Mis en examen pour viols, cet ostéopathe continue à enseigner: la colère des plaignantes

Marc Bozzetto, fondateur de l’école d’ostéopathie Atman, mis en examen pour viols sur étudiantes, s’apprête à donner une série de conférences. Les parties civiles, stupéfaites, disent leur colère

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Grégory Leclerc Publié le 30/09/2022 à 17:15, mis à jour le 30/09/2022 à 17:32
Ici l’image retenue par le Centre Atman pour annoncer une conférence en février sur "le bassin". Capture écran site Internet Atman

"Je suis scandalisée! Il est mis en examen pour viols sur étudiantes et il donne des cours?! Au sein même de l’école où se sont produites les agressions? Je me sens comme blessée une nouvelle fois."

Valérie (1) est en colère. C’est un euphémisme. Par le site Internet officiel de l’établissement, elle a en effet appris que Marc Bozzetto s’apprêtait à donner une série de séminaires qui se dérouleront à l’école Atman. Rappelons que neuf femmes, dont Valérie, ont déposé plainte contre Marc Bozzetto, 82 ans. Nice-Matin avait dans une enquête, en janvier 2021, révélé l’ouverture d’une information judiciaire, et l’ampleur du dossier.

Toutes ont raconté avoir été agressées sexuellement, et pour certaines violées, lors de cours donnés par le fondateur de l’école. Marc Bozzetto avait été mis en examen pour agression sexuelle en avril 2021 par le parquet de Grasse. En mars 2022, il avait supplétivement été mis en examen pour "viols par personne usant de son autorité" sur trois de ses anciennes étudiantes, à la faveur de nouveaux éléments.

Selon le récit des plaignantes, Marc Bozzetto profitait de cours ou de soins donnés au sein de l’école Atman, sous couvert "d’ostéopathie pelvienne", pour abuser d’elles. Baisers sur les seins, cunnilingus, masturbation, mots crus, pénétration: les récits racontent peu ou prou le même genre de scénarios. Ils se déroulaient dans une pièce fermée par un verrou intérieur.

Le pionnier de l’ostéopathie en France avait annoncé en février dernier son retrait de ses "fonctions opérationnelles et de sa pratique de thérapeute". Le centre le justifiait alors ainsi: "Marc Bozzetto est conscient de l’émotion que ces allégations pourraient engendrer auprès des étudiants, de l’équipe soignante et des clients et partenaires du Centre." Le fondateur indiquait souhaiter "que les investigations en cours n’interfèrent en aucune manière avec la vie du Campus".

"Une provocation"

La donne a visiblement changé. Si l’on en croit le site internet de l’école, dans l’onglet "Séminaires postgrades ostéopathiques", Marc Bozzetto s’apprête à donner une série de conférences. La première, les 28 et 30 octobre prochains, sur le "cranio sacré"; une autre du 2 au 4 décembre sur "l’ostéopathie du membre inférieur"; une du 24 au 26 février sur le bassin; puis du 21 au 23 avril sur la colonne vertébrale; et enfin une dernière du 9 au 11 juin sur la "ceinture scapulaire". Chaque séminaire est facturé 590 euros, ou 2.500 euros les cinq séminaires "payés d’avance". Tous se déroulent dans l’école où se seraient en grande partie produits les faits allégués, une plainte ayant été déposée au Canada.

Si le contrôle judiciaire, auquel il est astreint par ses mises en examen, interdit à Marc Bozzetto d’entrer en contact avec les victimes, rien ne l’empêche a priori de continuer à enseigner. Un point sur lequel insiste Georges Lendel, responsable de la société Centre d’ostéopathie Atman (lire par ailleurs).

Pour l’avocat de plusieurs d’entre elles, Me Julien Darras, cette série de formations qui se tiendra d’octobre à juin n’en résonne pas moins comme une "provocation lancée à l’endroit des parties civiles et des victimes".

Après la requalification des faits intervenue cette année, c’est la cour d’assises, et non la correctionnelle, que pourrait encourir Marc Bozzetto.

(1) Son prénom a été modifié

Interrogé par Nice-Matin sur ce cycle de conférences, Georges Lendel, représentant légal de la société Centre d’ostéopathie Atman, affirme en préambule n’avoir comme unique mission que "l’intérêt des dizaines de salariés, professeurs et intervenants du Centre, ainsi que des centaines d’étudiantes et d’étudiants évoluant dans notre structure pour rien de moins que cinq années". Évoquant les valeurs de l’établissement, « la qualité et la richesse de son enseignement », le « sens du devoir » et de l’engagement « animé par des valeurs humanistes », Georges Lendel rappelle que toute personne est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et qu’elle soit déclarée coupable. « Monsieur Marc Bozzetto n’a, à ce jour, jamais été convoqué à un procès pour faire valoir ses droits et entendre sa défense devant un tribunal indépendant et impartial qui décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre lui. Ainsi, personne ne lui ayant interdit d’exercer ses activités, il me semble qu’il est libre et légitime de donner toute conférence à qui le souhaite, en raison de son expertise en ostéopathie mondialement reconnue. » Georges Lendel réclame qu’on « épargne » le centre d’ostéopathie « et de cesser de relayer que notre belle et prestigieuse école de savoirs et de techniques serait le lieu d’un délit. » Selon lui, « aucune infraction n’y a jamais été commise à ce jour ». Précisons qu’en l’occurrence, la justice enquête, non sur des « infractions », mais sur des délits (agressions sexuelles), voire des crimes (viols). Georges Lendel réclame aussi « de faire cesser la confusion auprès du public, en le liant à Monsieur Marc Bozzetto ». Une réponse difficile à comprendre. Marc Bozzetto est en effet le fondateur de cette école et sa figure de proue internationale. Mais la pirouette est trouvée : « Le fondateur de l’école Atman donnera sa conférence au titre de la Société Act, qui n’a aucun lien juridique de quelque nature qu’il soit avec le Centre d’ostéopathie Atman ». Dont acte. G. L.

Interrogé par Nice-Matin sur ce cycle de conférences, Georges Lendel, représentant légal de la société Centre d’ostéopathie Atman, affirme en préambule n’avoir comme unique mission que "l’intérêt des dizaines de salariés, professeurs et intervenants du Centre, ainsi que des centaines d’étudiantes et d’étudiants évoluant dans notre structure pour rien de moins que cinq années".

Évoquant les valeurs de l’établissement, "la qualité et la richesse de son enseignement", le "sens du devoir" et de l’engagement "animé par des valeurs humanistes", Georges Lendel rappelle que toute personne est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et qu’elle soit déclarée coupable.

"Monsieur Marc Bozzetto n’a, à ce jour, jamais été convoqué à un procès pour faire valoir ses droits et entendre sa défense devant un tribunal indépendant et impartial qui décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre lui. Ainsi, personne ne lui ayant interdit d’exercer ses activités, il me semble qu’il est libre et légitime de donner toute conférence à qui le souhaite, en raison de son expertise en ostéopathie mondialement reconnue."

Georges Lendel réclame qu’on "épargne" le centre d’ostéopathie "et de cesser de relayer que notre belle et prestigieuse école de savoirs et de techniques serait le lieu d’un délit." Selon lui, "aucune infraction n’y a jamais été commise à ce jour". Précisons qu’en l’occurrence, la justice enquête, non sur des "infractions", mais sur des délits (agressions sexuelles), voire des crimes (viols).

Georges Lendel réclame aussi "de faire cesser la confusion auprès du public, en le liant à Monsieur Marc Bozzetto". Une réponse difficile à comprendre. Marc Bozzetto est en effet le fondateur de cette école et sa figure de proue internationale.

Mais la pirouette est trouvée: "Le fondateur de l’école Atman donnera sa conférence au titre de la Société Act, qui n’a aucun lien juridique de quelque nature qu’il soit avec le Centre d’ostéopathie Atman". Dont acte.

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