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Alstom : Arnaud Montebourg exprime sa « vigilance patriotique »

Exclusif. Les discussions en vue d'un rapprochement avec GE s’accélèrent. Mais le gouvernement assure qu'il « travaille à d'autres solutions ».

Par  et

Publié le 25 avril 2014 à 09h53, modifié le 25 avril 2014 à 16h00

Temps de Lecture 5 min.

Les discussions en vue d'un rapprochement avec GE s’accélèrent.

Le dossier s'annonce ravageur pour le jeune gouvernement Valls. L'américain General Electric (GE) s'intéresse bien à Alstom, le spécialiste tricolore des infrastructures d'énergie et de transport, comme l'a révélé l'agence Bloomberg, jeudi 24 avril. Il convoite ses activités dans l'énergie, soit plus de 73 % de l'activité d'Alstom. Un prix autour de 10 milliards d'euros pour ces actifs est évoqué, non compris les 2 milliards d'euros de trésorerie logée dans Alstom Power.

Réagissant, vendredi, pour la première fois à ces révélations, Arnaud Montebourg, le ministre de l'économie, dévoile ses intentions au Monde :

« Le gouvernement travaille à d'autres solutions et éventualités que celles imaginées seules et sans que le gouvernement n'en ait été informé par Alstom. Alstom est le symbole de notre puissance industrielle et de l'ingéniosité française. Dans ce dossier, le gouvernement exprime une préoccupation et une vigilance patriotiques. Cette haute vigilance se porte sur le risque sérieux de perte d'un centre de décision, sur le désir et la nécessité de renforcer notre base industrielle française en obtenant des relocalisations industrielles en France, et sur le nombre d'emplois perdus ou créés dans de telles opérations. Le gouvernement travaille à d'autres solutions et éventualités que celles imaginées seules et sans que le gouvernement n'en ait été informé par Alstom. Kron [PDG d'Alstom]Le gouvernement travaille à d'autres solutions et éventualités que celles imaginées seules et sans que le gouvernement n'en ait été informé par Alstom. Le gouvernement travaille à d'autres solutions et éventualités que celles imaginées seules et sans que le gouvernement n'en ait été informé par Alstom.

UN ACCORD CE WEEK-END ?

Les discussions devraient s'accélérer, certains évoquant la possibilité d'un accord dès ce week-end. Le cours de l'action Alstom a été suspendu vendredi matin avant l'ouverture.

Le projet est mené en direct par le rigide Patrick Kron. En déplacement à l'étranger, il a dû rentrer d'urgence à Paris jeudi après-midi. Selon nos informations, le gouvernement a même envoyé une voiture le récupérer à l'aéroport du Bourget pour l'emmener à Bercy toutes sirènes hurlantes, où il a rencontré Arnaud Montebourg. M. Kron a ensuite été reçu à l'Elysée par Emmanuel Macron, le secrétaire général adjoint de la présidence de la République. Le dirigeant devrait s'expliquer vendredi après-midi auprès de ses administrateurs.

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L'hypothèse d'un dépeçage d'Alstom par le géant du Connecticut tombe en tout cas au plus mauvais moment alors que plusieurs champions tricolores, le géant de la publicité Publicis et le cimentier Lafarge, sont en passe de transférer leurs sièges sociaux en dehors de France à l'occasion de fusions transnationales, le premier aux Pays-Bas et le second en Suisse.

En tant que tel, le fabricant du TGV constitue une icône nationale, avec ses 93 000 employés, dont 18 000 en France, et un rôle de chef de file d'une filière d'excellence sur les métiers d'ingénierie qui permettent au pavillon tricolore de flotter dans le monde entier.

Ce statut avait justifié un retentissant sauvetage public en 2004, lorsque le groupe traversait une mauvaise passe. A l'époque, la décision de voler au secours du fleuron en péril avait été prise par Francis Mer, alors ministre de l'économie, mais l'opération de sauvetage elle-même, y compris une négociation de haut vol avec Bruxelles, avait été pilotée au plus près par son successeur : un certain Nicolas Sarkozy… Ce sera difficile pour le gouvernement Hollande de laisser passer sous pavillon américain 70 % d'un groupe qui a été sauvé par Nicolas Sarkozy.

GENERAL ELECTRIC, LE PLUS FRANÇAIS DES AMÉRICAINS

Compte tenu de la dimension stratégique des activités énergétiques d'Alstom, le gouvernement aurait peut-être les moyens de s'interposer. Mais ce n'est pas aussi simple. D'abord, parce que General Electric n'a rien d'un prédateur indésirable. Ensuite, parce qu'Alstom a besoin d'un adossement pour renforcer un bilan trop limité.

Sans consteste, General Electric est ainsi le plus français des américains à travers sa co-entreprise créée en 1974 avec l'ex-Snecma, devenue Safran, dans les moteurs d'avions. Le groupe présidé par Clara Gaymard en France y emploie 11 000 salariés. L'entreprise a montré patte blanche en implantant à Belfort – ex-bastion des turbines d'Alstom – son siège européen.

Aussi lorsqu'Areva avait cédé en 2009 sa filiale Transmission & Distribution, le gouvernement français avait été très soucieux de ménager les susceptibilités du candidat General Electric, tout en soutenant le projet tricolore représenté par Schneider et Alstom. Pour l'américain, mettre la main sur les activités énergétiques d'Alstom lui permettrait notamment de récupérer l'activité transmission qui lui avait échappé.

Ce rachat avait contraint le français à s'endetter fortement, au moment où il était malmené sur ses marchés. Pour sauver son bilan, Alstom a prévu d'introduire en Bourse sa filiale de transport. Mais les experts jugent cette opération insuffisante. Comme un sinistre présage, l'agence Standard & Poor's a d'ailleurs abaissé jeudi d'un cran la notation d'Alstom, pointant l'atonie des marchés européens pour encore plusieurs années.

UNE SOLUTION « À LA PSA PEUGEOT CITROËN »

Depuis plusieurs mois, le gouvernement lui-même s'interroge sur l'avenir du fleuron industriel français. Bercy avait même commandé et reçu début 2014, un rapport du cabinet de stratégie Roland Berger.

Selon nos informations, ce rapport préconisait de poursuivre les coopérations entre Alstom et ses grands partenaires, voire d'explorer la voie d'un rapprochement avec Areva, Schneider ou Siemens. Evoquée aussi, une solution « à la PSA Peugeot Citroën », avec une augmentation de capital et la constitution d'un tour de table regroupant l'Etat et un actionnaire industriel.

« Mais cela ne tient pas la route car, contrairement au chinois Dongfeng qui voulait renforcer ses collaborations techniques avec PSA, aucun partenaire n'a envie d'entrer au capital d'Alstom », assure un proche de la situation. C'est pourtant cette voie que pourrait tenter de pousser l'Etat.

Cela fait plus d'un an, en tout cas, que Patrick Kron étudie toutes les solutions. Il serait ainsi parvenu à la conclusion que l'option General Electric est la meilleure. « Sur le long terme, il y a une vraie complémentarité entre les activités énergie d'Alstom et de GE, argumente un professionnel. Ils se complètent bien géographiquement, le français est fort sur les turbines à vapeur alors que l'américain l'est moins… »

Pour autant, ce mariage franco-américain sera difficile à justifier par l'exécutif alors même que le 14 janvier François Hollande avait appelé à la création d'un « Airbus de l'énergie ».

« Là, c'est un Boeing de l'énergie que l'on prépare », raille un observateur. Les discussions avec Siemens n'ont pas débouché. L'allemand souhaitait mettre la main sur l'énergie d'Alstom et lui vendre son activité transport. Mais Patrick Kron aurait jugé un tel rapprochement socialement trop coûteux.

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