Iron Eyes Cody, "l'Indien préféré de l'Amérique", porte-parole cherokee était en fait... italien

Iron Eyes Cody, star de westerns
Iron Eyes Cody, star de westerns
Iron Eyes Cody, "l'Indien préféré de l'Amérique", porte-parole cherokee était en fait... italien
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Iron Eyes Cody, "l'Indien préféré de l'Amérique", porte-parole cherokee était en fait... italien

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Il a été le visage amérindien le plus connu du XXe siècle. Pourtant l'acteur de western Iron Eyes Cody avait complètement inventé son identité.

“Iron Eyes Cody” a été surnommé "l’Indien préféré de l’Amérique”. Seul souci : il n’était pas du tout indien mais italien.
Acteur populaire de westerns, Iron Eyes Cody est devenu porte-parole de la culture amérindienne, il a même été l’un des premiers visages de la cause environnementale à la TV, tout ça en s’inventant une fausse identité.

Anne Garrait-Bourrier, professeure de civilisation américaine, le raconte : "Il a été au bout d’une démarche, certes de réappropriation culturelle, mais d’une démarche aussi militante et politique." Dans ses mémoires, l’acteur prétend être né en 1904 Oscar Cody dit “petit aigle”, d’un père cherokee et d’un mère de la nation des Cris.

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Une minorité exclue d'Hollywood

Il apparaît pour la première fois au cinéma en 1926 et va jouer pendant 60 ans des rôles d’Amérindiens, souvent stéréotypés, à une époque où les Natifs américains n’ont aucune place dans l’industrie du cinéma. "Payer un blanc qui fait 'RRR', on lui met trois plumes et ça va très bien. C’est ce qu’a fait John Ford dans ses plus grands westerns, en plus en utilisant tous les stéréotypes, de l’Indien sanguinaire au bon Indien", rappelle Anne Garrait-Bourrier.

En 1948, il est crédité pour la première fois avec son nom. La légende est née. Iron Eyes Cody devient le visage indien le plus familier des foyers américains, incarnant au cinéma des personnages historiques comme le chef Crazy Horse. En dehors de l’écran, le comédien se présente comme un authentique Amérindien. Il se fait porte-parole de la communauté, expliquant avec pédagogie les coutumes cherokees. Il rencontre même le président Jimmy Carter dans le bureau ovale.

Iron Eyes Cody se marie avec Bertha Parker, première archéologue amérindienne, avec qui il adopte des enfants indiens et fonde un centre d’aide pour la communauté à Los Angeles. En 1971, un spot publicitaire débarque sur les écrans de télévision. L'acteur navigue parmi les ordures et les déchets jetés à l’eau avant de jeter un regard à la caméra, le visage larmoyant. Anne Garrait-Bourrier résume : "Cette larme, sur un visage si stéréotypique et si souvent représenté comme la force tranquille, cette larme a changé beaucoup de choses dans la représentation et le regard américain. Ça fait vraiment ressurgir une culpabilité nationale."

Les Amérindiens, militants écolo malgré eux

Cette publicité ancre dans l’imaginaire les Amérindiens comme des défenseurs de l’environnement, à une époque où les natifs américains commencent à se politiser et à occuper des lieux symboliques. "Ce ne sont pas des écolos, leur mode de vie n’est pas politique. Leur mode de vie est animiste, c’est leur tradition culturelle et naturaliste, explique Anne Garrait-Bourrier. Donc c’est de la réappropriation. On croit les connaître et on les associe à l’écologie. Ils défendent des sites sacrés, on associe site sacré, terre, nature sacrée = écolo. Mais ce n’est pas du tout ça. C’est des sites sur lesquels ils veulent pratiquer leur foi. Donc il n'y a que des incompréhensions. Ils veulent qu’on leur rende leurs terres, parce que c’est le problème."

Mais en 1996, un journal américain révèle la supercherie : Espera Oscar de Corti est né de parents immigrés siciliens, installés en Louisiane. L’acteur nie jusqu’à sa mort, en 1999, à 94 ans, malgré les preuves et le témoignage de sa belle-sœur. Selon certains journalistes, Cody se serait identifié à la cause amérindienne car il aurait lui-même subi le racisme anti-Italiens au début du XXe siècle.

Malgré ce mensonge, certaines associations de Natifs américains continuent à soutenir l’acteur. Ils louent sa contribution à la reconnaissance de leur culture et ça “quelle que soit son origine réelle.” Anne Garrait-Bourrier analyse : "Les Cherokees, dont il se revendiquait, c’est une nation inclusive, même si vous n’êtes pas né cherokee mais que vous vivez avec les mœurs, les éléments culturels de la nation cherokee, vous pouvez être intégré et accepté par le conseil tribal."

En 2019, Wes Studi, un acteur d’origine cherokee est devenu le premier acteur amérindien à recevoir un Oscar, depuis la création de la cérémonie en 1929. Les Natifs américains restent néanmoins largement sous-représentés à l’écran.