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Gandhi, Luther King, les 343 salopes, José Bové : la désobéissance civile à travers l’histoire

© AFP et Getty Images

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Par Daphné Van Ossel

Qu’ils bloquent la circulation, empêchent des jets de voler, se collent à des chefs-d’œuvre ou les aspergent de soupe, les activistes écologistes atteignent leur but : attirer l’attention. Ils créent aussi la polémique. Au-delà de l’attention médiatique qu’elles suscitent, leurs actions auront-elles réellement un impact positif pour la planète ? Ils sont convaincus qu’ils n’ont pas le choix, et, pour justifier leurs actes, font notamment référence à l’Histoire.

Brandir une pancarte à la sortie du bureau d’un homme politique, ou d’une entreprise, ça ne change rien aujourd’hui. Plus personne ne fait attention. Alors, on suit la ligne de la désobéissance civile qui, historiquement, a fonctionné !”, défend James Harvey, porte-parole de Just Stop Oil. Et de citer les suffragettes, Martin Luther King, ou Gandhi. “Toutes des actions de désobéissance civile qui ont apporté le changement”.

Sont-ils, ou pas, dans la même lignée ? Chacun jugera. Et pour ce faire, autant savoir de quoi on parle. Revenons sur une sélection de moments importants de l’histoire de la désobéissance civile.

Henry David Thoreau

La désobéissance à une loi ou un prescrit, c’est une histoire aussi vieille que l’humanité. Mais en 1849, le philosophe et poète américain Henry David Thoreau théorise le concept de “désobéissance civile”, dans un ouvrage du même nom. Lui refusait de payer des taxes destinées à financer la guerre contre le Mexique, et le fonctionnement de l’Etat esclavagiste où il vivait, le Massachusetts. On retrouve déjà dans son ouvrage l’idée d’obéir à sa conscience plutôt qu’à la loi, si ces deux-ci sont en conflit.

Son ouvrage inspirera deux grandes figures de la désobéissance civile : Gandhi et Martin Luther King.

Gandhi et la marche du sel

Gandhi, le leader de l’Inde coloniale en lutte pour son indépendance de l’Empire Britannique, découvre Thoreau lors d’un séjour en prison. Il parle d’abord de “résistance passive”, et développe ensuite le concept de “Satyagraha” (triomphe de la vérité), qui exclut l’usage de la force physique.

En 1930, l’empire britannique interdit aux Indiens de collecter et vendre du sel, et impose, même aux plus pauvres, une taxe sur cette précieuse denrée. Lors de la “marche du sel”, Ghandi, en route vers l’Océan Indien, est rejoint par des dizaines milliers de sympathisants. A son arrivée, il prend une poignée de sel. Ses disciples l’imitent. Le mouvement s’étend bientôt dans tout le pays. 60.000 personnes seront arrêtées, Gandhi lui-même sera jeté en prison. Ils seront finalement libérés, et les Indiens obtiendront le droit de récolter le sel. C’est un pas décisif vers l’indépendance du pays.

Rosa Parks, Martin Luther King et la lutte pour les droits civils

En 1955, Rosa Parks, afro-américaine, refuse de se lever pour céder sa place à un homme blanc. Seules quelques rares ont osé faire de même avant elle. Elle se fait arrêter pour violation des lois ségrégationnistes et écope d’une amende. C’est le point de départ d’un boycott des bus de Montgomery, emmené par Martin Luther King. Le 13 novembre 1956, la Cour suprême des États-Unis casse les lois ségrégationnistes dans les transports publics, les déclarant anticonstitutionnelles.

Les suffragettes

Tant que les femmes consentiront à être injustement gouvernées, elles le seront”, déclare Emmeline Pankhurst l’une des fondatrices de la Women Social and Political Union (WSPU), organisation féministe qui a lutté pour le droit de vote des femmes au Royaume-Uni.

Dans leur combat, les femmes constatent qu’elles sont peu entendues. Certaines estiment que les méthodes légales sont inefficaces. Elles optent pour des moyens plus radicaux. Elles incendient des lieux symboles de la suprématie masculine, font la grève de la faim en prison lorsqu’elles sont arrêtées, vont jusqu’à poser des bombes.

Elles finiront par obtenir le droit de vote à partir de 30 ans en 1918, et à partir de 21 ans, comme les hommes, en 1928.

Notez que, si James Harvey, porte-parole de Just Stop Oil cite les suffragettes parmi les exemples historiques de désobéissance civile, la définition de celle-ci implique un caractère non-violent (voir encadré ci-dessous), qui n’a donc pas toujours caractérisé les actions des suffragettes.

Les 343 salopes

En 1971, en France, sort leManifeste des 343 salopes. 343 femmes qui déclarent avoir avorté clandestinement, alors que l’IVG est encore illégale dans le pays. Elle demande sa légalisation. Parmi les signataires : Gisèle Halimi, l’avocate qui défendra plus tard (en 1972) une mère qui avait aidé sa fille à avorter alors qu’elle était tombée enceinte à la suite d’un viol. “Ce n’est pas moi qui suis coupable, c’est la loi !” déclare-t-elle devant le juge. C’est le fameux procès de Bobigny. L’avortement sera finalement légalisé en 1975, avec la loi Veil.

La "poll tax"

Symbole de la “poll tax” : le duc de Westminster, milliardaire, qui devait s’acquitter de la même somme que son chauffeur. Mise en place aux Royaume-Uni à la fin des années 80, la “poll tax” est un impôt locatif forfaitaire, qui s’applique à chaque individu indépendamment de ses revenus, engendrant inévitablement de fortes inégalités.

La nouvelle taxe donne lieu à un énorme mouvement de protestation. La collecte (locale) de la taxe est entravée, les gens refusent massivement de payer, des émeutes ont lieu, à Londres notamment.

A la manœuvre, Margaret Tatcher, la dame de fer, finit par tomber. Son successeur, John Major, la remplacera par un impôt plus progressif.

Le mouvement “Don’t pay”, né face à l’envolée actuelle des prix de l’énergie, s’inspire de cet épisode.

José Bové et les faucheurs volontaires

Une moustache et une pipe en guise de signature. José Bové, agriculteur du Sud Ouest, mène, au début des années 2000, une campagne d’arrachage de maïs génétiquement modifié. En 1999, il avait démonté, avec d’autres agriculteurs, un MacDo en construction à Millau. Leur but : dénoncer la malbouffe et les multinationales qui “veulent faire crever les paysans”. Son procès se transformera en happening avec concert, roquefort géant, forum…

José Bové passe par la case prison mais réussit à faire parler de lui, et surtout à rallier des soutiens à sa cause. Le même José Bové fait partie des irréductibles du Larzac, ces habitants qui devaient être expropriés de leur terre pour faire place à l’extension d’un camp militaire. Les paysans résistent, construisent sans permis sur leur terre, refusent de payer une partie de leurs impôts… Le projet d’extension sera finalement abandonné.

Greenpeace et ses actions coup de poing

Depuis les années 70, l’ONG de défense environnementale mène des actions coup de poing, lors desquelles elle brave souvent la loi. Comme en 2012, quand un militant vole en parapente dans l’espace aérien interdit au-dessus de la centrale nucléaire de Bugey, en France, et dépose des fumigènes sur le dôme d’un réacteur, pour “illustrer la vulnérabilité des sites français”.


En 2018, d’autres actions chocs, du mouvement Extinction Rebellion, remettent la désobéissance civile sur le devant de la scène. Just Stop Oil, ou encore Code rouge poursuivent également ces actions aujourd’hui.

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