Europe Ecologie-Les Verts (EELV) n’a plus, à ce stade, de secrétaire national. Julien Bayou, accusé de violences psychologiques par une ex-compagne, a annoncé aux militants d’EELV, lundi 26 septembre, sa décision de démissionner de ses fonctions à la tête du parti. « C’est avec beaucoup d’émotions que je renonce à cette fonction après plus de neuf ans d’engagement dans la direction du mouvement, comme porte-parole, puis secrétaire national. Vous représenter, parler en votre nom, a été l’une des plus grandes fiertés de ma vie militante », écrit-il à ses camarades dans un communiqué.
« Vous le savez peut-être, je suis accusé de faits qui ne me sont pas présentés, dont mes accusateurs·ices disent qu’ils ne sont pas pénalement répréhensibles, et dont je ne peux pour autant pas me défendre puisqu’on refuse de m’entendre. C’est Kafka à l’heure des réseaux sociaux, ajoute le député de Paris. Cette situation est intenable et le contexte délétère semble empêcher tout discernement, dans un moment où la société bascule et cherche le point d’équilibre pour cette si nécessaire révolution féministe. »
Une « instrumentalisation » à des fins politiques, selon son avocate
Lors d’une conférence de presse donnée dans l’après-midi, l’avocate de M. Bayou, Marie Dosé, a dénoncé « les atteintes à la vie privée » de son client ayant cours depuis « deux semaines ». « Julien Bayou est présumé coupable d’accusations rendues publiques dont il ne sait rien », a-t-elle regretté, soulignant « l’absence de plainte et procédures juridiques » contre lui et « la volonté de nuire de son ex-compagne susceptible de tout emporter sur son passage ».
L’ex-compagne de Julien Bayou, dont l’identité n’a pas été révélée, n’a jusqu’ici jamais pris la parole publiquement dans cette affaire.
Citant Sandrine Rousseau qui aurait affirmé à M. Bayou qu’elle n’avait « rien trouvé d’illégal » après avoir « mené son enquête », l’avocate a dénoncé « une instrumentalisation du combat » de la libération de la parole des femmes à des fins politiques, estimant que « personne n’ignore que se tient le congrès » du parti en décembre et que « l’ambition politicienne ne saurait justifier toutes les croisades ».
« Puisque la cellule [d’écoute d’EELV] est incapable de travailler en respectant le moindre principe fondamental, elle rendra une décision forcément politique », selon Mme Dosé, ce qui en fait pour elle et son client, de fait, une « procédure disqualifiée à ce stade ». L’avocate a ajouté que « Julien Bayou attend[ait] de son parti qu’il ne cède ni à la suspicion ni à l’intimidation et encore moins à l’instrumentalisation des souffrances ». « Ce serait le déshonneur d’EELV », a-t-elle ajouté.
Elle a également assuré que le député avait démissionné de son poste de secrétaire national d’EELV « pour pouvoir se défendre en toute liberté », mais qu’il ne comptait pas rendre son siège à l’Assemblée nationale. « Il n’est pas question de surenchérir, mais de se défendre », a-t-elle affirmé, précisant que l’élu écologiste ne comptait pas porter plainte contre son ex-compagne. M. Bayou prendra publiquement la parole à ce sujet « dans les jours qui viennent », a-t-elle fait savoir.
Un signalement fait au parti en juillet par une ex-compagne
L’ex-compagne du secrétaire national d’EELV avait effectué, en juillet, un signalement à la cellule sur les violences sexistes et sexuelles du parti. L’affaire, brièvement éventée cet été par Le Figaro, n’aurait peut-être pas eu de retentissement sans les déclarations faites par Mme Rousseau, députée EELV de la capitale, lundi 19 septembre, dans « C à vous », sur France 5.
« Je pense qu’il y a des comportements qui sont de nature à briser la santé morale des femmes », avait dit la députée, sans toutefois évoquer de violences particulières. Les faits reprochés à Julien Bayou ne sont pas clairement connus, aucune plainte n’a été déposée et aucune enquête judiciaire n’a été ouverte, selon l’Agence France-Presse.
La pression sur M. Bayou est montée d’un cran dimanche, quand l’ex-candidat écologiste à la présidentielle, Yannick Jadot, a jugé que « pour la sérénité de l’enquête » interne, il serait « de bonne intelligence (…) qu’on accélère sa mise en retrait du secrétariat national d’EELV », lors de l’émission « Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI ».
En plein remous de l’affaire Adrien Quatennens – le député La France insoumise qui a reconnu des violences conjugales sur son ex-compagne –, le bureau du groupe écologiste à l’Assemblée avait décidé, la semaine dernière, de suspendre Julien Bayou de ses fonctions de coprésident, qu’il occupait avec Gabrielle Chatelain. M. Bayou va annoncer dans la journée à son groupe parlementaire qu’il quitte également cette fonction.
Nouvelle dose de chaos à EELV
Sur Franceinfo, la députée européenne EELV Karima Delli a dit « prendre acte » de la décision de Julien Bayou, expliquant que « nous sommes à un moment où les violences faites aux femmes sont des sujets prioritaires ». Mais elle rappelle qu’« une cellule a été saisie », qui pour le moment « n’a rendu aucune conclusion. Je ne crois pas qu’on puisse faire justice soi-même, le tribunal de l’opinion ne doit pas exister ».
« On est aujourd’hui dans un monde étrange où la justice se rend sur les plateaux de télévision », a regretté le député européen François-Xavier Bellamy (Les Républicains), sur Sud Radio, tandis que le président du Mouvement démocrate, François Bayrou, a condamné sur Franceinfo « le procédé qui consiste à aller sur un plateau pour mettre en accusation quelqu’un de son propre parti ». A l’extrême droite, Marion Maréchal a aussi dit ne pas aimer « quand la justice médiatique se substitue à la justice tout court ».
Cette démission ajoute une dose de chaos au sein d’EELV, où un référendum interne pour simplifier l’organisation et adapter le parti à la « conquête du pouvoir » a été rejeté ce week-end par les adhérents. Cette consultation, portée par Marine Tondelier, qui devrait briguer la tête du parti lors du congrès en décembre, et soutenue par la direction, marque une claire division au sein de la formation, déjà connue pour ses opaques débats et luttes internes.
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