Le calcaire égyptien a d’abord servi il y a plus de 4000 ans à recouvrir les pyramides. On l’a ensuite utilisé pour construire des mosquées, des bâtiments, et à l’heure actuelle on le retrouve aussi en Égypte dans les engrais, la céramique et les aliments pour animaux. Une grande partie provient des carrières de la province d’Al-Minya, à trois cents kilomètres au sud du Caire, où se rendent chaque matin avant l’aube des milliers de travailleurs. C’est l’activité principale dans cette région. Reportage photo.

C’est dans un paysage lunaire, au milieu d’une plaine désertique égyptienne, que se situent les carrières.

@Lucien MIGNÉ

Précisément dans la région d’al-Minya, la capitale de la Moyenne-Égypte à environ 245 km au sud du Caire, et à cheval entre les rives orientales et occidentales du Nil qui traverse l’Egypte. Sur place, il n’y a pas de travail, ou très peu, et le taux de pauvreté y est élevé. Aussi, la majorité de la population n’a-t-elle d’autre choix que de travailler dans les carrières de pierre calcaire alentour pour survivre.

« 20.000 personnes travailleraient dans les carrières de calcaire, mais il est en réalité difficile de connaitre le chiffre exact. Il n’est pas rare de trouver parmi eux des agriculteurs ou des diplômés de l’université » rapportait en 2017 France Info.

Les travailleurs décalent les rails au fur et à mesure @Lucien MIGNÉ

À l’aide de machines équipées de scies circulaires surnommées « El Fasalah » (la faucheuse), les ouvriers découpent progressivement le sol. Ces machines servant à découper le sol circulent sur des rails que les ouvriers décalent au fur et à mesure (ci-dessus).

Mais leurs manipulations projettent un nuage de poussière d’un blanc aveuglant. Pendant quelques minutes, il devient impossible de distinguer quoi que ce soit à plus de quelques mètres de distance et les voix sont couvertes par le bruit assourdissant des moteurs.

Leurs conducteurs avancent rapidement et frappent donc le métal à coups de marteau pour avertir les ouvriers de leur arrivée. Malgré les masques, la poussière de calcaire pénètre dans leurs poumons, pouvant causer sur le long terme des silicoses. 

Les nuages de poussière de calcaire soulevés au passage des machines aveuglent les travailleurs @Lucien MIGNÉ
Les ouvriers travaillent par équipe sur les machines. @Lucien MIGNÉ

Les briques serviront aux constructions locales, mais les blocs abîmés, cassés ou inutilisables, eux, sont réduits en une poudre qui sera « vendue à l’exportation ». Cette ressource sert, à l’international, aux secteurs « de la cimenterie, des laboratoires pharmaceutiques, ou encore dans la teinturerie ».

Nous en utilisons sûrement chaque jour sans le savoir, malgré les conditions dans lesquelles elle a été produite.

La répartition des postes de travail est très organisée et dépend de l’expérience de chaque ouvrier. @Lucien MIGNÉ
Les briques de calcaire sont entassées à la main sur des camions qui les transportent jusqu’à Al-Minya. @Lucien MIGNÉ

Ces machines provoquent régulièrement des accidents parfois mortels. Malgré la formation d’un syndicat des travailleurs du calcaire en 2011 après la révolution égyptienne, les conditions de travail n’ont pas changé.

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Les blessés ou les familles des victimes n’obtiennent la plupart du temps aucune compensation car le travail est illégal : aucun contrat de travail n’est établi, et aucune assurance ne les couvre. 

Les travailleurs des carrières se protègent de la poussière de calcaire à l’aide de masques et de lunettes de soleil. Certains ouvriers, à force d’inhaler de la poussière de silice, développent toutefois couramment des maladies respiratoires.

En effet :« L’inhalation de particules de silice provoque une inflammation chronique qui peut conduire à une fibrose pulmonaire: la silicose. Depuis janvier 2021, en France, les travaux exposant à la poussière de silice cristalline alvéolaire figurent sur la liste des procédés cancérogènes ».

 

@Lucien MIGNÉ
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Pourtant, pour un salaire d’environ 120 EGP par jour (6 euros), les travailleurs des carrières d’Al-Minya continuent leur activité car ils n’ont le plus souvent aucune alternative. On retrouve aussi des adolescents dans les carrières.

La loi égyptienne interdit pourtant « d’embaucher des travailleurs de moins de 18 ans dans les carrières ».

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À l’intérieur des carrières, la chaleur peut atteindre plus de 50 degrés Celsius.

Les travailleurs aiguisent puis installent sur les machines de grosses scies circulaires. @Lucien MIGNÉ

Le sol des carrières, lui, est parcouru de nombreux câbles électriques à haute tension, servant à alimenter les machines aux scies circulaires. Ces câbles peuvent donner lieu à des électrocutions si les gaines sont endommagées.

@Lucien MIGNÉ
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Les propriétaires des carrières refusent de financer de nouveaux équipements plus sécurisés malgré les demandes du syndicat des travailleurs. Depuis 2015, ils ont en tout cas obtenu du gouverneur de Minya qu’un hôpital soit construit près des carrières.

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Après la journée de travail, les ouvriers se partagent l’argent gagné. Ces derniers s’assoient ensuite à l’arrière d’un pick-up qui les ramènera jusqu’à chez eux. Mais les routes dangereuses qu’ils empruntent quotidiennement dans des véhicules inadaptées sont à nouveau un risque pour leur vie.  

@Lucien MIGNÉ
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– Lucien MIGNÉ, photojournaliste
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