La Russie "n'a aucun moyen de gagner cette guerre", assure un vétéran du Groupe Wagner

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La Russie "n'a aucun moyen de gagner cette guerre", assure un vétéran du Groupe Wagner

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Wagner Alexandre Zlodeev, ancien mercenaire du groupe Wagner, en octobre 2022
Wagner Alexandre Zlodeev, ancien mercenaire du groupe Wagner, en octobre 2022
© Radio France - Eric Biegala

C'est un témoignage rare : un ancien membre du désormais bien connu Groupe Wagner, société militaire privée russe qui a agi en Syrie, en Libye, en Centrafrique, au Mali, témoigne après avoir quitté la Russie pour la France. Il raconte le rôle trouble de Wagner en Ukraine.

"Wagner" : depuis 2015 le nom n'évoque plus le célèbre compositeur allemand mais une société militaire privée russe, articulée autour d'un ancien officier des services spéciaux, Dmitry Utkin (fan du compositeur et néo-nazi notoire) et financée par le restaurateur en chef de Vladimir Poutine, Yevgeny Prigozhin.

Cette agence de mercenariat a dépêché des combattants en Ukraine et en Syrie, en Libye, en Centrafrique ou au Mali... Elle envoie aujourd'hui ses hommes épauler l'"opération militaire spéciale "du Kremlin : l'invasion de l’Ukraine.

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L'ancien mercenaire de Wagner Alexandre Zlodeev, lui, a décidé de jeter l'éponge. Il a quitté le groupe en 2017 et la Russie début octobre, se dirigeant vers la France, où il a de la famille. Arrivé à Roissy-Charles-de-Gaule la semaine dernière, sans aucun visa ni permis de séjour, il est depuis retenu dans une "Zone d'Attente pour les Personnes en Instance", où il a demandé l'asile politique. C'est là que nous l'avons rencontré.

"Wagner se bat en Ukraine depuis 2015"

Grand, sec, presque maigre, la cinquantaine, pantalon de treillis et T-shirt noir, il s'est battu avec Wagner en Ukraine en 2015 et en Syrie l'année suivante. Démissionnaire ou chassé du groupe ("des problèmes avec la hiérarchie", plaide-t-il), il conserve de bonnes relations avec les combattants actuels de Wagner, très actifs dans le Donbass ukrainien aujourd'hui. Et assure que ceux-ci ne manquent de rien : "Wagner se bat en Ukraine depuis 2015 : ils ont des groupes de combat, ils ont leurs propres armements, qu'ils connaissent bien. Pas de problème à ce niveau-là : ils savent s'en servir."

Et l'homme - qui ne cache pas sa passion slavophile et nationaliste, mais assure n'avoir jamais rempli que des fonctions d'officier d’État-major au sein du groupe - estime que les contingents de Wagner constituent le fer de lance de l'offensive russe. Sur place, explique-t-il, Wagner est constitué "essentiellement de groupes d'assaut. Toutes nos victoires en Ukraine", assure-t-il*, "ont été obtenues grâce aux combattants du groupe Wagner ; c'est grâce à eux que les Russes parviennent encore, tant bien que mal, à avancer... Ce n'est certainement pas grâce aux troupes régulières.* [les hommes de] Wagner ont plus d'expérience, plus d'esprit de corps, plus de motivation : ce sont des chiens de guerre… et qui savent se battre !"

Certes, Wagner a été à la pointe des offensives russes sur Sieiverodonetsk et Lysychansk, deux villes conquises en juin-juillet dans le Donbass... mais uniquement après le retrait des forces ukrainiennes. La seule localité effectivement prise de haute lutte par les mercenaires de Wagner, c'est Popasna, petite cité de 22000 âmes avant-guerre...

"Certaines unités ont perdu jusqu'à 80 % de leurs hommes"

Les combattants du groupe sont peut-être aguerris, il n'empêche - et Alexander Zlodeev le confirme - cette guerre est terriblement meurtrière pour eux comme pour les unités régulières de la Fédération de Russie : "Tout le monde me rapporte que les troupes russes subissent en ce moment de très lourdes pertes. Au-delà du groupe Wagner, j'ai aussi des sources dans les Forces Spéciales de la Fédération de Russie, et dans le Renseignement du district militaire de l'Oural : ils me disent que certaines unités ont perdu jusqu'à 80% de leurs hommes."

Les perspectives d'avenir pour l'armée russe en Ukraine s'assombrissent de jour en jour sur le terrain. Particulièrement depuis les contre-offensives ukrainiennes lancées fin août. Quant à gagner cette guerre, Alexandre Zlodeev n'y croit pas une seconde : "Gagner ? Non : il n'y a [pour les Russes] aucun moyen de gagner cette guerre aujourd'hui ! Même avec les hommes de Wagner. Pour qu'on gagne, il faudrait multiplier le nombre de combattants Wagner par centaines. Et où trouver ces gens ? Aguerris, compétents... Depuis l'époque où Wagner a été créé, beaucoup des combattants les plus expérimentés ont été tués. Aujourd'hui, il n'y a plus personne."

Le groupe Wagner tente aujourd'hui de recruter… tout le monde et n'importe qui en Russie ! Y compris des détenus de droit commun, pour combler les vides sur la ligne de front. Des recrues sans aucune expérience militaire la plupart du temps.

En tout, les combattants du groupe Wagner en Ukraine ne dépasseraient pas les 8000 hommes engagés depuis le début du conflit. Plusieurs milliers auraient déjà été tués.

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