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"C'est lié à mon travail sur l'islam radical" : la sénatrice Nathalie Goulet espionnée par le Qatar
La sénatrice LR Nathalie Goulet, le 29 avril 2022, lors d'une rencontre avec l'ambassadeur turc en France, à Paris.
Anadolu Agency via AFP

"C'est lié à mon travail sur l'islam radical" : la sénatrice Nathalie Goulet espionnée par le Qatar

L'Œil de Doha

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« Marianne » s'est entretenu avec Nathalie Goulet, la sénatrice centriste dont le « Sunday Times » a révélé dimanche qu'elle avait été, avec d'autres personnalités médiatiques et politiques, hackée par des pirates embauchés par le Qatar.

Des méthodes de barbouze. Des journalistes, des avocats, des hommes et femmes politiques, notamment français, ou encore l'ancien patron du foot européen Michel Platini ont été les cibles de hackers embauchés afin de protéger la réputation du Qatar dans le cadre de l'organisation du Mondial-2022, a révélé une enquête publiée dimanche 6 novembre dans le Sunday Times. Afin de comprendre ce qui s'est passé, Marianne a interrogé la sénatrice centriste Nathalie Goulet, elle-même visée par ces piratages. Elle pense avoir été ciblée en raison de son travail sur le financement du terrorisme, objet d'un ouvrage signé récemment, L'Abécédaire du financement du terrorisme aux éditions du Cherche-Midi.

Marianne : Étiez-vous au courant que vous aviez été espionnée avant que ne sorte l'enquête du Sunday Times ?

Nathalie Goulet : Non, je n'étais pas au courant. C'est dans cette enquête que j'ai appris qu'ils avaient piraté ma boîte mail, j'ai tout de suite mis ça en relation avec un appel téléphonique suspect que j'ai reçu il y a quelques mois. Quelqu'un s'est présenté comme un enquêteur, sans me donner son nom, m'a dit que j'avais été « hackée » et m'a demandé de lui confirmer mon mot de passe. Immédiatement, j'ai changé mes codes d'accès, j'ai également appelé la société qui s'occupe de la maintenance de mes appareils et depuis cette date, mes messages sont cryptés. Mais j'ai pris comme un coup de poing dans l'estomac en apprenant tout ça.

« Ces attaques viennent de quelque part : de l'islam radical, des Frères musulmans, du Qatar. »

Savez-vous exactement à quoi les hackers ont accédé ?

Je n'en ai aucune idée. Ils ont eu accès au moins à ma boîte Gmail, donc c'est tout ce que la vie privée peut générer d'échanges : des photos familiales, des conversations avec des membres de ma famille, des confidences privées et franches sur ma vie de tous les jours. Aujourd'hui et de ce que je sais, ce piratage se limite à ma boîte mail.

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Selon vous, pourquoi le Qatar vous surveille-t-il ?

Je ne crois pas que ce soit mon statut de sénatrice de l'Orne qui intéresse tellement le Qatar. Je pense que c'est plutôt mon travail sur l'islam radical et sur les Frères musulmans en particulier. J'ai été très explicite sur le fait que je les combattais, sur les contrôles que je pouvais mener via mon statut de sénatrice et sur mon opposition générale à l'extension de l'islam politique : que ce soit l'UE qui finance des campagnes liées au port du voile, ou ces stratégies qui poussent les jeunes filles à mettre des abayas dans les écoles françaises. Chaque fois, c'est une attaque contre les principes républicains. Ces attaques viennent de quelque part : de l'islam radical, des frères musulmans, du Qatar.

« Je n'ai eu, pour l'instant, aucun contact avec le gouvernement ni les services de police. »

Vous avez aussi publié un livre à ce sujet, L'Abécédaire du financement du terrorisme.

C'est vrai que dans cet ouvrage, j'ai égratigné le Qatar. Je ne suis bien sûr pas la seule. J'ai pointé le financement qatari des Frères musulmans en Europe, comme pour l'application « eurofatwa » par exemple, qui s'inscrit dans le type d'actions menées par les Frères musulmans. Mon livre donne plusieurs exemples.

Cet espionnage peut-il avoir un rapport avec vos liens avec l'Arabie Saoudite ?

Je n'entretiens aucun lien particulier avec l'Arabie Saoudite. J'ai été, en 2014, 2015 et 2016 la présidente du groupe régional d’amitié avec l’Arabie saoudite. Je n'ai ensuite plus cherché à l'être, justement parce que je travaillais sur le Qatar et je ne voulais pas qu'on puisse m'accuser de conflits d'intérêt. J'ai toujours été transparente à ce sujet. J'ai déjà pu, notamment, m'intéresser à la question de la peine de mort en Arabie saoudite. Je suis une femme libre.

Les pouvoirs publics vous ont-ils contacté après ce piratage ?

J'ai le soutien d'un certain nombre de mes collègues, du président de mon groupe au sénat, de mon collègue communiste Pierre Ouzoulias, du questeur Vincent Capo-Canellas et de quelques autres. Ça me touche beaucoup. Mais je n'ai eu, pour l'instant, aucun contact avec le gouvernement ni les services de police. Il faut dire que je n'ai rien demandé.

« Je dois dire que c'est vraiment angoissant, pour ne pas dire effrayant, d'être la cible de ce type d'attaques. »

Pensez-vous que les sénateurs soient bien protégés contre ce type d'attaques ?

Avec ce type de hackeurs, est-on jamais vraiment à l'abri ? D'autant qu'il y a une grande disproportion entre les moyens de la France et ceux du Qatar ; comment voulez-vous lutter contre des moyens financiers aussi importants ? C'est triste à dire, mais c'est très difficile.

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Allez-vous porter plainte ?

Bien évidemment, j'ai transmis le dossier à mes avocats français et une plainte va être déposée. Mon avocat londonien a également été hacké. Je dois dire que c'est vraiment angoissant, pour ne pas dire effrayant, d'être la cible de ce type d'attaques.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne