Les Européens ferment boutique face à la menace d’une récession économique

Les faillites d’entreprises, en particulier de PME, ont augmenté régulièrement au cours de l’année 2022 et cette tendance devrait perdurer en 2023 dans l’ensemble de l’UE. Selon Atradius Collections, un organisme de recouvrement de créances, cela se passe « en raison de perspectives économiques plus faibles, avec une inflation et des prix de l’énergie élevés, un resserrement monétaire et l’expiration des aides publiques ». [Shutterstock/Michaelpuche]

Malgré deux années de soutien public considérable lié à la pandémie de Covid-19, l’augmentation du coût de l’énergie et du service de la dette, ainsi que les pressions inflationnistes générales, mettent en péril la reprise des petites et moyennes entreprises.

Les faillites d’entreprises, en particulier de PME, ont augmenté régulièrement au cours de l’année 2022 et cette tendance devrait perdurer en 2023 dans l’ensemble de l’UE.

Selon Atradius Collections, un organisme de recouvrement de créances, cela se passe « en raison de perspectives économiques plus faibles, avec une inflation et des prix de l’énergie élevés, un resserrement monétaire et l’expiration des aides publiques ».

En effet, les faillites d’entreprises ont augmenté de 69 % en France au cours de l’année écoulée, une première depuis plus de 25 ans, a constaté la société de conseil Altares Dun & Bradstreet au début du mois.

Le risque de faillite aggravé a également augmenté en Italie, passant de 11,4 % à 16,1 %, avec près de 100 000 entreprises présentant un risque élevé de faillite, selon les données de l’Osservatorio Rischio Imprese du cabinet d’études de marché Cerved.

831 000 personnes travaillent dans des entreprises italiennes à risque de faillite, soit une augmentation de près de 129 000 par rapport à 2021 (+ 7,2 %). Quelque 2,1 millions de personnes travaillent dans des entreprises considérées plus généralement comme vulnérables, avec un total de plus de 3 millions de personnes employées dans des entreprises « fragiles ».

Une tendance similaire a été observée en Pologne, où les données du ministère du Développement et de la Technologie concernant les faillites d’entreprises indiquent que 104 300 demandes de fermeture de magasin ont été déposées auprès des autorités jusqu’à présent cette année, soit 25,8 % de plus par rapport à l’année dernière.

Les demandes de suspension temporaire des activités ont également augmenté de 39,4 % au cours des douze derniers mois.

Mais la situation est encore pire au Royaume-Uni, où « plus d’une entreprise britannique sur dix a signalé un risque modéré à grave d’insolvabilité en août 2022 », selon une note d’orientation de l’Office for National Statistics (ONS), soutenu par le gouvernement.

En septembre 2022, les niveaux d’insolvabilité avaient dépassé ceux d’avant la pandémie, faisant du Royaume-Uni l’un des pays les plus touchés.

Les agriculteurs européens « en faillite » face l’afflux de céréales ukrainiennes, la Commission dément

Les producteurs de céréales roumains ont alerté qu’un afflux de céréales ukrainiennes via les « couloirs de solidarité » de l’UE les pousse au bord de la faillite. La Commission européenne insiste cependant sur le fait que cela n’a aucun impact négatif sur le marché unique.

Les prix de l’énergie augmentent, le soutien dû à la pandémie se tarit

Alors que le soutien gouvernemental apporté dans le cadre de la Covid-19 a permis de maintenir le nombre d’insolvabilités à un faible niveau, il est intéressant de noter que des taux de faillite élevés peuvent être observés sur les marchés où le soutien fiscal a été progressivement supprimé, selon Atradius Collections. L’Autriche, la Belgique, la France et le Royaume-Uni figurent en tête de liste de l’UE.

Les analystes n’hésitent pas non plus à souligner que les chiffres sont artificiellement gonflés par les entreprises zombies : « les entreprises en mauvaise santé sont maintenues en vie par de l’argent “gratuit” via des taux d’intérêt extrêmement bas et des programmes d’achat des banques centrales », souligne une note d’Allianz Trade.

Il est difficile de dire combien de ces entreprises zombies existent réellement : la Cour des comptes française a parlé d’un maximum de 2,5 %, dans un rapport publié en juillet.

Pour certaines PME, cependant, la lutte est bien réelle. « 150 000 PME risquent une faillite soudaine », a déclaré le secrétaire général du syndicat patronal français Jean-Eudes du Mesnil à France inter la semaine dernière, alors que les contrats d’énergie doivent être renégociés pour la prochaine année civile et que les coûts devraient augmenter jusqu’à 250 %.

EURACTIV France avait révélé en août dernier que 20 à 30 % des PME pourraient être confrontées à la faillite d’ici la fin de l’année, selon le syndicat SDI.

Les prêts garantis par l’État, même s’ils ont apporté un répit bienvenu au cœur de la pandémie, ont ajouté une charge supplémentaire aux entreprises françaises, qui sont désormais obligées de rembourser après un délai de deux ans.

De plus en plus de PME dont les plans d’affaires fonctionnent sont à court de liquidités, tandis que le rééchelonnement de la dette, bien que constituant une option, n’est pratiquement jamais utilisé, a déclaré la Banque centrale française à EURACTIV.

La plateforme d’échange d’informations économiques polonaise Krajowy Rejestr Długów décrit également une tendance similaire, bien que de moindre ampleur : « les prix de l’essence et de l’énergie influencent la situation financière des entreprises » et « certaines entreprises vont certainement souffrir, même s’il est difficile de dire dans quelle mesure », a déclaré Andrzej Kulik, porte-parole de la société, à EURACTIV Pologne.

L’inflation en glissement annuel a atteint 15,6 % en septembre 2022, soit cinq points de pourcentage de plus que la moyenne européenne de 10,9 %.

Même les pays qui n’ont pas connu de hausse significative s’attendent à un changement de ton à l’approche de l’hiver.

L’Allemagne, qui a connu une baisse de près de 20 % des faillites d’entreprises, se prépare à une hausse alors que la crise énergétique frappe la croissance des entreprises. En particulier, les entreprises énergivores et les services aux entreprises sont les plus durement touchés par une baisse de la consommation. Les boulangeries, qui entrent dans ces deux catégories, sont au centre de l’attention publique.

Il convient de souligner que, contrairement à ses voisins, les aides versées par le gouvernement allemand pendant la pandémie ont pris la forme de subventions, et non de prêts, et ne s’ajoutent donc pas aux tensions économiques existantes.

Prêts garantis par l’Etat : syndicats et entreprises alertent sur le risque de faillites

Alors que la situation macroéconomique continue de se détériorer, des syndicats lancent l’alerte au sujet des entreprises en peine de rembourser leurs prêts garantis par l’Etat (PGE) et charges URSSAF. Le risque de défaillances d’entreprises en série n’est pas nul.

« Boucliers économiques » et « garanties d’électricité »

Les fonds publics ont jusqu’à présent protégé les entreprises des pires effets de la crise énergétique.

Pas moins de huit mesures législatives ont été émises en 2022 en Italie, avec à la fois des interventions directes visant à contenir les dépenses d’électricité, de gaz naturel et de carburant et des mesures indirectes destinées à protéger le pouvoir d’achat des ménages et les liquidités des entreprises. Cela a eu un coût net d’emprunt de 54,4 milliards d’euros, soit 3,5 % du PIB en 2021, selon un rapport du think tank Bruegel.

Il en va de même pour le « bouclier de protection économique » controversé de 200 milliards d’euros du gouvernement allemand, dont 91 milliards seront utilisés pour freiner les prix du gaz.

Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a annoncé la création d’une « garantie électricité » en amont des négociations des contrats d’énergie, mais les détails n’ont pas encore été révélés.

Le rééchelonnement de la dette est également accessible par le biais d’un service dédié de la Banque centrale française, mais les syndicats et l’industrie ont souligné une limite claire : tout rééchelonnement ajouterait l’entreprise à une liste de « défaut de paiement », ce qui suffirait à effrayer les clients et les investisseurs potentiels.

Le bouclier énergétique allemand jugé « inconstitutionnel », le ministre des Finances sommé de s'expliquer

La Cour fédérale des comptes allemande a déclaré mardi que le plan de sauvetage énergétique du gouvernement était « inconstitutionnel ».

[Avec les contributions de Federica Pascale, EURACTIV Italie ; Jonathan Packroff, EURACTIV Allemagne ; Pekka Vänttinen, EURACTIV Finlande ; Aleksandra Krzysztoszek, EURACTIV Pologne ; Bogdan Neagu, EURACTIV Roumanie].

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