Mariages forcés : "Plus de 100 millions de filles vont être mariées dans la décennie à venir"

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Mariages forcés : "Plus de 100 millions de filles vont être mariées dans la décennie à venir"

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Parmi les leviers pour lutter contre les mariages précoces et forcés, l'éducation, comme ici au Mozambique, se révèle déterminante.
Parmi les leviers pour lutter contre les mariages précoces et forcés, l'éducation, comme ici au Mozambique, se révèle déterminante.
© AFP - Alfredo Zuniga

À l'occasion de la Journée internationale de la fille, l'association Vision du monde alerte sur les violences subies par celles qui sont mariées trop jeunes. Morts, grossesses précoces... les conséquences sont dramatiques. Entretien avec Camille Romain des Boscs, directrice de Vision du monde.

Crise du Covid, guerre en Ukraine, pauvreté : quelle que soit la raison, ce sont toujours les jeunes filles qui en subissent en premières les conséquences. Et même si de nombreux pays interdisent le mariage de filles mineures, dans la réalité, ces mêmes États ont du mal à faire respecter la loi. Conséquence, on estime à 640 millions le nombre de femmes victimes de violences conjugales, à 47 000 le nombre de femmes qui meurent suite à ces violences ou du fait de complications liées à la grossesse. Camille Romain des Boscs est directrice de Vision du monde : elle dresse un bilan de la situation, mais explique également qu'il est possible d'intervenir et de faire bouger les choses.

FRANCE INTER : Quand on regarde vos chiffres, on a l'impression que la situation des filles dans le monde s'est dégradée...

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CAMILLE ROMAIN DES BOSCS : "Nous avions enregistré des améliorations jusqu'au début de la pandémie de Covid. En Afghanistan, notamment, avec de très forts progrès en matière d'éducation des filles et, par conséquent, un recul de l'âge des mariages et des grossesses. La pandémie est venue saper tous les efforts qui avaient été produits. Effectivement, on estime aujourd'hui que plus de 100 millions de filles vont être mariées dans la décennie à venir.

Il faut savoir que les pays qui pratiquent les mariages forcés sont aussi des pays dans lesquels on procède à des mutilations génitales féminines, avec des complications très graves sur la santé des victimes. Les complications qui ont lieu pendant les grossesses et au moment de l'accouchement peuvent être vraiment gravissimes, avec des infections et parfois la mort. Et je vous passe la liste des difficultés et des problèmes de santé durables sur ces enfants."

Le corps des filles n'est pas prêt pour avoir des enfants non plus…

"Théoriquement, les filles peuvent avoir des enfants à partir du moment où elles ont leurs règles. On peut "techniquement" avoir un enfant, mais le bassin, le corps de la jeune fille de 12-13 ans, n'est pas fait pour avoir un enfant. Donc toutes ces grossesses qui ont lieu très tôt sont effectivement des vecteurs de grand danger pour la maman, la toute jeune maman, mais également pour l'enfant à naître, puisque ces enfants vont en général avoir des problèmes de poids, des problèmes de développement."

Comment intervenir ? Quelles actions mettez-vous en œuvre pour essayer de faire reculer ce problème ?

"Vision du monde, à travers le réseau international "World Vision", va essayer d'intervenir à la racine, sur les causes qui vont générer ces mariages et ces grossesses précoces. Donc en premier lieu, il faut agir sur le développement économique et permettre à chaque famille de nourrir ses enfants. Ensuite, il faut proposer des programmes au sein des villages et des communautés villageoises pour que les enfants et les jeunes filles connaissent leurs droits et les fassent respecter.

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Et on le voit, quand ce sont les jeunes, eux-mêmes, qui prennent la parole, les mariages précoces reculent. Je l'ai vu moi-même au Bangladesh il y a deux mois. Les jeunes sont capables de faire bouger les lignes positivement contre les mariages précoces."

Ça veut dire que les consciences peuvent évoluer ?

"Oui, on le voit à travers des témoignages. On le voit quand le courage est là, quand on travaille main dans la main avec tous. Vision du monde travaille sur le long terme pour obtenir la confiance des acteurs locaux. Nous travaillons avec les chefs religieux, avec les exciseuses par exemple, avec tous ceux qui interviennent dans la perpétuation de la norme sociale, qui veut qu'on marie et qu'on fasse des enfants. On travaille avec tous ceux qui ont un rôle à jouer et qui alimentent la tradition. Dans ce cas, on peut, petit à petit, faire changer les choses."

D'où l'importance de cette journée internationale des filles ?

"En effet, Vision du monde veut alerter et faire prendre conscience aux politiques, aux décideurs, mais aussi aux Français de la situation des jeunes filles à travers le monde. On veut aussi porter un message d'espoir en montrant que des choses concrètes sont possibles, qu'on peut faire évoluer la situation en prenant le temps, en travaillant au plus près des populations, avec les associations de terrain."

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