse, qui avance au rythme de l’extinction de ces espèces.

Autre œuvre résolument poignante, la sculpture Envoyé spécial de Gloria Freidmann représente un cerf silencieux, prostré sur un socle de papiers journaux, régulièrement réapprovisionné. « C’est un envoyé spécial qui parle de sa situation et de la disparition de son monde », explique l’artiste allemande, qui fige dans le temps cet animal sacré des cultes païens, symbole de résurrection.

À l’inverse de cette œuvre que la plasticienne a voulu muette, la salle du chant des baleines, couplant des images du film Océans, de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, à la musique Flying Whales du groupe de métal Gojira, déborde de vibrations ultra-marines. En immersion totale sous l’eau, cette expérience bouleversante nous rappelle une fois de plus la beauté des vocalisations de ces géants des mers, que l’album Songs of Humpack Whale a rendu célèbre lors de sa sortie en 1970. Vendu à plus de 125 000 exemplaires, ce dernier a favorisé l’éveil d’une conscience environnementale chez des milliers des personnes. 50 ans plus tard, l’émerveillement est toujours le même.

De l’infiniment grand à l’infiniment petit

Outre les baleines, les cerfs et les loups, l’exposition Musicanimale. Le Grand Bestiaire Sonore offre une place de choix aux petits êtres dont les sons nous accompagnent au quotidien. Des plus énervants, comme le vrombissement aigu du moustique, aux plus étonnants, à l’instar du bourdonnement de la mouche amoureuse, ces chants entomologiques forment à l’unisson un opéra des plus déroutants. Plus qu’une collection scientifique, c’est un cabinet de curiosité artistique où se côtoient des escargots englués à l’archet d’un violon, une chorale de dindons et un lapin qui ronfle en rêvant.

Mais cette peinture sonore, parfois drôle, évoque indubitablement les changements en cours et à venir du monde vivant. Musicanimale est, en ce sens, une « incitation à repenser le monde d’aujoud’hui avec les énormes défis qu’il compte », explique Jérôme Sueur, éco-acousticien et conseiller scientifique de l’exposition. Un monde où les humains ne sont que des animaux parmi d’autres ».

À la croisée de démarches artistiques et scientifiques, l’exposition réalisée par la Philharmonie de Paris, en partenariat avec le Museum national d’Histoire naturelle et le Musée d’ethnographie de Genève, s’inscrit également dans la tradition éco-acousticienne, dont Bernie Krause est le porte-étendard. À maintenant 83 ans, ce musicien a immortalisé en un demi-siècle les sons de plus de 15 000 animaux, compilés en 4 500 heures d’enregistrements. En 2017, il révélait au Huffington Post que plus de 50 % des environnements enregistrés depuis le début de sa carrière étaient devenus silencieux. Tout comme son album The Great animal orchestra, sorti en 2016, les bandes sonores présentées à la Philharmonie serviront, peut-être un jour, de mémorial aux chants du monde disparus.

Proposant un parcours adapté aux enfants, Musicanimale rend accessible la question de la préservation de la biodiversité sous un angle encore peu exploré, celui des sons. Une expo émouvante et riche, sans être trop longue, à voir jusqu’au 29 janvier 2023 au sein de la Philharmonie de Paris, en bordure du parc de la Villette.

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