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Énergie

En Allemagne, les panneaux solaires fleurissent aux balcons

Des panneaux solaires sur un balcon d'une maison en Allemagne.

Faciles à installer soi-même, les panneaux solaires de balcon connaissent un vif succès en Allemagne. Ils permettent de faire des économies, et d’être indépendants énergétiquement.

Brandebourg (Allemagne), reportage

Sur le balcon plein sud d’Ingeborg Attar, les jardinières de fleurs ont un nouveau compagnon : « On a fixé un panneau solaire à l’extérieur de la rambarde », décrit la retraitée. Branché sur la prise du balcon, le module convertit la lumière du soleil en électricité et l’injecte directement dans le réseau de l’appartement. D’une puissance de 300 watts, il doit permettre de couvrir une grande partie de sa consommation de base, du réfrigérateur à la box internet en passant par tous les appareils en veille. Pour en profiter le plus possible, Ingeborg change ses habitudes : « Maintenant, je fais tourner le lave-linge et le lave-vaisselle de préférence en journée, lorsque le soleil brille », raconte-t-elle.

À 77 ans, Ingeborg vit avec son chien dans un appartement de 46 m2 d’un immeuble récent de Neuenhagen, petite commune du Land de Brandebourg, à l’est. Elle paye 37 euros par mois d’électricité, mais craint que sa facture ne s’envole ; en Allemagne, le prix de l’électricité a augmenté de 70 % en moyenne en un an. Grâce à son panneau photovoltaïque acheté 600 euros, Ingeborg espère économiser un cinquième de sa consommation, tout en participant à la lutte contre le réchauffement climatique. Sur son smartphone, elle pourra bientôt suivre en direct la production de son module. « Pour moi, ces petits panneaux, c’est l’avenir », s’enthousiasme-t-elle.

Au moins 500 000 personnes auraient des petits panneaux solaires. © Sebastian Mueller

Ingeborg n’est pas la seule à le penser outre-Rhin. Pas besoin de faire appel à un électricien, pas de longues démarches administratives : la simplicité de ces kits solaires d’autoconsommation, à monter soi-même, séduit au-delà des milieux écologistes. Fin 2021, 190 000 foyers s’étaient déjà équipés, selon une étude de l’université des Sciences appliquées de Berlin.

L’invasion russe en Ukraine et la crise énergétique ont accéléré le mouvement : ils seraient désormais 500 000, d’après la plateforme Machdeinenstrom.de qui agrège les données des vendeurs. « Ce serait même encore plus si les entreprises arrivaient à suivre la demande, affirme Christian Ofenheusle, le directeur du site. Mais entre la pénurie de semi-conducteurs et le dérèglement des chaînes d’approvisionnement, les stocks s’épuisent très vite. » La plupart des modules sont en effet fabriqués en Chine.

« Des économies notables pour le foyer »

Dans sa permanence de l’association de consommateurs Verbraucherzentrale de Brandebourg, Joshua Jahn recommande l’achat « à tous ceux qui ne peuvent pas installer du photovoltaïque de plus grande puissance sur leur toit », pour des raisons financières ou parce qu’ils sont locataires — comme 58 % des Allemands. « Si le balcon est bien orienté, sans ombre, et si le panneau a la bonne inclinaison, cela permet des économies notables pour le foyer, assure l’expert. Cela vaut d’autant plus le coup si on est à la maison la journée, en télétravail par exemple. »

D’après lui, l’achat est rentabilisé en cinq à huit ans. « Avec deux modules, au prix actuel de l’électricité, on peut économiser 240 euros par an », calcule-t-il. Le courant qui n’est pas utilisé immédiatement — ou stocké sur batterie — part dans le réseau local : il n’est cependant pas rémunéré, contrairement aux installations plus grandes.

Ce module va bientôt équiper le balcon d’un cabinet médical de Potsdam (Brandebourg).

D’après une étude de la Verbraucherzentrale publiée en 2020, 1 million de mini-panneaux solaires en fonctionnement pourraient remplacer l’équivalent de la production d’une centrale à charbon. « Même si elle est petite, la contribution du solaire de balcon à la transition énergétique est bonne à prendre, juge Joshua Jahn. De plus, cela a des effets positifs en matière d’acceptation du photovoltaïque en général : on en parle entre voisins. C’est particulièrement important dans une région traditionnellement charbonnière comme le Brandebourg. »

Au premier semestre 2022, les énergies renouvelables représentaient 48,5 % du mix électrique allemand, contre 45,5 % pour les énergies fossiles, selon l’Office fédéral des statistiques. Le photovoltaïque est au cœur de la stratégie du pays, avec l’objectif de 200 GW installés en 2030, contre 100 GW en France en 2050.

« Chacun a le pouvoir de produire de l’énergie »

Dans la cour d’une pépinière d’entreprises de Berlin, la capitale, Lisa Wendzich et Bryce Felmingham déballent quelques modules assortis de leurs onduleurs et câbles électriques. Ils se sont lancés sur le marché au printemps dernier, en proposant, en complément de la vente, des ateliers d’information et de composition de kits sur mesure. « Je crois que le succès du solaire de balcon est notamment dû au fait que c’est démocratique : chacun a le pouvoir de produire de l’énergie, dit Lisa Wendzich, directrice de la société SunCrafter. Les Allemands s’identifient beaucoup à cela, ils sont plus que convaincus. »

Eckart et son fils Kilian ont acheté deux modules à poser dans le jardin de leur maison, ici en discussion avec Lisa Wendzich de la société SunCrafter.

Cet après-midi de septembre, dix personnes ont fait le déplacement ; la moitié est repartie avec un, voire deux panneaux solaires. Tous le disent : le déclic, ils l’ont eu avec l’invasion russe en Ukraine. « On a profité d’une énergie pas chère pendant des années, sans se rendre compte qu’on était dépendants, explique Alexander, qui envisage d’offrir un module à son père pour son anniversaire. C’est le gaz de Poutine, mais pas seulement : pour les autres énergies fossiles, le charbon, le pétrole, c’est la même chose. On dépend de pays qui ne partagent pas les mêmes valeurs que nous. »

Nicole et Andreas, un couple de propriétaires, voient le solaire de balcon comme « un premier pas ». « Si ça marche bien chez nous, on investira dans une installation plus grande sur le toit », assure Nicole. S’agit-il d’un engouement passager ou d’une tendance de fond ? De plus en plus de communes remboursent en tout cas l’achat des modules. À Heidelberg, dans le sud-ouest, les foyers modestes peuvent ainsi recevoir jusqu’à 1 450 euros. Dans le nord de l’Allemagne, le Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale débloquera 10 millions d’euros à partir de mi-octobre pour aider les particuliers à s’équiper.

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