“La Mar Menor est entrée dans l’histoire du système juridique espagnol et européen.” Mercredi 21 septembre, cette lagune d’eau salée de 170 km2 de la région autonome de Murcie, dans le sud-est de l’Espagne, est devenue “la première zone naturelle d’Europe dotée d’une entité juridique propre” après un vote favorable au Sénat espagnol, salue le quotidien local La Verdad. Elle devient ainsi une personnalité juridique, au même titre qu’une personne ou une société, ce qui “permettra à n’importe qui d’intenter une action en justice en son nom”, résume La Verdad.

La une du quotidien régional de Murcie La Verdad, jeudi 22 septembre 2022.
La une du quotidien régional de Murcie La Verdad, jeudi 22 septembre 2022.

Pour le quotidien généraliste El País, “il reste à savoir si la défense des droits de la lagune devant les tribunaux peut réellement stopper la grave détérioration de cet écosystème”. La lagune murcienne “souffre actuellement de graves problèmes d’eutrophisation (excès de nutriments dans l’eau, principalement de l’azote et du phosphore)” provoqués, entre autres, par les rejets de l’agriculture intensive dans la région.

Le journal madrilène applaudit une mesure “novatrice” non seulement pour le système judiciaire espagnol, “mais aussi dans la manière dont elle a été adoptée”. En juillet 2020, le conseil municipal de Los Alcázares, une commune qui baigne dans la Mar Menor, avait tenté de doter la lagune d’une personnalité juridique. Mais la proposition n’avait pas abouti au Parlement régional de Murcie.

Première en Europe

Dès lors, une professeure de l’université de Murcie, Teresa Vicente, a lancé une initiative législative populaire (ILP), qui a récolté plus de 640 000 signatures. Le succès de cette pétition a permis d’interpeller le Congrès des députés espagnol pour qu’il statue sur cette proposition de loi.

Mercredi 21 septembre, tous les partis politiques ont soutenu cette ILP au Sénat espagnol, à l’exception de Vox (extrême droite). La formation estime que cette proposition “s’éloigne des concepts les plus fondamentaux du droit espagnol et de la tradition juridique occidentale” et qu’elle est contraire à “la position centrale de l’homme dans la nature”, rapporte El País.

Le quotidien, proche des socialistes espagnols, ajoute qu’il existe déjà des exemples de reconnaissance des droits de la nature sur les autres continents, à l’image du parc national de Te Urewera, en Nouvelle-Zélande, ou des fleuves et rivières du Bangladesh.

En Europe, poursuit El País, “la loi sur la Mar Menor devance d’autres initiatives citoyennes du continent qui, par des approches différentes, essaient d’obtenir une reconnaissance similaire”, comme pour la mer du Nord, aux Pays-Bas, ou la Loire, en France.