"Ne touchez pas à ma fille !" : une Ukrainienne violée par des soldats russes raconte son calvaire

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"Ne touchez pas à ma fille !" : une Ukrainienne violée par des soldats russes raconte son calvaire

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"Il faut que le monde entier sache qui ils sont, et de quoi ils sont capables", affirme Ekatarina.
"Il faut que le monde entier sache qui ils sont, et de quoi ils sont capables", affirme Ekatarina.
© AFP - TOLGA AKMEN

C'est un témoignage rare qu'a pu recueilir la journaliste de la RTS Maurine Mercier. Ekaterina, prénom d'emprunt, 38 ans, a accepté de se confier. Elle a été violée par des soldats russes à de très nombreuses reprises pour pouvoir sauver sa fille de 13 ans. Deux semaines de viols et d'enfer.

[ATTENTION : ce récit comprend des informations et des descriptions qui peuvent choquer les plus jeunes]

( Ce reportage a obtenu le 1er prix radio du prix Bayeux des correspondants de guerre le 8 octobre 2022)

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Le viol est une arme de guerre. Et après 50 jours de conflit, les cas signalés se multiplient en Ukraine. L'armée russe est accusée systématiquement. Mais aucun témoignage n'avait été jusqu'alors recueilli. Maurine Mercier, journaliste à la Radio Télévision Suisse, a rencontré Ekatarina (le nom a été changé) 38 ans, et sa fille de 13 ans lors de son long reportage dans le village supplicié de Boutcha.

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"Tout d'un coup, leur regard tournait et ils devenaient fous"

À force de temps passé à leur côté, la jeune mère de famille a décidé de se confier. "Je vous raconte tout, une fois pour toutes. Ce n'est pas à moi d'avoir honte." Durant trois heures, elle raconte l'horreur absolue. Des paroles rares, insoutenables, à l'image du calvaire que ces femmes ont vécu pendant deux semaines et demi.

Témoignage d'une Ukrainienne violée pendant l'occupation russe, au micro RTS de Maurine Mercier

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Voici le témoignage de Ekatarina.

"Ils m’ont demandé de m'agenouiller, puis ils m’ont dit : 'Ta fille est très belle.' Je les ai suppliés de ne pas la toucher. Je leur ai dit : faites tout ce que vous voulez avec moi, mais ne la touchez pas. Ils s'y mettaient à plusieurs. Je crois que seuls mes yeux et mes oreilles n'ont pas été violés. Tout d'un coup, leur regard tournait et ils devenaient fous, d'un coup. Ils étaient totalement imprévisibles. J'ai vraiment eu le sentiment qu'on n'avait pas devant nous des soldats, mais des gens échappés de l'hôpital psychiatrique, qu'on leur avait donné des armes et envoyés faire la guerre. Ils ne sont pas normaux. Un jour, ils m'ont fait entrer dans la petite cour de mon voisin, et un militaire m'a dit : "Regarde, c'est ce que j'ai fait ce matin, c'est la femme que j'ai tuée." La femme avait du sang qui coulait de sa bouche. "J'ai attendu qu'elle souffre avant de l'achever" a ajouté le militaire. Je lui ai dit, 'vous avez vraiment fait ça ?' Et il m'a dit : 'oui, j'aime tuer, ça m'excite.' Il avait 18 ans."

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Le récit de Maurine Mercier sur cette confession

Dans notre journal de 12h30, Maurine Mercier expliquait au micro de Catherine Duthu dans quelles circonstances elle avait pu reccueillir ce témoignage rare et précieux.

Il est évidemment très difficile pour ces femmes de parler. Comment avez-vous fait ?

Maurine Mercier : "En prenant le temps, tout simplement. J'ai passé plusieurs jours à Boutcha, notamment dans un quartier périphérique. Une confiance s'est créée. J'ai longuement discuté avec les femmes que je rencontrais sur place, pendant plusieurs jours. Plusieurs m'ont dit avoir été violées, mais elles ne parvenaient pas à trouver le courage de témoigner. Et lors de la libération de la ville, alors que les corps de ses voisins jonchaient encore les rues de son quartier, je la rencontre pour la première fois. Elle ne mentionne rien de ce qu'elle vient de subir."

"Il faut que le monde entier sache"

"Et puis, petit à petit, la confiance s'est installée, jour après jour. Et tout d'un coup, elle s'est décidée. Elle me dit : "Ce n'est pas à moi d'avoir honte. Je vous raconte tout. Une fois pour toutes, il faut que le monde entier sache". Trois heures d'entretien avec sa fille de 13 ans à ses côtés, qui a tenu elle aussi à s'exprimer. Elle m'a raconté ces violences inouïes et le profil de ces militaires russes. Ces femmes sont peut-être malheureusement, à Boutcha, parmi les gens qui peuvent le mieux dresser le portrait de ces soldats qui ont sévi."

Des centaines de femmes ont été violées selon le président Zelenski, mais très peu parviennent à en parler, voire à se faire entendre. Comment enquêter sur ces viols ?

Maurine Mercier : "J'ai pu m'entretenir avec une psychologue qui a monté une cellule de crise pour aider les victimes de viol. Elle m'a évoqué notamment deux cas : une jeune fille de 14 ans, violée par cinq militaires russes. Violée juste devant sa maison. Cette jeune fille est enceinte aujourd'hui. Et puis ce petit garçon, 11 ans, violé sous les yeux de sa mère. Les militaires avaient ligoté sa mère à une chaise. Ses victimes, elles, ne porteront pas plainte. La psychologue tente en vain de les convaincre. Cette psychologue m'a évoqué ces cas où les victimes ne pensent surtout pas à porter plainte. Elles pensent souvent désormais au suicide."

Retrouvez l'intégralité du reportage de Maurine Mercier sur le site de la RTS :  À Boutcha, une mère et sa fille témoignent de deux semaines de viols et de terreur

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