Soulages : un regard sur les arts, de Lascaux à Picabia

Soulages : un regard sur les arts, de Lascaux à Picabia
Portrait de Pierre Soulages ©Christian Bousquet/musée Soulages, don des amis du musée Soulages

Géant de l'art contemporain, le peintre Pierre Soulages, est décédé le 26 octobre dernier à l'âge de 102 ans. À l'occasion de l'hommage national qui lui est rendu ce mercredi 2 novembre, retour sur ses sources d'inspiration, des peintures de Lascaux au roman graphique.

Pierre Soulages nous a quittés et sans doute avec lui une certaine idée de la peinture. L’hommage national qui lui est rendu ce mercredi 2 novembre dans la cour Carrée du musée du Louvre (après Braque en 1963, de Le Corbusier en 1965 et André Malraux en 1976) suffit à démontrer l’importance fondamentale (monumentale) de l’œuvre de l’artiste dans l’histoire des arts et du rayonnement artistique de la France.  Au fil des décennies, l’homme s’était affirmé comme le dernier exemple vivant d’une tradition picturale héroïque s’imposant hors de nos frontières. Ses œuvres battaient même des records lors des ventes aux enchères. Ainsi à New York, une toile de 1961 (période rouge) avait obtenu le chiffre étonnant de 20,2 millions de dollars en 2021. Mais Soulages était bien au-delà de cela.

Un regard sur les arts, de Lascaux à Picabia

Ce qui comptait pour Soulages, c’était de poursuivre son interrogation sur la peinture, sur ce qu’elle pouvait encore dire. Tous ceux qui l’avaient fréquenté restaient fascinés par cet engagement sans faille. Pour s’en convaincre, il suffisait de lui rendre visite à Sète dans l’étonnant atelier qu’il avait fait construire en 1960. Sète, le lieu où il s’isolait dans une architecture qui bouleversait quiconque la découvrait pour la première fois. Soulages s’amusait de l’effet obtenu sur les visiteurs et avouait dans un rire qu’il ne profitait pas tant que cela d’une vue exceptionnelle, lui l’insomniaque qui aimait s’isoler la nuit dans son sombre atelier pour mieux attaquer ses toiles.

Pierre Soulages à la cathédrale romane de la Maguelone (date inconnue), au sud de Montpellier, dnt 17 vitraux ont été conçus par Robert Morris en 2002 ©Archives Pierre Soulages/Musée Soulages

Pierre Soulages à la cathédrale romane de la Maguelone (date inconnue), au sud de Montpellier, dnt 17 vitraux ont été conçus par Robert Morris en 2002 ©Archives Pierre Soulages/Musée Soulages

Rencontrer Soulages, c’était cela, c’était partir dans des discussions sans fin sur l’art, son art mais aussi tous les autres arts qu’il observait avec une attention particulière. Depuis toujours, il se passionnait pour l’art roman et la préhistoire. Il était tout aussi intarissable sur Pech-Merle, Altamira ou Lascaux que sur l’art précolombien, les textiles africains, voire récemment les graphic novels comme Marjane Satrapi et son Persepolis.

Rencontrer Soulages c’était l’accompagner dans une ballade sans fin où l’homme pouvait évoquer ses anciens amis comme s’il les avait quittés hier : Hans Hartung (1904-1989), Francis Picabia (1879-1953), Fernand Léger (1881-1955) et évidemment sa grande amie Pierrette Bloch (1928-2017). Mais il y avait aussi ces « jeunes » peintres qu’il avait suivis avec attention comme Claude Viallat (né en 1936), Pierre Buraglio (né en 1939), certains membres du mouvement Support/Surfaces mais aussi Philippe Favier (né en 1957), parfait contre-exemple d’une peinture héroïque qu’il défendait.

L’absolu : questions et pratique

Venait ensuite le temps où il évoquait son art, sa réaction farouche aux tics de l’École de Paris, sa conception de l’espace, la relation du noir au blanc, le vide et le plein, le noir comme couleur d’origine… Il décrivait alors les grandes étapes de sa carrière depuis les toiles sombres de ses débuts jusqu’à l’invention en 1979 de l’outrenoir, cet « autre champ mental que celui du simple noir », comme le décrivait l’artiste, le rôle de la lumière dans ses 104 vitraux réalisés pour l’abbatiale Sainte-Foy de Conques (1986-1994), la question du reflet dans les œuvres offertes au Musée Fabre de Montpellier en 2005 (un ensemble unique au monde réunissant vingt toiles réparties sur une cinquantaine d’années, de 1951 à 2005, et une douzaine de dépôts issus de la collection Pierre et Colette Soulages), la difficulté de répondre à l’architecture du musée du Louvre où l’artiste est invité en 2019 à exposer 19 œuvres dans le Salon Carré à l’occasion de ses 100 ans.

Les vitraux conçus par Pierre Soulages pour l'abbatiale Sainte-Foy de Conques ©Hisao Suzuki

Les vitraux conçus par Pierre Soulages pour l’abbatiale Sainte-Foy de Conques ©Hisao Suzuki

Et toujours, veillant à ses côtés, l’étonnante Colette, présence essentielle et indispensable. Elle fut sa femme mais surtout sa conseillère, sa plus intransigeante critique, la gardienne de ses archives, la mémoire vivante des expositions anciennes. D’une seule voix, ils aimaient penser que l’œuvre de Soulages trouverait de futurs prolongements chez les jeunes artistes. Ne parlait-elle pas d’un absolu toujours d’actualité ?


Un hommage national est rendu à Pierre Soulages ce mercredi 2 novembre 2022 dans la cour Carrée du musée du Louvre à Paris.
La cérémonie sera présidée par Emmanuel Macron et ouverte au public.
La cérémonie d’enterrement aura lieu à Paris ce vendredi 4 novembre, à 14h.
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