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Mis en examen à Reims, le prêtre accusé d’abus sexuels ne sera probablement jamais jugé

Sauf invraisemblable retournement juridique, le prêtre mis en examen à Reims pour la « tentative de viol » d’un séminariste en 2010 ne sera jamais jugé, au motif qu’elle n’est pas caractérisée. D’autres faits ont été dénoncés, mais s’agissant d’« agressions sexuelles », elles sont prescrites.

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Ce n’est pas encore l’enterrement du dossier, mais la logique juridique y mène tout droit. Dans un arrêt rendu le 13 septembre, dont la version anonymisée est consultable sur son site, la Cour de cassation a confirmé une décision de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Reims qui a annulé en juin dernier le contrôle judiciaire du prêtre Gilles Guerigen, mis en examen le 22 avril 2022 pour la « tentative de viol » d’un séminariste en 2010. La chambre avait jugé qu’il n’existait « aucun indice grave ou concordant » permettant de caractériser cette « tentative de viol », d’où l’annulation du contrôle judiciaire désormais validée par la Cour de cassation.

Révélations et remous

Né en 1960, ordonné en 1992, passé par les paroisses Saint-André, Saint-Jacques, Saint-Maurice à Reims, Rives-de-Vesle près de Fismes, Val-de-Givonne à Balan (Ardennes), l’ecclésiastique est interdit de prêtrise depuis mars 2019, date de sa mise à l’écart aux archives diocésaines.

Révélées par L’union le 22 octobre 2021 , les accusations dont il fait l’objet ont provoqué des remous, notamment en raison de la gestion du dossier pendant 20 ans. Il a fallu les courriers de deux anciens scouts d’Europe adressés au procureur de Reims, la veille de la parution de l’article, pour qu’une enquête pénale soit ouverte contre celui qui était leur aumônier dans les années 1990 – 2000.

Confiées à la police judiciaire, les investigations ont révélé d’autres faits, tous classés sans suite, sauf un : non plus un délit d’« agression sexuelle », donc prescrit, mais un crime, en l’espèce une « tentative de viol » selon l’interprétation du parquet et du juge d’instruction, ce qui a permis la mise en examen du prêtre.

Aix-la-Chapelle et ses thermes naturistes

Le plaignant est un ancien élève séminariste, alors âgé de 19 ans, qui avait participé en 2010 à une sortie en groupe à Aix-la-Chapelle. « Les faits décrivent une scène dans les thermes », reprendre la Cour de cassation. « La victime précise qu’ils ont débuté par des attouchements sous les douches et notamment à son entrejambe, à l’aide d’un glaçon, ce qui est confirmé par M.G. lors de son audition par les autorités cléricales. Le jeune homme, impressionné, a refusé les attouchements et déclare ensuite qu’il s’est rendu dans une piscine pour nager avec le prêtre. » Celui-ci l’a rejoint. Ils étaient nus, « s’agissant de thermes naturistes ». Le plaignant « relate que M.G. l’a attrapé par-derrière par les épaules, et a collé son sexe semble-t-il en érection contre ses fesses ». Le séminariste se dégageait, le prêtre n’insistait pas.

Pour le parquet et le juge d’instruction, ces faits sont assimilables à une « tentative de sodomie », donc une « tentative de viol » qui présente l’avantage de contourner l’obstacle de la prescription, mais la chambre de l’instruction, saisie par la défense, a rejeté cette interprétation.

« Pour totalement inappropriés que soient les faits décrits, il n’apparaît pas que les éléments constitutifs d’une tentative de viol

soient réunis »

Certes, l’affaire s’inscrit « dans un contexte d’accusations multiples qui éclaire la personnalité » du prêtre, mais « pour totalement inappropriés que soient les faits décrits, il n’apparaît pas que les éléments constitutifs d’une tentative de viol soient réunis, ni même qu’il existe contre M.G. des indices graves ou concordants suffisamment caractérisés de ce qu’il a tenté de commettre un viol, [le plaignant] apparaissant avoir échappé sans difficulté à ses avances insistantes et répétées ».

On pourrait alors penser qu’il s’agirait plutôt d’une « agression sexuelle », mais elle serait prescrite, sachant que la chambre de l’instruction n’a même pas abordé ce débat car elle avait à vérifier s’il existait ou non une « tentative de viol », rien d’autre. Celle-ci n’étant pas caractérisée, « le contrôle judiciaire ne pouvait être ordonné ». Opposé à cette interprétation, le parquet général formait le pourvoi que la Cour de cassation vient de rejeter.

Contactés, les avocats du prêtre, Me Nicolas Brazy et Pascal Ammoura, n’ont pas souhaité s’exprimer, renvoyant aux arrêts qu’ils estiment suffisamment éloquents. Ils précisent cependant qu’une autre requête est en cours pour obtenir cette fois-ci la nullité de la mise en examen, requête déposée devant la chambre de l’instruction, celle-là même qui a jugé qu’il n’y avait pas de « tentative de viol ». La messe semble dite.

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