Menu
Libération
IRL: influence des radicalités en ligne

L’extrême droite française offre sa caution aux référendums russes en Ukraine

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Xavier Moreau, André Chanclu, Yvan Benedetti ou encore Arnaud Develay… Plusieurs figures de l’extrême droite radicale et du complotisme hexagonal ont fait le déplacement côté russe pour jouer le rôle d’«observateurs étrangers» des référendums d’annexion organisés par Moscou dans le Donbass.
par Pierre Plottu et Maxime Macé
publié le 27 septembre 2022 à 18h39

Tout sourire à la télévision russe, un homme présenté comme «un observateur étranger» se félicite de la très bonne tenue des référendums organisés par la Russie dans les territoires sous son joug en Ukraine. Ce cinquantenaire s’exprimant dans un excellent russe n’est autre que Xavier Moreau, un Français basé à Moscou qui alimente de discours prorusses sa chaîne YouTube aux plus de 180 000 abonnés. Selon nos informations il n’est d’ailleurs pas le seul à se faire la caution de ce que les autorités françaises ont décrit comme «une parodie» de consultation et «une provocation supplémentaire» du Kremlin, entre figures de l’extrême droite radicale antisémite et autres routiers du complotisme qui voient la main d’Israël partout.

France Info avait déjà révélé la présence sur place d’André Chanclu, ancien membre du mouvement d’extrême droite GUD et président d’une association pro-Kremlin. Libération a pu identifier près d’une dizaine d’autres ressortissants français à s’être rendu sur place à l’invitation de l’occupant. Parmi eux, mine renfrognée et pin’s de son parti (pétainiste) Les Nationalistes épinglé au revers, le néofasciste Yvan Benedetti, qui n’a pas répondu aux questions de Libé, apparaît sur plusieurs photos sur place. Il est en compagnie d’autres personnalités, présentées par les médias russes et séparatistes comme «des avocats, des députés, des enseignants et des journalistes». Toutes étaient venues pour «savoir si la société russe est prête à accepter les nouvelles régions».

«Tout est transparent»

Etait présent à cet événement le blogueur Léo Nicolian, un homme récemment rendu célèbre sur les réseaux sociaux après avoir été brièvement interviewé par France Info en marge d’une manifestation en soutien au très covido-complotiste professeur Perronne. L’homme est un familier des milieux conspirationnistes où il diffuse régulièrement de fausses informations comme celle voulant que les djihadistes maliens soient des «mercenaires payés et armés par Jean-Yves Le Drian».

Egalement sur place, l’avocat français Arnaud Develay. Cet inconnu du grand public a salué la «très bonne organisation de ces référendums» auprès du site russe 360Tv, se félicitant de «l’affluence importante de votants pour un jour pourtant travaillé». Et d’ajouter : «Les élections se déroulent de la même manière qu’elles se déroulent habituellement dans n’importe quel Etat du monde, tout est transparent». L’homme, qui fricote avec des réseaux «Gilets Jaunes constituants», est un habitué de la propagande des régimes autoritaires et dictatoriaux. A l’été 2020, il intervenait sur un média syrien pro-Assad pour dénoncer «le vol du pétrole dans le nord de la Syrie par les Américains» (une infox) et envisageait de déposer une plainte devant «la Cour pénale internationale». Plus récemment, le 6 mai 2022, il s’exprimait «depuis Damas» sur l’aide militaire française à l’Ukraine sur la chaîne de télévision iranienne francophone PressTV. Le «régime sioniste» aurait «choisi son camp» dans le conflit russo-ukrainien, a-t-il notamment affirmé.

Develay est également membre du «Mouvement International pour la souveraineté des peuples», un prétendu «réseau international de résistance contre le globalisme», en réalité un repaire de thuriféraires de Bachar al-Assad. Des proches du pape du complotisme français Thierry Meyssan et des milieux soraliens, comme l’avait révélé Streetpress en juin dernier.

Un ex-conseiller de Marine Le Pen

Autre membre de cette association présent en Ukraine comme «observateur», l’ancien membre du Front national et ex-conseiller de Marine Le Pen Emmanuel Leroy. Selon l’historien Nicolas Lebourg, l’homme est d’ailleurs derrière le penchant très russophile de l’ex-présidente du Rassemblement national. Il est un habitué du Donbass en tant que président de l’association Urgence enfants du Donbass (d’abord nommé Urgence enfants d’Ukraine) qui a effectué plusieurs missions humanitaires sur place. Des initiatives abondamment relayées en France par la presse d’extrême droite et notamment la web-télé identitaire TV Libertés où Emmanuel Leroy a son rond de serviette.

Autre intervenant récurrent des médias d’extrême droite, de RT France et du Média, l’ancien colonel français Alain Corvez était du voyage. En 2011, il a par exemple voyagé en Syrie avec Alain Soral. Escapade morbide dont il avait fait le récit, avait révélé le collectif Syrie Factuel, sur un site fondé par Frédéric Chatillon, figure du GUD et proche de Marine Le Pen mouillé dans les scandales politico-financiers de financement du parti lepéniste. Notons également la présence de Pierre-Emmanuel Thomann, professeur «en géopolitique» à l’ISSEP, l’école de formation de Marion Maréchal.

Il paraît loin le temps où en 2014, le référendum organisé par la Russie en Crimée pour justifier son annexion pouvait se targuer d’avoir comme «observateurs» l’eurodéputé RN Thierry Mariani et l’alors député LR Jean-Claude Bouchet. Mais le discours, lui, n’a pas changé : «tout est transparent», estimait alors Thierry Mariani.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique