Publicité
Data

Les grandes écoles, toujours une histoire de famille ?

INFOGRAPHIE// Depuis vingt ans, des dispositifs « d'ouverture sociale » ont été mis en place pour démocratiser l'accès aux grandes écoles. Cependant, les jeunes qui ont grandi dans les familles les moins aisées y ont toujours difficilement accès. Etat des lieux, en partenariat avec la start-up Datagora.

Incorporation de la promotion 2022 pour les élèves de l'Ecole polytechnique. Une grande école où vous aurez 296 fois plus de chances d'entrer si votre père est lui-même diplômé de l'école.
Incorporation de la promotion 2022 pour les élèves de l'Ecole polytechnique. Une grande école où vous aurez 296 fois plus de chances d'entrer si votre père est lui-même diplômé de l'école. (Jérémy Barande, Flickr Polytechnique)

Par Julia Lemarchand, Timothée Gidoin

Publié le 6 oct. 2022 à 18:10Mis à jour le 6 oct. 2022 à 18:43

Les (très) bonnes notes au lycée conduisent aux meilleures filières ? Oui, mais pas seulement. De nombreuses études montrent les limites de la méritocratie à la française.

« En France, le concours a longtemps été considéré comme un moyen de garantir la méritocratie républicaine en permettant un accès juste et équitable aux formations les plus prestigieuses, expliquent les auteurs d'une récente étude intitulée « Grandes écoles : des politiques d'ouverture sociale en échec » . Cette vision positive de la méritocratie fait cependant l'objet de vives contestations en raison de l'ampleur et de la persistance des inégalités sociales d'accès aux filières les plus sélectives : les classes préparatoires et les grandes écoles »,

Concrètement ? Les chances d'intégrer un des établissements parmi les plus prisés en France (Sciences Po, ENA, Polytechnique…) sont multipliées par 83 si notre père est diplômé d'une très grande école, a mesuré l'économiste Stéphane Benveniste, dont la thèse publiée fin 2021 portait sur « Les grandes écoles au XXe siècle, le champ des élites françaises » (voir ci-dessous).

Publicité

Au cours du XXe siècle, les écoles se sont ouvertes progressivement à d'autres classes sociales. Les chercheurs Julie Falcon et Pierre Bataille ont montré dans leur étude parue en 2018 que peu à peu, au fil des décennies, les étudiants de classes sociales les plus favorisées ont vu diminuer leurs chances d'entrer dans ces établissements par rapport aux candidats de milieux plus modestes (voir ci-dessous).

Ce constat doit être cependant nuancé. Cette dernière étude porte sur un périmètre des grandes écoles plus large. Rappelons qu'en près d'un siècle les « grandes écoles » se sont multipliées jusqu'à en compter plus de 230 aujourd'hui.

Les jeunes natifs de Paris ont plus de chances d'intégrer les écoles les plus prisées qu'il y a un siècle…

En revanche, si l'on s'intéresse uniquement aux écoles les plus sélectives - les 10 qui ont intéressé Stéphane Benveniste dans sa thèse (première infographie)- on s'aperçoit qu'une inégalité s'est bien renforcée au cours du temps, c'est celle liée au lieu de naissance.

Les jeunes natifs de Paris ont en effet encore plus de chances qu'il y a un siècle d'intégrer une grande école parisienne comme l'Ecole Normale Supérieure, Telecom Paris ou encore l'Essec : 9 fois plus de chances pour un Parisien né entre 1891 et 1915 versus 15 fois plus de chances pour un Parisien né entre 1971 et 1995.

Rien de très étonnant à cela puisque c'est à Paris que l'on retrouve les lycées les plus prisés et les plus sélectifs. En France, 8 % des lycées fournissent 50 % des effectifs des grandes écoles.

Avoir fait sa scolarité dans un bon lycée est un sérieux avantage si l'on vise une grande école. Mais les inégalités s'étendent également au genre. Alors qu'elles représentent plus de la majorité (55 %) des inscrits dans les formations universitaires de Bac+3 à Bac+5, les femmes sont minoritaires (42 %) dans les grandes écoles. Une proportion qui descend à 37 % pour les écoles les plus sélectives.

Julia Lemarchand et Timothée Gidoin (Datagora). Infographie : Michael Mastrangelo, Jules Grandin.

Publicité