(Agence Ecofin) - Pour étudier les d’accès à l’information les cabinets se contentent souvent de sonder les réseaux sociaux, observer le trafic des médias en ligne et de chiffrer les ventes des kiosques de médias papiers. Dans les pays africains, caractérisés par une forte culture de l’oralité, d’autres paramètres sont à considérer.
Au Mali, le « bouche à oreille » reste l’un des principaux moyens de diffusion de l’information. Selon le rapport « Mali’s Fake News Ecosystem » publié en février 2021 par le think tank nigérian Centre for Democracy and Development (CDD), 17% des Maliens accèdent prioritairement à l’information grâce au « bouche à oreille ».
« Le bouche à oreille reste le principal moyen par lequel 17% des Maliens entendent parler des actualités. Mais les mondes hors ligne et de la toile ne sont pas déconnectés. Les informations provenant des médias sociaux façonnent les conversations dans les lieux de rassemblement tels que les mosquées et les "grins" », explique le rapport. En plus de mettre des chiffres sur l’une des conséquences de la présence, souvent présumée et peu mesurée, de la tradition orale dans l’espace médiatique des pays africains, ce constat met également en lumière le rôle des grins.
Au Mali, le grin est un rassemblement quotidien de personnes autour du thé local pour discuter des problèmes de sociétés et de l’actualité. La pratique vient d’une tradition vieille de plusieurs décennies qui voyait les enfants circoncis apprendre ensemble les rites initiatiques en groupe durant des sessions marquées par le cérémonial du thé.
Seulement, comme le laisse entendre sa présence dans un rapport sur la désinformation, le grin, loin de ses nobles origines, a aujourd’hui très mauvaise presse. De nombreux médias le citent comme l’un des principaux moyens de manipuler l’information au Mali, à tel point que les politiciens locaux sélectionnent soigneusement les grins à visiter les veilles d’élections.
Pourtant, le grin et l’utilisation de l’oralité pour s’informer ne sont pas forcément une mauvaise nouvelle. Evidemment, répéter des rumeurs provenant des réseaux sociaux ou de médias en ligne conduit à une désinformation de masse, mais cela reste la responsabilité de ces deux types de plateformes qui doivent être réglementées pour fournir une information de qualité.
Le fait que 17% des Maliens s’informent de bouche à oreille offre une audience potentielle intéressante pour des formats comme le podcast, de plus en plus adopté par les médias. C’est également une opportunité pour les marques d’exploiter les bienfaits du « marketing du bouche à oreille ».
Cette expression, plus populaire du côté des marchés publicitaires anglophones sous le nom de « word of mouth marketing », est un phénomène qui pousse un client d'une marque à en parler, en bien ou en mal, lors d'une conversation.
L’attachement au bouche à oreille, au Mali, est donc un indicateur intéressant pour les marques investissant d’importantes ressources dans la relation avec les clients qui peuvent devenir des relais de la communication des entreprises sur certains produits.
Servan Ahougnon
Lomé, Togo - Organisé par la BIDC.