En Allemagne, des citoyens poursuivent le gouvernement en justice pour défendre leur droit à un air sain

L’année dernière, l’OMS a établi de nouvelles lignes directrices sur la qualité de l’air, diminuant considérablement les seuils recommandés. Bien que leurs directives ne soient pas juridiquement contraignantes, les sept plaignants demandent au gouvernement allemand d’agir pour renforcer la législation et préserver la santé des citoyens. [NadyGinzburg/Shutterstock.com]

Depuis que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a présenté de nouvelles lignes directrices sur la qualité de l’air en 2021, le gouvernement fédéral n’a donné aucun signe indiquant qu’il allait s’attaquer au problème. Un groupe de citoyens intente aujourd’hui un procès à l’encontre du gouvernement allemand pour inaction.

L’année dernière, l’OMS a établi de nouvelles lignes directrices sur la qualité de l’air, diminuant considérablement les seuils recommandés. Bien que leurs directives ne soient pas juridiquement contraignantes, les sept plaignants demandent au gouvernement allemand d’agir pour renforcer la législation et préserver la santé des citoyens.

« La pollution atmosphérique n’est peut-être pas souvent désignée comme la cause officielle des décès, mais elle fait des victimes et provoque des maladies sur le long terme, notamment des cancers, des problèmes cardiaques, des essoufflements et des accidents vasculaires cérébraux. Je souffre moi-même d’asthme », a déclaré un plaignant originaire de Munich dans une déclaration publiée lors de l’annonce de l’action en justice lundi (26 septembre).

Les sept plaignants représentent les quatre villes les plus polluées d’Allemagne — Munich, Düsseldorf, Berlin et Francfort-sur-le-Main — pour ce qui est du dioxyde d’azote (NO2) et les particules fines (PM2,5).

Les plaignants sont soutenus par le cabinet d’avocats spécialisé dans l’environnement ClientEarth et Deutsche Umwelthilfe (DUH), qui est une association allemande de protection de l’environnement et des consommateurs. Ces deux organisations aident régulièrement les citoyens à engager des actions en justice au nom de la santé et de l’environnement.

« Les responsables politiques ne font pas assez pour protéger les gens, en particulier les personnes les plus exposées. Il existe de nombreux moyens de réduire la pollution, mais ce qui manque, c’est la volonté politique de les mettre en œuvre », a déclaré le plaignant de Munich.

« Pour changer cela, j’intente aujourd’hui une action en justice pour défendre mon droit à respirer un air pur et sain », a-t-il poursuivi.

L’affaire a été portée devant la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne et sa base juridique repose notamment sur la Constitution allemande, l’engagement de l’Allemagne envers la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Selon la déclaration, les plaignants reconnaissent que le gouvernement allemand n’enfreint pas la législation nationale mais affirment qu’elle est fondée sur des données scientifiques dépassées, ce qui signifie que les citoyens respirent un air cinq à six fois plus pollué que les normes de l’OMS.

La pollution atmosphérique, un danger pour la santé de milliards de personnes dans le monde selon l’OMS

99 % de la population mondiale vit dans un endroit où les seuils préconisés par l’OMS pour la qualité de l’air ne sont pas respectés, ce qui menace leur santé. C’est ce qu’indique une nouvelle étude de l’agence des Nations Unies.

Des poursuites judiciaires au nom de la santé

Ce type d’action juridique n’est pas une première en Allemagne, où le mouvement « Fridays for Future » et d’autres jeunes militants ont déjà intenté un procès contre la législation nationale sur la protection du climat.

En avril 2021, la Cour constitutionnelle allemande a jugé que la législation était partiellement inconstitutionnelle car elle porte atteinte à la justice intergénérationnelle en transférant le fardeau de sa mise en œuvre aux générations futures. Cette décision a été considérée comme une victoire pour les jeunes militants.

Toutefois, ce ne sont pas les seuls exemples de tels cas.

En août 2021, l’État français s’est vu infliger une amende de 10 millions d’euros pour son incapacité à améliorer la qualité de l’air dans un certain nombre de régions et il risque maintenant de se voir infliger une autre amende de 20 millions d’euros pour n’avoir pas pris de mesures suffisantes à la suite du jugement de l’année dernière.

En mai 2022, un conseiller de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déclaré que les citoyens de l’UE pourraient être en mesure de poursuivre leurs gouvernements si des niveaux illégaux de pollution atmosphérique nuisent à leur santé.

Pour ce faire, les citoyens devraient prouver que la pollution atmosphérique est à l’origine de leurs problèmes de santé.

L’UE va procéder à une révision de la législation sur la qualité de l’air

L’UE est également consciente que de nouvelles normes en matière de pollution atmosphérique doivent être fixées, puisque la proposition de la Commission pour une révision des directives sur la qualité de l’air ambiant est prévue pour le troisième trimestre de 2022.

Ces règles fixent les limites des niveaux de pollution atmosphérique à l’échelle de l’UE et, selon l’exécutif européen, elles visent à les aligner étroitement sur les recommandations de l’OMS.

Si cela signifie que nous pourrions voir des améliorations bientôt, l’avocate des droits fondamentaux chez ClientEarth, Irmina Kotiuk, regrette que le processus soit généralement très lent.

« Il y a toujours eu un retard considérable en ce qui concerne la mise en conformité des États membres de l’UE avec la législation sur la pollution atmosphérique. Ils doivent agir maintenant pour éviter que d’autres vies soient inutilement gâchées et que d’autres enfants portent à vie l’héritage d’un air pollué », a déclaré Mme Kotiuk.

Il y a effectivement un sentiment d’urgence si l’on considère les recherches les plus récentes, dont les résultats sont difficiles à ignorer pour les législateurs.

Dans un article de la revue médicale The Lancet (15 septembre 2022), de nouvelles preuves ont révélé plus de détails sur la façon dont la pollution atmosphérique peut entraîner un cancer du poumon.

« On estime que 6000 personnes qui n’ont jamais fumé meurent d’un cancer du poumon chaque année au Royaume-Uni, et qu’environ un cas sur dix de cette maladie est attribué non pas au tabagisme, mais à la pollution atmosphérique », peut-on lire.

En outre, comme rapporté par EURACTIV plus tôt cette année, de nouvelles preuves suggèrent que la pollution atmosphérique a aggravé la gravité et la propagation de la Covid-19.

Une étude menée par le cabinet de conseil néerlandais CE Delft qui a enquêté sur la situation aux Pays-Bas a déclaré que « si la pollution atmosphérique était plus faible, moins de mesures de lutte contre la propagation de la Covid-19 auraient été nécessaires » et que « si les efforts politiques pour prévenir la pollution atmosphérique avaient été plus importants, des coûts sociaux significatifs auraient pu être évités ».

Bien qu’il ne s’agisse que de résultats préliminaires, ils s’ajoutent à la quantité déjà importante de preuves montrant les avantages d’une législation ambitieuse en matière de qualité de l’air.

La pandémie de Covid-19 aurait été aggravée par la pollution atmosphérique

Alors que les scientifiques établissent de plus en plus de liens entre la pollution de l’air et les effets de la Covid-19, la pression se fait de plus en plus forte sur la Commission européenne pour qu’elle fixe des ambitions élevées.

 

 

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