L’homme de Néandertal ne mangeait quasiment que de la viande
Des chercheurs ont analysé le zinc de l’émail d’une dent retrouvée en Espagne, une technique nouvelle et performante, pour connaître le régime alimentaire de l’un de ces hommes préhistoriques. Il se nourrissait quasi exclusivement de viande et de moelle.
- Publié le 26-10-2022 à 18h59
- Mis à jour le 26-10-2022 à 18h01
Les hommes de Néandertal, disparus il y a 30 000 ans, mangeaient-ils uniquement de la viande ou aussi des aliments d’origine végétale ? Quels animaux consommaient-ils ? Et à part les bons vieux steaks, allaient-ils chercher des protéines supplémentaires dans les os des animaux ? Le régime alimentaire des Néandertaliens est un vaste sujet qui occupe depuis longtemps les paléontologues. Mais l’enquête progresse, grâce aux nouvelles techniques d’analyse des squelettes.
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La semaine dernière, une équipe de scientifiques dirigés par Klervia Jaouen, chercheuse au CNRS, a dévoilé le régime alimentaire d’un homme de Néandertal qui habitait le site de Gabasa, en Espagne : l’individu n’avait pas l’air de mitonner beaucoup de fruits et de légumes… On l’a compris en scrutant la composition chimique d’une de ses molaires, exhumée sur le site de fouilles. L’émail de la dent, "un minéral résistant à toutes formes de dégradation", comme le rappelle le Centre national français de la recherche scientifique (CNRS), contenait du zinc datant de plusieurs dizaines de millénaires. Et ce zinc apporte des informations précieuses selon que l’atome comporte plus ou moins de neutrons : on appelle "isotopes" ces variantes chimiques d’un même élément. "Plus les proportions des isotopes du zinc sont faibles dans les ossements, plus ces derniers sont susceptibles d’appartenir à un carnivore", explique le CNRS pour résumer l’étude scientifique, parue dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. On sait donc que notre homme se nourrissait quasiment exclusivement de viande. Et pour vérifier ces résultats, les chercheurs ont également appliqué la méthode des isotopes du zinc sur "des ossements d’animaux provenant des mêmes périodes et zone géographique, à la fois sur des carnivores comme le lynx ou le loup, et sur des herbivores comme le lapin ou le chamois". On a même pu déterminer que notre Néandertalien de Gabasa n’a pas consommé le sang de ses proies ni leurs os, mais il semblait en extraire la moelle car on a retrouvé des os brisés sur le site de fouilles. Les données chimiques suggèrent aussi cette consommation de moelle. Et enfin, "d’autres traceurs chimiques montrent qu’il a été sevré avant ses 2 ans".
C’est la première fois que les rapports isotopiques du zinc dans l’émail des dents sont utilisés pour comprendre le régime alimentaire des hommes de Néandertal. Jusqu’ici, la méthode privilégiée consistait plutôt à scruter les protéines de collagène et l’azote présents dans les os des squelettes. Mais ces substances se dégradent après 50 000 ans d’âge, et résistent uniquement aux environnements tempérés. Le zinc est donc une alternative prometteuse pour tous les restes humains très vieux, ou ayant subsisté dans des climats difficiles.