Patrimoine

Hiéroglyphes : une pétition pour le retour de la pierre de Rosette en Egypte

La pierre de Rosette a permis à Champollion de déterminer le sens des hiéroglyphes.

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Par Johan Rennotte

La pierre de Rosette est un objet clé dans l’histoire de l’égyptologie. C’est grâce à elle qu’il y a tout juste 200 ans, Champollion a réussi à déchiffrer la signification des hiéroglyphes. Exposée au British Museum de Londres depuis le 19e siècle, son retour en Egypte est réclamé de vive voix. A la tête du mouvement de rapatriement, l’archéologue Zahi Hawass, "superstar" de l'égyptologie, qui vient de lancer une pétition en ligne. La pierre reverra-t-elle donc un jour sa terre natale ?

La pierre de Rosette est jalousement gardée au British Museum de Londres

Elle est plutôt imposante, la pierre de Rosette, avec son 1 m 12 et ses 762 kg. Si imposante, que rien ne la destinait à devenir un objet essentiel de l’histoire de l’Egypte. Lorsqu’elle est trouvée en 1799, elle n’est plus qu’une dalle du fort de la ville d’el-Rashid (ou Rosette, en français), port côtier du delta du Nil.

Napoléon, qui n’est encore que général, mène alors ses troupes en Egypte. Cette campagne est l’occasion pour la France de faire main basse sur une quantité impressionnante d’objets et d’œuvres d’art antiques. Bon nombre des artefacts qui reposent dans la collection égyptienne du Louvre proviennent de cette expédition militaire.

Ce sont des officiers français qui font la découverte de la pierre, lors des travaux de réhabilitation du fort. On comprend vite son potentiel, et elle est amenée au Caire pour étude. Après la défaite française, les Britanniques prennent possession de la stèle, qui embarque pour Londres en 1802. Elle est tout de suite donnée au British Museum, où elle est encore exposée à ce jour. Dans cette histoire, les Égyptiens de l’époque n’ont manifestement pas eu leur mot à dire.

D’aucuns considèrent donc aujourd’hui que la pierre a été subtilisée à l’héritage culturel de l’Egypte, et qu’elle devrait y retourner au plus vite. C’est le cas de l’égyptologue internationalement reconnu, le Dr Zahi Hawass, qui a accepté de répondre aux questions de la RTBF. Et il n’y va pas par quatre chemins. Selon lui, il est plus que temps que la pierre revienne dans son pays d’origine.

Le 27 septembre, ce sont les 200 ans de la découverte du langage égyptien. Je pense qu’il est temps de dire aux Britanniques : merci beaucoup, vous avez la pierre de Rosette alors que vous n’avez aucun droit dessus, et maintenant, il est temps que cet objet revienne chez lui.

L’égyptologue Zahi Hawass réclame depuis longtemps le retour de la pierre de Rosette en Egypte.
L’égyptologue Zahi Hawass réclame depuis longtemps le retour de la pierre de Rosette en Egypte. © KHALED DESOUKI / AFP

En 2009, l’homme était à la tête du très influent département des Antiquités égyptiennes. Il fut donc chargé entre autres de l’aménagement du futur Grand Musée égyptien, projet colossal qui veut réunir les pièces majeures du patrimoine égyptien aux pieds des pyramides de Gizeh.

"J’ai demandé aux musées de Berlin, du British Museum ou du Louvre d’emprunter certains objets pendant trois mois, à l’occasion de la future ouverture du Grand Musée. Ils ont refusé. Ils m’ont répondu qu’ils étaient fragiles, et ne pouvaient pas voyager."

Car l’égyptologue ne désire pas seulement le retour de la pierre de Rosette, mais aussi celui du buste de Néfertiti détenu par le Neues Museum de Berlin et du Zodiaque de Denderah exposé au Louvre.

Nous leur permettons d’exposer ces objets en permanence dans leurs musées, et tout ça gratuitement. Nous leur permettons de venir faire des fouilles en Egypte. Et ils nous répondent non lorsque l’on veut leur emprunter notre patrimoine. Ça ne va pas !

Le buste de Néfertiti, détenu par le Neues Museum de Berlin
Le Zodiaque de Denderah, exposé au Louvre, est aussi réclamé par Zahi Hawass

Alors, l’homme a décidé d’associer sa notoriété aux nombreuses voix, en Egypte et ailleurs, qui militent pour le rapatriement pur et simple de l’héritage culturel. Une affaire qui embarrasse bon nombre de musées occidentaux depuis plusieurs années, et dont les lignes de front commencent seulement à bouger.

"L’heure est à la restitution"

La solution pourrait passer par la diplomatie. Mais le British Museum n’aime pas discuter restitution avec d’autres pays. Il y a quelques mois, l’affaire des marbres du Parthénon se muait en crise entre le Royaume-Uni et la Grèce, alors que le musée refuse toujours d’envisager un retour de ces statues antiques à Athènes. Hawass se dit par ailleurs non désireux de déclencher un nouveau conflit entre gouvernements.

Voilà qui n’augure a priori rien de bon pour un éventuel retour en Egypte de la pierre de Rosette. Pourtant, l’égyptologue souligne que la période est propice à la restitution du patrimoine africain, une réflexion déjà entamée en Belgique et bien avancée en France.

"Regardez à Bruxelles, vous avez le Musée de l’Afrique qui contient tant d’art pris de force aux Africains et qui commence enfin à parler de retour. Et en France, le président Macron a déclaré qu’il était temps de rendre son art à l’Afrique ! "

La France, justement, détient toujours le Zodiaque de Denderah, un magnifique plafond en pierre qui ornait la chapelle d’un temple. Le musée du Louvre a déclaré au magazine Connaissance des Arts que l’objet n’avait pas été volé, mais bien acquis dans le cadre d’une vente légale. Il n’entrerait donc pas dans les conditions que prévoit la loi française sur les restitutions qui a déjà permis le retour d’objets au Bénin et au Sénégal. Un argument que réfute totalement Hawass.

Le Zodiaque a été décroché du plafond du temple de Denderah par un voleur français, qui l’a ensuite vendu à la France !

L’égyptologue, figure de proue du mouvement réclamant la restitution, dit avoir récolté les preuves irréfutables que les trois artefacts ont été sortis illégalement d’Egypte. Une nécessité si le pays espère revoir la pierre de Rosette, car contrairement à la France ou à la Belgique depuis peu, aucune loi britannique n’encadre encore la restitution dans un contexte colonial. Il faudrait prouver le vol caractérisé ou le recel, comme pour n’importe quelle autre œuvre d’art victime du marché noir.

Une pétition pour un retour

Alors, le Dr Hawass a imaginé une autre solution. Il vient de lancer une pétition en ligne pour le rapatriement de la pierre. Il y en aura une pour chaque artefact. Il compte sur le soutien populaire et la mobilisation du milieu académique mondial.

"Je pense que si ces pétitions sont signées par des intellectuels du monde entier, les musées n’auront plus le choix et nous rendrons ces pièces. Ces objets devraient être exposés dans au Grand Musée, qui sera ouvert au début de l’année prochaine. Le meilleur musée du monde, vous verrez !"

Souvent, dans les questions de restitution de l’héritage culturel à l’Afrique, se pose la question de la sécurité des objets rendus, dans des pays où le contexte politique peut être instable, et les installations muséales modestes. Un argumentaire que le Dr Hawass balaie d’un revers de la main.

" En Egypte, nous avons des musées plus sécurisés qu’en France, en Allemagne ou en Angleterre ! Si vous allez aujourd’hui dans les principaux musées égyptiens, ils sont mieux entretenus que beaucoup de vos musées en Europe ! Jamais aucun artefact n’a été volé dans les musées égyptiens. "

L’homme fort des Antiquités égyptiennes, qui sera de passage à Bruxelles le 24 octobre pour une conférence dans le cadre de l’exposition "Touthankamon, son tombeau et ses trésors", ne perd pas espoir. Il est persuadé que les musées occidentaux finiront par entendre raison. Pour lui, c’est certain, la pierre de Rosette retrouvera le chemin de l’Egypte plus tôt que ce qu’on pourrait penser.

Ces objets sont des objets égyptiens auxquels nous sommes attachés. Ils devraient revenir à la maison.

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