Oui, on peut être une chaîne de resto sans plastique, bio, végétale, fait maison, sans additifs et sans gâchis. Démonstration.

© Wild and the Moon

La chaîne Wild and The Moon veut montrer qu'une autre alimentation, plus respectueuse de nos corps et de l'environnement, est possible. « Nous travaillons jour et nuit depuis sept ans pour faire au mieux. » Interview de sa fondatrice Emma Sawko.

Wild and The Moon, vous connaissez ? Cette chaîne de restauration a ouvert il y a sept ans à Paris et à Dubaï, et depuis, a essaimé à travers la capitale. Elle vient d’ouvrir sa première franchise à Amsterdam. Jusque-là, c’est une histoire de chaîne qui a réussi. Mais Wild and The Moon ne veut pas être une chaîne comme les autres : elle est 100% bio, 100% végétale, 100% sans plastique, 100% fait maison, sans additifs, sans gâchis alimentaire, et aussi locale que possible. Des entreprises de restauration qui s’engagent réellement sur autant de plans différents, au-delà du « 100% » qui fait joli dans le slogan, il n’y en a pas cent. Il n’y en a même probablement qu’une. Rencontre avec Emma Sawko, fondatrice ambitieuse et enthousiaste de la chaîne healthy qui rêve de « détrôner Starbucks » – ni plus ni moins.

Emma Sawko, les engagements écolo et healthy, ça vous vient d’où ?

Emma Sawko : J’ai grandi avec une mère très consciente du rapport aliment-santé. Par ailleurs, j'ai passé beaucoup de temps dans la ferme de mon grand-oncle dans le pays basque. Avant même l’aventure Wild and The Moon, j’ai ouvert un restaurant à Dubaï qui a été le premier restaurant « vert » de la région. À l’époque, là-bas, il n’y avait pas du tout cet intérêt pour la santé, l’agriculture locale, le bio… On m’a prise pour une folle. Mais ça a fonctionné !

Plus récemment, j’ai eu une grosse prise de conscience en devenant maman. Je suis mère de trois enfants, et je suis inquiète… méga inquiète. J’ai eu envie d’un projet collectif, à plus grande échelle que ce que j’avais fait à Dubaï. Wild and The Moon, c’était mon rêve. Je voulais montrer qu’on peut consommer différemment, être plus responsable dans sa façon de s’alimenter. Dans la restauration, nous sommes de gros pollueurs, des gens qui utilisent beaucoup de plastique, qui gâchent beaucoup de nourriture… Je me suis demandé : comment créer un concept qui traiterait toutes ces urgences écologiques de front pour montrer l’exemple et faire bouger les lignes ?

Quels sont les engagements de Wild and The Moon ?

E.S. : D’abord, nous sommes 100% sans plastique. Nos packagings sont faits exclusivement de matières biosourcées et compostables. Ensuite, il y a le 100% végétal : aucun produit d’origine animale n’est vendu chez nous. Nous sommes aussi 100% bio : tout ce qui rentre chez nous est certifié. Il n’y a aucun additif dans nos produits pour prolonger leur durée de vie, et les compositions sont clairement expliquées sur les emballages, avec rarement plus de cinq ou six ingrédients. Tout est fait maison, et nous essayons de reposer sur une agriculture locale : nous changeons nos menus tous les trois mois pour respecter le cycle des saisons.

Nous sommes également engagés sur la réduction du gaspillage alimentaire. Nous faisons très attention à nos inventaires, et veillons à tout utiliser dans nos préparations. Par exemple, quand nous pressons nos fruits et légumes, nous récupérons la pulpe pour en faire des crackers ou des cookies ; dans nos soupes, nous mettons les carottes entières, fanes comprises… Et le soir, au lieu de jeter nos produits à dates courtes, nous travaillons avec Too Good To Go qui récupère les invendus.

Vous êtes donc irréprochables ?

E.S. : Certainement pas ! Nous sommes loin d’être parfaits. Par exemple, notre empreinte carbone n’est pas idéale, parce que nous travaillons beaucoup avec des superfood qui poussent hors de France. C’est le cas de l’açaï. Les qualités nutritionnelles de ces aliments ne se retrouvent nulle part ailleurs, c’est pour cela que j’ai fait le choix de les importer. Nos produits ne sont donc pas 100% locaux… Mais nous y travaillons ! C’est un work in progress, en toute transparence.

Pour moi, le plus important est d’être cohérent. Des restaurants et des chaînes qui se disent « propres » parce qu’ils sont véganes, il y en a des centaines aujourd’hui; mais quand on creuse un peu, on trouve tellement d’incohérences. Chez Wild and The Moon, nous voulons avoir une approche globale. Alors forcément, il y a encore plein de choses à faire. Mais nous travaillons jour et nuit depuis sept ans pour faire au mieux.

C’est un casse-tête, car le non-conventionnel est toujours beaucoup plus cher. Quand on est une startup et qu’on n’est pas sûrs d’avoir assez de cash pour payer tout le monde à la fin du mois, on a vite fait de se dire que le plastique, ce n’est pas si grave. Moi, je préfère fermer Wild and The Moon que de faire ce choix-là. Nos deux critères à chaque nouvelle idée sont toujours les mêmes : est-ce que c’est bon pour moi ? Est-ce que c’est bon pour la planète ? Si ça ne rentre pas dans ces critères, ça ne rentre pas chez nous !

Qui sont les clients de Wild and The Moon ?

E.S. : Notre clientèle a beaucoup évolué. Quand j’ai ouvert, je ne savais pas si les Français étaient prêts à manger de cette façon-là. S’envoyer des shots de curcuma et des jus au charbon… Ce n’était pas gagné ! J’ai donc fait des choix stratégiques : j’ai ouvert d’abord dans le Marais, parce que je savais que j’aurais des étrangers. Ça a commencé comme ça, avec beaucoup d’Américains, de Japonais, d’Anglais, qui avaient plus la culture du végétal que nous. Ça a créé le buzz, les Français ont eu envie d’essayer, et comme c’était bon, ils sont revenus. Aujourd’hui, on a de plus en plus d’hommes, ce qui est une vraie fierté pour moi, et beaucoup de jeunes et de familles.

Je pense que ce qui a fait notre succès, c’est que nous proposons une alimentation bonne mais aussi fonctionnelle, comme l’alimentation devrait l’être, même si on a eu tendance à l’oublier. Quand on mange des choses saines, cela donne une énergie de dingue, on a bonne mine, on a une jolie peau, on n’a plus envie de dormir au bureau après le déjeuner, on se sent bien… Une fois qu’on a découvert ça, pourquoi manger différemment ?

Vous avez lancé une collaboration avec le PSG en janvier, quelques mois avant la sortie de Galtier sur le char à voile qui a enragé les milieux écolos… À l’heure où les consommateurs exigent des marques une cohérence irréprochable, qu’allez-vous faire de cette collaboration ?

E.S. : Le PSG, c’est un sujet compliqué pour moi. Quand on a décroché la collaboration, j'étais très fière. Fière de montrer aux jeunes générations que l’alimentation saine concerne aussi les sportifs, qu’on n’est pas obligé de manger de la viande tous les jours pour être un grand athlète. C’était complètement fou que le PSG choisisse un fournisseur végane. D’ailleurs, quand ils l’ont annoncé, je n’y ai pas cru. Il y avait toute la place de Paris en compétition, et c’est nous qui avons été sélectionnés !

Alors c’est sûr, le char à voile, ça ne m’a pas fait marrer. Pourtant je crois que nous avons encore plein de choses à faire avec eux. Nos produits sont en vente dans le magasin que le PSG a ouvert sur les Champs-Elysées. Le prochain objectif, c’est d’intégrer leur stade d’entraînement. Je ne veux pas que ce soit juste un coup marketing. Nous avons tellement à faire en matière d’éducation avec cette collaboration.

Dans les commentaires qu’on vous laisse sur Internet, il y en a un qui revient presque toujours : « trop cher ». Manger sainement, ça ne peut être que trop cher ?

E.S. : Je comprends que le prix soit un blocage pour certains. Nous faisons au mieux avec le contexte actuel. Aujourd’hui, nous ne gagnons pas encore d’argent. J’adorerais que nous soyons moins chers, parce que je n’ai aucune envie d’être un concept pour l’élite. Pour autant, il est hors de question de rogner sur la qualité. Et avec la hausse des salaires et des prix des matières premières en ce moment, c’est compliqué. Nous développons des recettes moins chères, avec des appellations plus mainstream (pizzas, burgers…) pour être accessible au plus grand nombre.

Ouvrir de nouveaux restaurants va aussi nous permettre de devenir plus accessibles, parce que nous aurons des prix d’achat plus intéressants. Nous allons bientôt ouvrir d’autres lieux à Paris.

Mais il faut aussi remettre les choses à leur place. Sur la partie cafétéria, nos prix sont les mêmes que ceux de Starbucks. Starbucks, c’est du lait industriel, des sirops bourrés de sucre, alors que nous faisons notre lait d’amande maison. C’est la même chose pour nos jus, qui sont au même prix que tous les juice bars de Paris, mais 100% bio et dans des contenants sans plastique. Nous sommes perçus comme très chers, mais avec une analyse de marché, on s’aperçoit rapidement que nous sommes dans les mêmes prix que tout le monde pour une meilleure qualité.

Je crois que les consommateurs le comprennent aujourd’hui. Je suis allée interroger des jeunes que je voyais souvent chez Wild ; j’étais curieuse de savoir ce qui les faisait revenir, malgré nos prix difficiles à faire tenir dans un budget étudiant. Ils m’ont dit qu’ils aimaient et partageaient les valeurs de la marque. Le fait que nous soyons 100% bio, sans plastique, sur le végétal, cela leur parle, et c’est pour cela qu’ils sont là. J’en suis très fière !

Emma Sawko

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commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    Je suis charmée par le modèle évoqué par Emma Sawko mais le rapprochement du PS parait si loin de ses valeurs que j'avoue ne pas tout comprendre , je suis partagée entre convictions et opportunisme...

  2. Avatar Anonyme dit :

    Bravo. Je suis totalement adepte de ce concept et j'espère qu'il essaimera à Lille et dans d'autres villes de province.

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