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Avec l’extrême droite, les perspectives économiques de l’Italie s’assombrissent

Giorgia Meloni, leader du parti d'extrême droite italien Fratelli d'Italia (Frères d'Italie), s'adresse à ses partisans lors d'un rassemblement pour le lancement de sa campagne pour les élections légilstalives, à Ancône, dans le centre de l'Italie, le 23 août 2022. Vincenzo Pinto/AFP

Comme attendu, Giorgia Meloni et son parti de la droite radicale Fratelli d’Italia sont arrivés en tête du scrutin législatif du dimanche 25 septembre. Le prochain gouvernement aura désormais la lourde tâche de rassurer ses partenaires quant à la conduite des réformes économiques en cours en Italie, ainsi que le respect des engagements et de leurs échéances.

La mise en œuvre rapide et effective des réformes structurelles en place sera une garantie de crédibilité pour attirer des investisseurs étrangers et limiter les risques d'attaque spéculative sur la dette du pays comme en juin 2022, mais aussi assurer le versement de l'aide financière européenne dont la péninsule est aujourd'hui la principale bénéficiaire au titre du plan de relance.

L'un des éléments phares du bilan de l'ex-premier ministre Mario Draghi, qui a démissionné fin juillet faute de soutien au parlement, reste en effet la mise en place du Plan national de relance et de résilience (Piano nazionale di ripresa e resilienza, ou PNRR). Ce plan, approuvé en juillet 2021, représente quelque chose d'exceptionnel au regard de l'histoire économique de l'Italie de ces 30 dernières années : son montant total, entre les financements européens et les ressources nationales, s'élève à plus de 220 milliards d'euros dont environ 191 par l'Union européenne, soit près de 14 % du produit intérieur brut sur une durée de cinq ans.

La chute du gouvernement Conte 2 et son remplacement par le gouvernement Draghi en février 2021 s'expliquait d'ailleurs par l'importance de l'enjeu que représente ce financement censé remettre en marche d'une économie pratiquement à l'arrêt depuis plus de 30 ans en termes d'investissement et la productivité.


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Le PNRR définit notamment un calendrier des réformes essentielles pour moderniser le pays et permettre d'assurer la mise en œuvre du plan dans les domaines : de l'administration, de la justice, de la simplification et de la concurrence. Une refonte totale de la fiscalité est également prévue alors que le total des créances fiscales non recouvrées du Trésor public restent estimées à plus de 1 000 milliards d'euros pour un budget national de 1061 milliards d'euros en 2021.

Le document décrit en outre les projets à mettre en œuvre sur une période de six ans et comment seront gérées les ressources allouées autour de trois axes principaux : innovation et numérisation, transition écologique et inclusion sociale.

55 objectifs pour la fin 2022

Dès l'adoption du PNRR, la Commission européenne a versé à l'Italie au titre du préfinancement 24,9 milliards d'euros, soit 13 % du total, dont 8,9 milliards d'euros de fonds non remboursables et environ 16 milliards d'euros de prêts. À la mi-avril 2022, la Commission européenne a versé la première tranche du PNRR, d'un montant de 21 milliards d'euros, dont 10 milliards d'euros de subventions et 11 milliards d'euros de prêts. C'est une bonne nouvelle pour le pays, car cela signifie que la Commission a vérifié la réalisation des 51 objectifs fixés dans le PNRR pour 2021.

La tâche s'annonce toutefois plus ardue en 2022. En effet, il y a 102 objectifs à atteindre, pour un financement total d'environ 40 milliards d'euros. Même si les 47 objectifs du premier semestre de l'année ont été atteints, permettant d'obtenir 19 milliards, il en restera 55 pour le second semestre 2022, d'ores et déjà marqué par l'enlisement politique, pour obtenir 21 milliards.

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Or, le respect du calendrier des projets financés constitue une condition essentielle de la réussite du plan et de la réception effective des ressources fournies par l'Union européenne. Avec les prochaines élections et le temps techniquement nécessaire à la formation d'un nouveau gouvernement, l'Italie pourrait donc perdre quelques mesures prévues par le PNRR et arriver à la fin de l'année sans avoir rempli ses obligations pour obtenir la prochaine tranche.

La cheffe du parti souverainiste Fratelli d'Italia (FDI), Giorgia Meloni, avait déclaré pendant la campagne que «la révision du PNRR serait l'une des priorités du prochain gouvernement». Selon la candidate d’extrême droite, il est possible pour un pays, en fonction d'événements exceptionnels, de renégocier certains objectifs. Toutefois, si un pays peut en théorie proposer une telle opération, il lui faut l'accord de tous les autres États.

En termes de bilan du gouvernement Draghi, notons que quasiment tous les objectifs qui lui avaient été assignés a été atteints. En effet, l'ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) est en effet parvenu à faire respecter la totalité du calendrier tant qu'il a été en fonction, à faire voter des lois qui n'avaient pas pu l'être depuis plus de vingt ans, tout en gérant une coalition hétéroclite, dont la plupart des membres n'attendaient que la fin du gouvernement. Mais il reste à vérifier sir les décrets d'application sortiront et si ils seront mis en œuvre.

Clientélisme fiscal

Parmi les choses importantes qu'il a réalisées, il faut noter les structures mises en place pour la réalisation du PNRR, sa connaissance des faiblesses de l'État italien, des administrations régionales et les jeux récurrents du clientélisme des partis politiques l'ayant amené à constituer des structures qui lui permettaient de garantir l'intégrité des décisions.

N'oublions pas que, en ce qui concerne les subventions aux économies d'énergie dans le domaine de la construction mise en place par le gouvernement précédent, cela a donné lieu à une fraude gigantesque de 4 milliards d'euros, fraude qui a conduit le gouvernement Draghi à modifier radicalement tout le processus de façon à permettre une traçabilité et un contrôle de la destination des subventions.

L'avenir dira si cette période très particulière et l'action du gouvernement Draghi aura donné une impulsion décisive pour sortir l'Italie de la quasi-stagnation économique et du risque que représente l'importance de sa dette publique.

Toutefois, on peut d'ores et déjà souligner que sa chute ne lui aura pas permis de faire aboutir deux éléments essentiels : d'une part la loi sur la concurrence, qui touchera des intérêts extrêmement importants pour le clientélisme fiscale des partis politiques, et d'autre part la loi sur les tribunaux portant sur les questions fiscales. Le gouvernement Draghi, s'il a respecté une grande partie des objectifs assignés par l'UE n'a pas résolu ces deux questions essentielles lors de son mandat. L'approche par les seules questions économiques ne pouvait pas le permettre.

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