Par Propos recueillis par Julien Rousset
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Comment les Iraniens installés dans notre région voient-ils la situation dans leur pays ? Rencontre avec trois d’entre eux, qui vivent dans l’agglomération bordelaise

Panthea Kian gère une plateforme de données biomédicales dans un institut de recherches. Salar est traducteur. Et Parnian retraitée. Tous les trois habitent l’agglomération bordelaise. Salar est iranien, Panthéa et Parnian franco-iraniennes. Membres du collectif girondin « Femme Vie Liberté », ils sont venus à « Sud Ouest » pour deux heures d’échanges sur les manifestations qui défient l’autorité des mollahs.

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Panthea Kian gère une plateforme de données biomédicales dans un institut de recherches. Salar est traducteur. Et Parnian retraitée. Tous les trois habitent l’agglomération bordelaise. Salar est iranien, Panthéa et Parnian franco-iraniennes. Membres du collectif girondin « Femme Vie Liberté », ils sont venus à « Sud Ouest » pour deux heures d’échanges sur les manifestations qui défient l’autorité des mollahs.

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Seule Panthea a accepté de parler à visage découvert. Elle sait qu’apparaître dans des médias pour fustiger l’actuel pouvoir condamne toute possibilité de retour à court terme dans son pays. « J’ai décidé de ne pas revenir en Iran tant que le régime n’aura pas changé ». Une forme d’anonymat a été demandée par Salar et Parnian – le prénom de cette dernière a été modifié –, car ils ont de la famille sur place.

« Le pays est occupé par un régime illégitime »

Panthea Kian, 62 ans. « Engagée dans la gauche iranienne, je suis arrivée en France en 1980 comme réfugiée politique, un an après l’instauration de la « République islamique ». Ce qui se passe actuellement en Iran, c’est très important. Ce n’est pas un énième mouvement de contestation : c’est une révolution. La question du voile obligatoire est un détonateur, mais les enjeux vont bien au-delà. Le pays est un brasier depuis plusieurs années. Le peuple n’en peut plus. 75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté alors que les sous-sols sont pleins de matières premières. L’inflation est délirante : les gens ne peuvent plus acheter de poulet ou de riz, la base de notre alimentation. La classe moyenne est très appauvrie. La plupart des étudiants cherchent à partir à l’étranger. «

75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté alors que les sous-sols sont pleins de matières premières.

« La société iranienne est arrivée à saturation. On a le sentiment que le pays est occupé par un régime illégitime. Lors des derniers mouvements sociaux, en 2019 notamment, le pouvoir a réprimé férocement, et fermé Internet pour que cela ne se sache pas. Cette fois, je ne pense pas qu’il puisse éteindre ce mouvement, car il a face à lui une énorme vague de désespoir. «

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«Je suis très impressionnée par le courage de ces étudiantes, lycéennes, collégiennes. Sans parler du soutien des artistes, des footballeurs… Pour les aider, nous devons être leur porte-voix, relayer sans relâche leurs images, ne pas laisser ce régime tuer dans l’indifférence. Et la France devrait cesser de négocier avec ce régime criminel sur la question nucléaire. Dans un Iran libre et démocratique, il n’y aura plus de problématique nucléaire à négocier »

« J’ai toujours peur d’apprendre qu’il y a eu un bain de sang »

Salar, 30 ans. « Chaque soir, avant de m’endormir, je regarde sur les réseaux sociaux ce qui se passe dans mon pays. Tous les matins, c’est mon premier réflexe. Toujours avec anxiété : j’ai à chaque fois peur d’apprendre qu’il y a eu un bain de sang. Le régime a restreint l’accès à Internet mais il ne peut le fermer complètement, car cela anéantirait encore plus l’économie : beaucoup de commerçants et d’entrepreneurs font leur business sur Instagram. Donc les infos continuent de nous parvenir. »

Ce qui m’a frappé, c’est combien la société est plus avancée et moderne que ce régime sinistre

« La dernière fois que je suis allé en Iran, il y a quelques mois, j’ai été frappé par le changement d’ambiance. Depuis l’élection du conservateur Ebrahim Raïssi à la présidence, la police des mœurs et les Gardiens de la révolution exercent une pression très visible dans l’espace public. C’était déprimant… Ce qui m’a frappé aussi, c’est combien la société est plus avancée et moderne que ce régime sinistre : ça fait longtemps qu’il y a un décalage, mais il est devenu intenable. »

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« Il n’y a plus d’horizon en Iran »

Parnian, 60 ans. « Les médias occidentaux parlent beaucoup du voile. Bien sûr que c’est un enjeu, mais les femmes veulent surtout l’égalité des droits. Elles sont majoritaires dans l’enseignement supérieur, mais restent juridiquement considérées comme des demi-humains. Elles ne peuvent pas avoir un passeport sans l’autorisation de leur mari… «

Beaucoup d’Iraniens laissent les portes de leur maison ou de leur immeuble ouvertes, pour que les jeunes puissent s’échapper

« Aujourd’hui, la jeunesse est hypermobilisée, dans toutes les villes, malgré la répression. D’après les retours que j’ai, le soutien de la population est massif : beaucoup d’Iraniens laissent les portes de leur maison ou de leur immeuble ouvertes, pour que les jeunes puissent s’échapper en cas de charge des forces de l’ordre. On nous dit qu’il n’y a pas d’alternative politique cohérente au régime, mais des personnalités vont émerger. Ça ne pourra jamais être pire que ce pouvoir qui incarne l’obscurantisme, la corruption, la faillite sociale, la misère, le pillage des ressources… Il n’y a plus d’horizon en Iran. Je suis convaincue que le pays est à un tournant. »

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