CheckNews
Vos questions, nos réponses
CheckNews

L’affirmation douteuse de Macron sur le rôle de l’immigration illégale dans la moitié des délits commis à Paris

Meurtre de Lola à Parisdossier
Lors de son passage à «l’Evénement», mercredi 26 octobre, le Président a pointé du doigt le rôle de l’immigration illégale dans la moitié des faits de délinquance à Paris. Aucune statistique ne vient pourtant corroborer cette affirmation.
par Jacques Pezet
publié le 1er novembre 2022 à 14h05

De passage sur France 2 le mercredi 26 octobre, le président de la République était interrogé sur les obligations de quitter le territoire non effectuées en France, au moment où l’actualité révélait que Dahbia B., la principale suspecte du meurtre de l’adolescente Lola, ressortissante algérienne, était sous le coup de cette décision administrative. Tout en refusant d’établir un «lien existentiel» entre immigration et délinquance, Emmanuel Macron s’est toutefois attardé sur les statistiques parisiennes, «où on a une forte concentration, pour des raisons géographiques et d’organisation, de cette immigration illégale.» Et d’assurer : «Quand on regarde aujourd’hui la délinquance à Paris, on ne peut pas ne pas voir que la moitié au moins des délinquants, des faits de délinquance qu’on observe, viennent de personnes qui sont des étrangers soit en situation irrégulière, soit en attente de titres, en tout cas dans des situations très fragiles et qui viennent souvent de ces filières.»

Des propos qui résonnent avec ceux du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin en août 2022, qui déclarait dans le JDD que «48 % des gens interpellés pour des actes de délinquance à Paris, 55 % à Marseille et 39 % à Lyon sont des étrangers».

Un chiffre qui concerne les étrangers «en situation irrégulière ou régulière» à Paris

Joints par CheckNews pour connaître l’origine de l’affirmation du chef de l’Etat, les services de l’Elysée renvoient d’ailleurs vers les équipes du ministère de l’Intérieur qui «disposent des éléments et seront mieux à même de répondre à [n]os questions». Place Beauvau, on répète la statistique fournie cet été par Gérarld Darmanin : «A Paris intra-muros, 48% des mis en cause dans les faits de délinquance sont étrangers.» Ces pourcentages, «qui portent sur tous les faits de délinquance, font référence à la période [...] janvier - juin 2022» et concernent, selon le ministère, «des étrangers en situation irrégulière ou régulière». Sans que la part des deux catégories ne soit donnée.

Rien ne permet donc d’affirmer, comme le fait Emmanuel Macron, que les 48% de mis en cause étrangers sont «soit en situation irrégulière, soit en attente de titres». A fortiori, à notre connaissance, aucune donnée publique n’établit la part de l’immigration illégale dans la délinquance. A noter que le chiffre de 48% cité par Gérard Darmanin n’est pas issu du service statistique du ministère de l’Intérieur (SSMSI), mais provient de la préfecture de Paris.

Les seules données locales disponibles émanant du SSMSI concernent l’Ile-de-France dans son ensemble. Dans une publication récente, on pouvait lire que la part des étrangers mis en cause en 2021 en Ile-de-France pour les vols sans violences était de 63%. Pour les autres catégories renseignées, la part des étrangers était moindre : 42% pour les vols violents, 32% pour les coups et blessures volontaires, 30% pour les violences sexuelles et 26% pour les outrages et violences contre dépositaires de l’autorité publique. Ces statistiques, là encore, portent sur les étrangers, sans distinction sur leur situation (régulière ou pas).

Au niveau national (hors Ile-de-France), la part des étrangers dans la délinquance, selon le SSMSI, est nettement plus faible que pour la région francilienne. Ainsi, en 2021, 25% pour les vols violents, 21% pour les vols sans violence, 13% pour les coups et blessures volontaires ainsi que les outrages et violences contre dépositaires de l’autorité publique, et 10% pour les violences sexuelles. Par ailleurs, la part des étrangers parmi les mis en cause, pour l’Ile-de-France ou le reste du pays, est plus élevée si on se focalise uniquement sur les faits de délinquance perpétrés dans les réseaux de transports en commun.

«Mis en cause» ne signifie pas coupable

Précisons que le terme de «mis en cause» correspond selon le glossaire du SSMSI à «toute personne ayant été entendue parla police ou la gendarmerie et à l’encontre de laquelle sont réunis, dans la procédure transmise au parquet, des éléments graves et concordant attestant qu’elle a commis ou tenté de commettre une ou plusieurs infractions». Le service de statistique rappelle aussi que «toutes les personnes mises en cause ne seront pas reconnues coupables par la justice». Un récidiviste est également comptabilisé autant de fois qu’il est mis en cause par la police. A noter que la surreprésentation des étrangers parmi les mis en cause tient pour partie à un phénomène désormais largement documenté : les étrangers sont plus susceptibles d’être interpellés et mis en cause, du fait de certains biais comme le délit de faciès.

Selon les données disponibles sur le site du ministère de la Justice, qui concernent la France entière, 15 % des condamnés étaient de nationalité étrangère en 2019, 16 % en 2020. La concentration géographique des étrangers étant plus importe dans la région parisienne, il est possible que ce pourcentage soit plus élevé dans la capitale et son agglomération.


Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus