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"Simone, le voyage du siècle" : le biopic version catastrophique
Maladroit et parfois embarrassant, "Simone", sous-titré pompeusement "Le voyage du siècle", ne rend jamais grâce à son sujet d’étude.
Marvelous Productions - France 2 Cinéma - France 3 Cinéma

"Simone, le voyage du siècle" : le biopic version catastrophique

Salles obscures

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Après « La môme » et « Grace de Monaco », Olivier Dahan signe une nouvelle biographie filmée consacrée cette fois à Simone Veil, incarnée à différentes périodes de sa vie par deux actrices courageuses : Rebecca Marder et Elsa Zylberstein. Enseveli sous les maladresses embarrassantes et l’académisme, ce film n’honore jamais son sujet d’étude. Explications.

C’est « grâce » à lui que le biopic, hier un genre du cinéma plébiscité exclusivement par les Anglo-Saxons, est devenu à la mode en France. Depuis le triomphe international de La Môme en 2008, sur la vie d’Édith Piaf, on ne compte plus les films hexagonaux « de prestige » consacrés à des célébrités ayant exercé dans tous les domaines. Ces dernières années, pour ne citer que quelques titres, Gustave Eiffel (dans Eiffel de Martin Bourboulon), Charles De Gaulle (dans De Gaulle, de Gabriel Le Bomin), Jean-Luc Godard (dans Le Redoutable, de Michel Hazanavicius), Marie Curie (dans Radioactive, de Marjane Satrapi) ont connu les « honneurs » d’une représentation sur le grand écran. Avec des fortunes (très) diverses.

Olivier Dahan, l’auteur de La Môme, s’est fait une sorte de spécialité du biopic, puisque, après le succès de sa fiction sur Piaf, le cinéaste a récidivé en 2014 avec Grace de Monaco, un film navrant présenté en grande pompe en ouverture du Festival de Cannes et qui, contrairement à son prédécesseur, n’a essuyé que des déboires au box-office partout dans le monde. Le réalisateur, nullement découragé, tente aujourd’hui la passe de trois avec Simone, le voyage du siècle, un film de 2 h 20 consacré à Simone Veil. Avec une telle personnalité et un tel parcours humain, historique et politique, les enjeux sont évidemment d’une tout autre nature que dans les deux films antérieurs où le spectateur de bonne composition, « à la limite », pouvait se satisfaire du travail remarquable, forcément remarquable, effectué par les maquilleurs et les costumiers pour restituer une époque sans omettre le moindre détail pittoresque.

Médiocrité à tous les étages

Dans Simone, le voyage du siècle, Olivier Dahan, autant le dire tout net, n’échappe à aucun des pièges que l’on pouvait redouter : la grande histoire évoquée avec une absence totale de subtilité, l’académisme ronflant, les effets « musée Grévin » en cascade, l’exaltation lyrique hors sujet… Cette sorte de bêtisier du biopic culmine malheureusement (très malheureusement) quand le cinéaste entreprend de reconstituer les camps d’extermination nazis et filme la jeune Simone Veil avec sa sœur et sa mère confrontées à l’abominable. Des scènes plus que gênantes où l’artifice et l’emphase posent problème.

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Incarnée courageusement par Rebecca Marder et par Elsa Zylberstein à différentes périodes de sa vie, la Simone Veil de Olivier Dahan sera tour à tour une gamine éprise de liberté, une adolescente victime de la déportation, une jeune avocate audacieuse, une femme politique luttant pour le droit à l’avortement… Olivier Dahan bouscule la chronologie, mais il retrace les principales étapes de la biographie de son personnage en soulignant scolairement, à grand renfort de dialogues édifiants et d’envolées musicales assourdissantes, l’héroïsme d’une Simone Veil qui, toute sa vie, envers et parfois contre tous, est restée fidèle à sa morale, à son indépendance d’esprit et à sa pudeur farouche.

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Sur ce dernier point, le moins que l’on puisse dire est que le film ne fait pas preuve de la même exigence que son personnage. Maladroit et parfois embarrassant, Simone, sous-titré pompeusement Le voyage du siècle, ne rend jamais grâce à son sujet d’étude. Pour tous ceux que ce dernier passionne, mieux vaut – ô combien – relire Une vie, l’autobiographie de Simone Veil publiée en 2007.

Simone, le voyage du siècle, de Olivier Dahan. Sortie le 12 octobre.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne