La Belgique ferme un réacteur nucléaire en pleine crise énergétique

Centrale de Thiange, en Belgique. [EPA-EFE/OLIVIER HOSLET]

Conformément à la loi belge sur la sortie du nucléaire, le réacteur nucléaire Doel 3 cessera de fonctionner ce vendredi (23 septembre) dans la soirée après 40 ans d’activité.

Vendredi soir (23 septembre), Doel 3 sera déconnecté du réseau électrique conformément à la loi belge de 2003 sur la sortie du nucléaire. C’est la première fois qu’un réacteur est mis à l’arrêt en Belgique et cette décision intervient alors que les prix de l’énergie s’envolent et que l’hiver s’annonce difficile.

« Nous nous y préparons depuis quatre ans », a déclaré Peter Moens, directeur de la centrale nucléaire de Doel. C’est aussi l’occasion d’entrer « véritablement dans une nouvelle phase de la transition énergétique » défendent les experts de Greenpeace Belgium.

Face à la crise énergétique actuelle, des discussions ont tout de même eu lieu au sein du gouvernement fédéral pour reporter les préparatifs du démantèlement de Doel 3.

La semaine dernière, la ministre belge de l’Intérieur Annelies Verlinden a demandé à l’AFCN (Agence fédérale de contrôle nucléaire) un rapport détaillé sur la possibilité de reporter toute opération qui serait irréversible, à l’instar de l’Allemagne, qui a décidé de garder deux grandes centrales nucléaires en réserve jusqu’en avril 2023.

Allemagne : confirmation d'une sortie totale du nucléaire en 2022

Le gouvernement allemand maintiendra la sortie du nucléaire prévue pour 2022, en fermant les trois derniers réacteurs nucléaires du pays sur fond de crise énergétique européenne.

Le nucléaire en Belgique

La puissance totale de la centrale de Doel est de 2 935 mégawatts (MW), contre 3 008 MW pour Tihange. Les deux seules centrales de Belgique représentent ensemble 50% de la consommation annuelle d’électricité du pays et équivalent à 42 milliards de kWh par an.

Doel 3 représente une puissance de 1 006 MW, c’est le deuxième plus grand réacteur de la centrale de Doel après Doel 4 (1 039 MW) et Doel 1 et 2 (445 MW chacun).

Concernant les autres réacteurs de la centrale, Doel 1 et 2 ont été prolongés de dix ans suite au feu vert accordé par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). Leur fermeture étant désormais prévue pour 2025.

La Belgique a également convenu de prolonger de dix ans le fonctionnement de Doel 4, dont l’arrêt était prévu pour 2025. Une décision qui sera votée au parlement fin 2023.

Report de la fermeture possible ?

En théorie, un report de la fermeture du réacteur Doel 3 est donc possible.

Durant la phase post-opérationnelle, qui dure 5 à 6 années après la cessation des activités, « aucune opération techniquement irréversible n’a lieu », explique M. Moens. Ce ne sera le cas que lors de la phase suivante de démantèlement.

Toutefois, un report ou un retour en arrière sur ce processus, qui se prépare depuis quatre ans, ne serait « ni sage ni souhaitable », pour des raisons aussi bien techniques qu’organisationnelles, estime le directeur de Doel. La commande de carburant, par exemple, prendrait 36 mois et la formation des opérateurs pour le faire fonctionner prendrait trois ans.

« La voie du report n’est pas dans notre planning. On ne nous a pas non plus demandé notre avis d’ailleurs. Nous n’avons pas l’intention de redémarrer le réacteur. Je n’improvise pas avec la sécurité nucléaire », a affirmé M. Moens.

Jeudi (22 septembre), lors d’une session plénière de la Chambre, la ministre belge de l’Énergie, Tinne van der Straeten, a défendu l’arrêt du réacteur, affirmant qu’il ne s’agissait pas d’une décision prise hier et que la capacité de production resterait suffisante, et ce, même si l’Europe est frappée par une crise énergétique.

Solidarité européenne

En parallèle, l’Allemagne a décidé de fermer ses centrales nucléaires pour 2022, ce qui provoque une frustration croissante chez ses voisins.

« Nous avons un niveau très élevé de sécurité d’approvisionnement en électricité en Allemagne. Nous avons suffisamment d’énergie en Allemagne et pour l’Allemagne », avait expliqué le vice-chancelier et ministre écologiste de l’Économie et du Climat, Robert Habeck, lundi 5 septembre dans un communiqué de presse.

Thierry Breton, commissaire européen chargé du Marché intérieur, avait rappelé, jeudi 8 septembre après une réunion avec le gouvernement allemand à Berlin, qu’il « revient à tous les pays de faire tout ce qui est possible en ce qui concerne la disponibilité de la production d’énergie ».

Le commissaire avait ainsi confié au journal allemand Handelsblatt en juillet qu’il était « extrêmement important » de prolonger le fonctionnement des trois centrales nucléaires encore en activité. Il avait également félicité la Belgique pour avoir retardé sa sortie du nucléaire.

La France à l’arrêt

En France, pays le plus nucléarisé d’Europe, cette fermeture n’est pas perçue d’un bon oeil par tous les acteurs énergétiques. D’autant que le pays n’a pas su maintenir son parc à flot pour l’hiver. Un réacteur sur deux est toujours à l’arrêt pour cause de maintenance ou de problèmes de sûreté.

Chaque fermeture d’un réacteur européen inquiète donc les autorités françaises, tant pour leur diplomatie que leur sécurité énergétique. « Jour de tristesse pour l’Europe et le climat » déplore ainsi Valérie Faudon, déléguée générale de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN).

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[Édité par Paul Messad]

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