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L'économie russe résiste aux sanctions mais a des motifs d'inquiétude

Frappée de plein fouet lors de l'application des premières sanctions occidentales après l'invasion de l'Ukraine, l'économie russe est parvenue à se stabiliser en sollicitant d'autres partenaires commerciaux. Elle pourrait cependant essuyer d'importants revers dans les prochains mois.

Plein emploi revendiqué, inflation en baisse, des prévisions de récession moins fortes qu'attendu : l'économie russe affiche de la résilience grâce à la manne énergétique et en dépit des sanctions, mais les défis à relever à plus long terme restent multiples.

Selon une prévision révisée du FMI mardi, le PIB russe devrait se contracter de 3,4% en 2022, loin des prédictions internationales apocalyptiques de mars, dans la foulée de l'intervention militaire en Ukraine. L'institution a également constaté dans un rapport "la résilience des exportations de pétrole brut et de la demande intérieure avec un soutien accru des politiques budgétaire et monétaire et un rétablissement de la confiance dans le système financier".

Un taux de chômage à moins de 4%

Le président Vladimir Poutine s'était déjà vanté en septembre face à des décideurs économiques russes d'"une situation qui se normalise", "le pic" des difficultés étant à ses yeux "passé". Selon lui, cela se traduit notamment par "un taux de chômage au plus bas", à 3,8%, et par "une inflation en baisse", à 13,7% sur un an, après avoir battu des records au printemps dans la foulée des premières sanctions internationales.

"On peut estimer que l'impact des premières sanctions est passé, notamment les effets sur le secteur financier", reconnaît Elina Ribakova, économiste en cheffe-adjointe à l'Association des grandes banques et institutions financières mondiales (IIF).

"La Russie a réussi à se préparer et à s'adapter aux sanctions", fait-elle valoir.

Rapprochement avec la Chine

La fracture diplomatique et économique avec l'Occident a accéléré le rapprochement de la Russie avec la Chine, son voisin énergivore avec lequel elle partage une frontière de plus de 4.000 km. Face à un marché européen désormais pratiquement inatteignable, "les entreprises sont obligées de trouver des alternatives sur d'autres marchés, notamment l'Asie et la Turquie", observe Natalia Zoubarevitch, économiste à l'université d'Etat de Moscou.

Moscou et Pékin ont d'ores et déjà annoncé vouloir payer leurs contrats de gaz en roubles et en yuans, une victoire pour la Russie, lancée dans une course pour "dédollariser" son économie. L'annonce la semaine dernière par l'Opep+ de sa volonté de réduire fortement sa production de pétrole, au grand dam de Washington, a été également applaudie des deux mains à Moscou, qui pourrait bénéficier d'une hausse des prix de l'or noir. Et les difficultés rencontrées par les Européens et le G7 pour plafonner le prix du pétrole russe - ni la Chine, ni l'Inde ne semblent vouloir y souscrire - ont aussi chassé les nuages du ciel de Moscou.

Une production automobile en berne

Mais structurellement, l'économie russe ne s'en trouvera que plus dépendante de la manne énergétique, tandis que les secteurs à haute valeur ajoutée vont accentuer leur retard. L'isolement accru des marchés internationaux risque de plomber ceux qui sont les plus dépendants technologiquement de l'étranger, car les promesses de produits alternatifs russes restent encore bien théoriques, quand la Russie ne peut se targuer de géants comme Adobe, Microsoft ou Apple.

Autre exemple frappant : le manque de pièces nécessaires à l'assemblage a plombé la production automobile. Mi-septembre, le constructeur japonais Toyota a fermé son usine d'assemblage à Saint-Pétersbourg (nord-ouest), faute de composants électroniques.

"Environ 50% des entreprises touchées par les sanctions ont toujours des difficultés à trouver des fournisseurs alternatifs", estime Elina Ribakova.

La Russie a en conséquence décidé d'alléger les normes de sécurité et environnementales pour les véhicules produits dans le pays. Retour en arrière, donc.

Un retard technologique accru

Dans un document de travail du ministère russe de l'Industrie et du Commerce, dont le contenu a fuité dans la presse russe, les responsables s'alarmaient récemment d'un retard "de 10 à 15 ans" de l'industrie technologique russe, d'une "dépendance" vis-à-vis de la production étrangère et d'une pénurie de main d'oeuvre.

Autre source de préoccupation : l'embargo européen sur le pétrole russe, fixé au 5 décembre, avant celui sur les produits raffinés en février 2023, n'a pas encore touché l'économie russe, particulièrement dépendante des hydrocarbures. Entre janvier et août 2022, plus de 40% des revenus fédéraux provenaient de la vente de gaz et de pétrole, selon le ministère russe des Finances.

TT avec AFP