"Il a essayé de m'embrasser" : plusieurs femmes accusent un chauffeur prédateur Uber

Publié le Vendredi 21 Octobre 2022
Maïlis Rey-Bethbeder
Par Maïlis Rey-Bethbeder Rédactrice
Maïlis Rey-Bethbeder aime écrire, le café, traîner sur les réseaux sociaux et écouter de la musique. Sa mission : mettre en lumière les profils, les engagements et les débats qui agitent notre société.
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Plusieurs femmes déclarent avoir été victimes d'un même chauffeur, travaillant pour Uber et Heetch. L'homme était toujours en exercice, malgré plusieurs signalements sur les plateformes depuis un an.
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Les comportements de cet homme avaient déjà été dénoncés à de multiples reprises. Ce mercredi 12 octobre, une nouvelle jeune femme a signalé ce chauffeur à la plateforme Uber après une expérience traumatisante. Son histoire, rapportée sur les réseaux sociaux, a fait réagir de nombreuses anciennes victimes, étonnées que ce prédateur présumé roule encore.

La dernière victime raconte avoir commandé un Uber à Ivry-sur-Seine, dans le Val-de Marne, aux alentours de 22h30. Elle souhaitait se rendre à Montreuil, en Seine-Saint-Denis : un trajet d'une dizaine de kilomètres. La cliente âgée de 24 ans a ressenti très rapidement un sentiment de malaise à l'intérieur du véhicule. Le chauffeur ne suivait pas l'itinéraire indiqué par le GPS et a annulé la course sur l'application devant sa passagère, qui lui a demandé des explications.

"Tout va bien, t'inquiète pas. Ça va bien se passer", lui aurait répondu le chauffeur, en riant, comme le rapporte Nina, la belle-soeur de la victime, venue témoigner pour elle sur le plateau de BFMTV. L'homme aurait ensuite mis "une musique romantique".

La vingtenaire à bord de la voiture aurait demandé l'arrêt du véhicule à plusieurs reprises. Le chauffeur aurait continué de rire et de rouler dans la mauvaise direction. Prise de panique, la passagère aurait alors détaché sa ceinture de sécurité et sauté du véhicule en marche ("Elle ne s'est pas fait mal, heureusement", précise Nina).

Un témoignage viral

Apeurée, la passagère a signalé le soir même l'événement sur la plateforme Uber. Pas de réponse de la société. Elle refait un signalement le lendemain : "Uber finit par faire un message un peu banal, disant qu'elle va être remboursée de sa course", rapporte Nina. L'entreprise indique également à sa cliente qu'elle ne sera plus mise en relation avec ce chauffeur. Une réaction insuffisante pour l'utilisatrice ainsi que pour sa belle-soeur.

"Cela veut dire qu'il pouvait continuer à rouler et potentiellement s'en prendre à d'autres femmes", explique Nina, qui décide de relater l'événement sur les réseaux sociaux.

Le récit de sa belle-soeur, que Nina a partagé, a fait réagir de nombreuses femmes, qui l'ont contactée par message privé. "J'ai reçu des milliers de messages sur Instagram. Dans ces milliers de messages, des centaines témoignaient d'agressions par des chauffeurs de VTC et dans ces centaines, il y avait une petite dizaine de femmes qui m'ont rapporté avoir subi une agression ou une tentative d'agression par ce chauffeur", énumère Nina.

Son post est devenu viral et a rapidement dépassé les 400 000 "j'aime". Il a également finalement fait réagir Uber, qui lui a indiqué avoir désactivé le compte du chauffeur (il ne peut donc plus réaliser des courses via la plateforme). Mais Nina estime que sans la médiatisation de l'affaire, l'entreprise n'aurait certainement rien fait. "Les femmes qui n'ont pas d'exposition, elles sont accueillies comment en fait ?", questionne-t-elle.

La victime a décidé de porter plainte dimanche 16 octobre au commissariat d'Ivry pour "tentative d'enlèvement".

Des agressions dénoncées depuis longtemps

D'autres jeunes femmes ont reconnu le chauffeur (dont la photo apparaît dans le post de Nina), qu'elles accusent elles aussi de les avoir menacées, insultées ou agressées. Ainsi, l'une d'elle se souvient auprès de BFM TV d'une agression après avoir eu recours à la plateforme Heetch. "Pendant le trajet, il s'est arrêté et s'est assis à côté de moi sur la banquette arrière. Il a essayé de m'embrasser et de passer sa main sous ma robe", affirme-t-elle. Une fois arrivés, le chauffeur l'aurait plaquée contre la voiture et aurait tenté de l'embrasser, avant que la victime ne réussisse à s'échapper.

Une autre femme a raconté à BFMTV avoir été confrontée à cet homme. Elle raconte être montée à bord du véhicule avec son mari. Lorsque celui-ci a quitté le véhicule pour aller acheter des cigarettes, le chauffeur a verrouillé les portes et démarré, en lui disant : "Vous descendrez pas, grosse p*te", avant que la victime ne réussisse à s'extraire de la voiture.

Un phénomène loin d'être isolé, si l'on en croit les nombreux témoignages qui affluent encore sur les réseaux. Ces récits surviennent trois ans après le lancement du mouvement #UberCestOver. Initié par la militante féministe Anna Toumazoff, il visait à dénoncer les agressions à bord des voitures de transport avec chauffeur (VTC) et faire en sorte qu'Uber prenne des mesures.

À l'époque, l'application avait assuré que pour les cas liés à "une agression physique, sexuelles ou à des propos discriminatoires, le compte du passager ou du chauffeur qui aurait commis les faits, est alors immédiatement suspendu, et ce, à titre préventif", renchérissant : "la sécurité des utilisateurs [...] est une de nos priorités absolues". On est pourtant en droit de se demander, trois ans après, ce qui a changé.