Après la soupe à la tomate, la purée de pommes de terre… Hier, dimanche 23 octobre, en début d’après-midi, deux militants écologistes du collectif Letzte Generation (Dernière génération en français) ont jeté une bouillie jaunâtre sur Les Meules (1890 à 1891) de Claude Monet (1840-1926) au Musée Barberini à Potsdam, près de Berlin. Les individus ont ensuite collé leur main à la cimaise et scandé tout un discours sur le réchauffement climatique. Protégé par une vitre, le chef-d’œuvre d’une valeur de 111 millions de dollars n’a pas été endommagé et sera réinstallé dans les salles du musée mercredi prochain.
« Faire que la société se souvienne que la courses aux énergies fossiles nous tue tous »
Ce n’est pas habillés de t-shirts floqués mais portants des gilets orange sur des vêtements noirs que les deux individus ont vandalisé la toile de Monet. « S’il faut un tableau – sur lequel on a jeté de la purée ou de la soupe à la tomate – pour faire que la société se souvienne que la course aux énergies fossiles nous tue tous : alors nous allons vous donner de la purée sur un tableau ! », expliquent les activistes pour accompagner la vidéo de leur méfait diffusée sur les réseaux sociaux. À l’instar de Just Stop Oil qui prône la désobéissance civile au Royaume-Uni, les militants de Letzte Generation souhaitent de cette façon forcer les autorités allemandes et autrichiennes à prendre des mesures contre le réchauffement climatique. Les deux activistes ont été arrêtés et font l’objet d’une enquête pour dommages matériels et intrusion.
Les deux individus ont été arrêtés par les autorités allemandes. ©Letzte Generation
En suivant le modèle opératoire de leurs homologues britanniques, ils s’inscrivent dans cette nouvelle forme malheureuse de manifestation qui vise des chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art exposés dans les musées pour faire entendre leur discours. Si ces actions consistaient dans un premier temps à coller sa main sur le cadre ou la cimaise autour d’une œuvre, depuis l’attaque à la soupe à la tomate des Tournesols de Vincent Van Gogh le 14 octobre dernier, ces happenings deviennent de plus en plus choquants. Cette surenchère a pour objectif d’attirer au mieux l’attention des médias et du public.
Un chef-d’œuvre à 111 millions de dollars qui célèbre la nature
Pour appuyer leur message, n’est-ce pas paradoxal de s’en prendre à une véritable icône de la peinture de paysage qui célèbre la nature ? « Si je comprends l’urgence des militants face à la catastrophe climatique, je suis choquée par les moyens avec lesquels ils tentent de donner du poids à leurs revendications, a déclaré Ortrud Westheider, directrice du Musée Barberini dans un communiqué. C’est dans les œuvres des impressionnistes que l’on voit l’intense engagement artistique avec la nature. Les nombreuses peintures de paysages de la Collection Hasso Plattner peuvent inspirer les visiteurs à réfléchir et à s’interroger sur leur relation à l’environnement. »
Les Meules de Claude Monet exposé au Musée Barberini. © David von Becker
Adjugées aux enchères en 2019 pour près de 111 millions de dollars chez Sotheby’s à New York (le record en date pour un Monet), Les Meules appartiennent à la collection Hasso Plattner et sont exposées au Musée Barberini dans le cadre d’un prêt permanent. L’huile sur toile fait partie d’une série de 25 tableaux de l’artiste qui représentent des meules de foin près de sa maison à Giverny, vers 1890. La version exposée au musée allemand a été peinte durant l’hiver. Œuvres emblématiques de l’histoire de l’art, ces tableaux ont inspiré de nombreux artistes et notamment Wassily Kandinsky. En 1896, lorsque le peintre visite dans une galerie à Moscou une exposition d’art français, il est bouleversé par la vision d’un des tableaux de la série des Meules. Il ne reconnaît pas ce que Monet a voulu représenter et écrit dans Regards sur le passé : et autres textes, 1912-1922 : « les objets étaient discrédités comme éléments essentiels de la peinture ». Cette révélation marque un tournant dans l’œuvre du peintre qui le conduit vers l’abstraction.
