Le scandale des « jolies » lettres de Silvio Berlusconi à Vladimir Poutine

Ce scandale provoque un nouveau malaise pour Giorgia Meloni, qui s’efforce de créer un gouvernement, et met à mal le soutien du centre droit européen à M. Berlusconi, affirmé juste avec les élections italiennes. [EPA/TELENEWS]

Silvio Berlusconi a une nouvelle fois semé le trouble dans la politique italienne après avoir révélé avoir échangé de « jolies » lettres avec son « véritable » ami de longue date, le président russe Vladimir Poutine.

Ce scandale provoque un nouveau malaise pour Giorgia Meloni, qui s’efforce de créer un gouvernement, et met à mal le soutien du centre droit européen à M. Berlusconi, affirmé juste avec les élections italiennes.

« J’ai rétabli les relations avec le président Vladimir Poutine, un peu, beaucoup même », a déclaré le leader de Forza Italia, M. Berlusconi, lors d’une réunion à huis clos avec les députés de son parti, alors que les négociations sur la formation d’un nouveau gouvernement à Rome peinent à aboutir.

« Pour mon anniversaire, il [M. Poutine] m’a envoyé vingt bouteilles de vodka et une très jolie lettre, et j’ai répondu avec des bouteilles de Lambrusco et une lettre tout aussi jolie. Il m’a décrit comme le premier de ses cinq vrais amis », a-t-il déclaré selon un fichier audio publié par LaPresse.

Invité à s’expliquer par des journalistes, M. Berlusconi a ensuite nié avoir fait ces déclarations, mais le fichier audio avait déjà provoqué des dégâts.

Le rapprochement des deux vieux amis inquiète surtout la leader du parti Fratelli d’Italia (Frères d’Italie) et très probable prochaine Première ministre, Giorgia Meloni, qui, selon la presse, envisage de confier le ministère de la Justice à Forza Italia et celui des Affaires étrangères à Antonio Tajani, lui aussi membre de Forza Italia.

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Mécontentement au sein du PPE

La déclaration de M. Berlusconi fait non seulement échouer les efforts de Mme Meloni en vue de former un gouvernement, mais expose également le centre droit européen, qui accueille en son sein la formation de Silvio Berlusconi Forza Italia.

Au cours de la campagne électorale, le président du PPE, Manfred Weber, avait invité les Italiens à voter pour Forza Italia, soulignant son européanisme assumé.

« Il est très clair que [la coalition de centre droit] est en faveur de l’intégration européenne, réaffirme la coopération transatlantique avec nos amis américains, le rôle dans l’OTAN et les valeurs européennes », avait déclaré M. Weber lors de son séjour à Rome avant le scrutin du 25 septembre.

Depuis lors, M. Berlusconi n’a cessé de démontrer le contraire. Il y a quelques semaines, il a déclaré que « M. Poutine n’avait qu’à remplacer le gouvernement de M. Zelensky par un gouvernement de personnes convenables » et que « les troupes russes n’auraient dû s’arrêter qu’autour de Kiev ».

Dans ses nouvelles déclarations, il a souligné que « les ministres russes ont dit que nous étions déjà en guerre avec eux parce que nous fournissons des armes et des fonds à l’Ukraine. Je suis très, très, très inquiet ».

Selon le chef de la délégation du Parti démocrate italien au Parlement européen, l’eurodéputé Brando Benifei, il est clair que l’amitié de longue date entre MM. Berlusconi et Poutine est toujours aussi forte et menace le nouveau gouvernement italien ainsi que l’Europe elle-même.

« La Lega [parti d’extrême droite italien] et M. Berlusconi ont des relations avec un ennemi de la paix en Europe. Je me demande ce que M. Weber et les autres partis du PPE auront à dire. Il serait nécessaire de demander des clarifications ou de prendre d’autres mesures contre Forza Italia », a déclaré M. Benifei à EURACTIV Italie.

Dans un entretien avec EURACTIV avant les élections, Iratxe García, la leader des socialistes et démocrates au Parlement européen (S&D), avait prévenu que le gouvernement d’extrême droite de Mme Meloni nuirait à la politique étrangère de l’UE.

« Cela porterait encore plus atteinte à nos valeurs fondatrices de l’UE que sont l’égalité, la démocratie et l’État de droit, et cela affaiblirait l’unité et la solidarité dont nous avons maintenant tant besoin face à l’agression de M. Poutine, en raison de leur programme nationaliste », a déclaré Mme García.

Une source du PPE, qui s’est adressée à EURACTIV sous couvert d’anonymat, a expliqué que les déclarations pro-russes de M. Berlusconi pendant toute cette période ont provoqué le « mécontentement » de la famille de centre droit de l’UE, en particulier parmi les eurodéputés en charge des affaires extérieures.

« La question ne sera guère à l’ordre du jour du parti, mais dans les couloirs et les échanges bilatéraux, certains eurodéputés ont exprimé leur choc », a déclaré la source du PPE.

Le président russe Vladimir Poutine (à droite) et l’ancien Premier ministre italien Silvio Berlusconi (à gauche), prenant le thé après leur rencontre informelle à la résidence Bocharov Ruchei, le 2 avril 2002. Le Premier ministre italien a déclaré qu’il soutenait « l’intégration la plus complète » de la Russie dans l’Europe lors de ses entretiens informels avec M. Poutine. [EPA PHOTO ITAR-TASS POOL] [EPA PHOTO ITAR-TASS POOL]

Le coup porté au récit de Giorgia Meloni

Les critiques à Rome suggèrent que ces déclarations ne sont pas une coïncidence et qu’elles visent principalement Mme Meloni, qui lui a récemment « ri au nez », comme l’a admis M. Berlusconi, lorsque ce dernier a demandé des ministères d’une importance plus stratégique pour Forza Italia.

« La personne désespérée ici est Mme Meloni, qui essaie d’arranger les choses avec Bruxelles et Washington et le vieux garçon est en train de tout détruire », a déclaré une source des S&D à EURACTIV.

Cette réaction pourrait, d’après cette source, être imputée à un « problème de personnalité » plutôt qu’à la politique elle-même.

« M. Berlusconi veut montrer qu’il est toujours au centre de la prise de décision […] il ne digère tout simplement pas de ne plus l’être », a noté la source. Elle a également ajouté que d’autres membres de Forza Italia, comme Antonio Tajani, ne pouvaient pas suivre M. Berlusconi sur cette rhétorique.

Dans un commentaire ironique, la source du groupe S&D a déclaré : « Nous devrions tous faire preuve de solidarité » avec Mme Meloni car il ne sera pas facile de diriger le pays avec Matteo Salvini de la Lega et M. Berlusconi « mais elle a choisi cette voie ».

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