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Pour Madelyne, une nouvelle vie « après des années de harcèlement »
« Rousse et ronde », Madelyne Van Eenoo a vécu des années de harcèlement scolaire, sans en parler. À 21 ans, six ans après une dépression, la Morbihannaise rayonne et se dit sauvée.
Le 10 novembre 2022 a lieu la journée mondiale contre le harcèlement scolaire. D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, à l’école, Madelyne Van Eenoo, 21 ans, a toujours été harcelée. En grande section de maternelle, déjà, la Morbihannaise d’Inzinzac-Lochrist (56) se souvient « de solitude et de mise à l’écart ». « Regardez ma couleur de cheveux, renseigne-t-elle aujourd’hui, à Lorient, les mains sur de magnifiques boucles flamboyantes. Je suis rousse et en plus, j’étais ronde. Vous voyez un peu le tableau ? »
Des insultes quotidiennes
« La rouquine, Poil de carotte, la puante » sont les sobriquets dont la petite fille de l’époque a, par la force des choses, « pris l’habitude » d’être affublée. Au fil des années, le malaise s’est insinué. « J’avais du mal à me faire des amis. Il y a eu aussi ce voisin qui, pendant deux ans, en CE1 et CE2, m’a suivi, à pied, tous les jours en m’insultant, sur la route de l’école. J’en avais parlé à l’époque. Il avait été reçu par la directrice, on me faisait même partir plus tôt, et ça n’a rien changé ».
Je ne voulais pas embêter ma mère avec ça
Les années collège, à Hennebont (56), ont encore empiré les choses. « J’ai pris l’habitude de tout garder pour moi. En 5e, j’ai perdu beaucoup de cheveux et les gens autour se sont mis à m’inventer une vie, en disant que j’avais un cancer. Je recevais des messages dans le bus et sur les réseaux sociaux, me traitant de malade ou de menteuse ». Madelyne évoque tout, d’un seul souffle, pour ne pas trop se souvenir, peut-être. « J’ai redoublé ma 4e. Je n’avais plus le goût de rien, à part le sport et la gymnastique rythmique, qui me permettait de me mettre dans ma bulle ». Elle tient sa famille à l’écart et rentre toujours à la maison avec le sourire. « Je ne voulais pas embêter ma mère avec ça. Je savais aussi mes demi-frères très sanguins. Si j’en avais parlé, ils auraient voulu intervenir et ça aurait empiré ».
Les bras, les jambes et le ventre tailladés
En 3e, Madelyne change de lycée. Elle a un petit ami mais les choses tournent mal. « Je suis tombée enceinte et j’ai dû avorter le 14 juin, trois jours avant mes 15 ans », souffle-t-elle aujourd’hui. Là encore, les mots durs (« sorcière », « assassin »), assénés sur les réseaux sociaux, la poursuivent et la minent. « C’était le trop-plein. J’ai pris une lame de rasoir et je me suis tailladé les bras, les jambes, le ventre ».
J’ai écrit tout ce que j’avais sur le cœur. Cette confession m’a sauvée
La jeune fille s’en sortira. « Mais en gardant une énorme culpabilité, et sans pouvoir en parler ». Il a encore fallu deux autres années pour que sa colère prenne le dessus. « J’étais en 1re. Je me suis embrouillée avec mon nouveau copain, ça m’a valu une exclusion de trois jours. Au retour, la CPE est venue me voir. J’ai saisi l’occasion, en lui écrivant une lettre. J’ai écrit tout ce que j’avais sur le cœur. Je lui ai dit que je n’en pouvais plus que l’on s’acharne sur moi comme cela. Cette confession m’a sauvée ».
« Il faut en parler »
Quatre ans après, « c’est une autre personne », dit-elle, qui nous fait face. « J’ai vu une psychologue, je suis devenue très proche de ma maman, j’ai pris confiance. Tout ça est derrière moi ». En classe de terminale, au lycée Ker Anna, de Kervignac (56), Madelyne a fait venir les bikers de l’association Ubaka pour soutenir son témoignage et assurer une intervention sur le harcèlement scolaire. Une amitié forte la lie, aujourd’hui, avec le président Bernard Mignot.
Je suis très fier de voir combien tu rayonnes aujourd’hui
« Ce jour-là, tu as dit ta vérité devant tout le monde et la parole, autour, s’est libérée, se souvient le retraité. C’était fort. Je suis très fier de voir combien tu rayonnes aujourd’hui ». Avec son bagout et son look de motard, le septuagénaire parle « cru et vrai » de situations qu’il voudrait pouvoir déminer. « Le harcèlement, avant, on le vivait dans la cour et on pouvait apprendre à y faire face. Aujourd’hui, le numérique devient un truc anonyme et mortel. Ce téléphone portable (il le pointe vers nous), c’est une arme ! Avec l’association, on veut faire tomber l’agresseur de son piédestal, montrer combien c’est un élément faible, au fond ».
Madelyne acquiesce. Dit que dans tous les cas, « il faut parler ». Dans quelques jours, la jeune femme va signer un CDI et prendre son premier appartement. Comme Bernard Mignot, elle porte des tatouages. « Ils racontent mon histoire et cachent mes cicatrices », confie-t-elle. Une autre façon de se rappeler. Et de pouvoir avancer.
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