On a identifié le neurone qui permet à neuf paraplégiques de remarcher

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On a identifié le neurone qui permet à neuf paraplégiques de remarcher

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Au Centre hospitalier universitaire vaudois, neuf paraplégiques qui ont été implantés sont suivis dans le cadre d'un programme de recherche
Au Centre hospitalier universitaire vaudois, neuf paraplégiques qui ont été implantés sont suivis dans le cadre d'un programme de recherche

Neuf patients paralysés suite à une lésion de la moelle épinière, parviennent à remarcher grâce à un implant électrique connecté. L'équipe suisse à l'origine de ces travaux dévoile une nouvelle avancée majeure : elle a identifié le type de neurones impliqués dans cette récupération de la mobilité.

La stimulation électrique pour les patients à la moelle épinière lésée s'avère de plus en plus efficace. Au centre NeuroRestore que co-dirigent le professeur Grégoire Courtine et Jocelyn Bloch, neurochirurgienne au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), ce sont désormais neuf paraplégiques qui ont été implantés et sont suivis dans le cadre d'un programme de recherche démarré il y a 11 ans.

Paralysé des membres inférieurs, il peut marcher un kilomètre

Michel Roccati est le dernier d'entre eux. Paralysé des membres inférieurs après un accident de moto en 2017, il a été inclus dans le programme de recherche près de trois ans plus tard. Aujourd'hui, grâce à un entraînement intensif (plusieurs heures par jour), couplé à l'électrostimulation, il peut marcher un kilomètre. "Après être resté assis plusieurs heures, quand je me mets debout et que je marche une ou deux heures et c'est comme un cadeau" nous confie-t-il. "Il suffit de cinq minutes passées debout pour que je me sente mieux. Cela recharge littéralement mes batteries parce que la position assise dans un fauteuil roulant ou sur une chaise classique entraîne des douleurs au dos". Il peut également monter les escaliers seul même si l'équilibre reste fragile.

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L'utilisation d'un déambulateur est donc nécessaire et la marche des patients implantés n'est pas fluide. De plus, ces paraplégiques doivent utiliser un boîtier qui dispense les impulsions électriques à l'implant posé sur leur moelle épinière. Mais comme le souligne Grégoire Courtine, "pour la première fois, on montre sur 9 patients et pas un ou deux comme auparavant que la stimulation et l'entraînement permet une réparation neurologique". Plus important encore, l'équipe a compris ce qui conduisait à cette réparation. Après avoir constaté que chez ces patients l'activité métabolique de la moelle épinière diminuait, ce sont des études sur la souris qui ont permis d'identifier une famille de neurones surprenants : ils ne sont pas particulièrement sollicités pour la marche des individus en bonne santé, mais se révèlent essentiels pour leur récupération en cas de lésion.

L'impulsion électrique couplée à l'optogénétique

Il a fallu pour cela développer un nouvel implant adapté aux petits rongeurs : un dispositif de 2 mm de large, souple et déformable et qui, en plus, conjugue deux fonctions, explique Stéphanie Lacour, professeure à l'EPFL en charge de ces développements. "Cette fois-ci, on a combiné l'impulsion électrique avec une autre technologie, l'optogénétique. Elle permet de modifier génétiquement certains neurones pour les rendre sensibles à certaines longueurs d'onde de la lumière". Ainsi, on peut activer les neurones que l'on souhaite et inhiber les autres. C'est cette méthode qui a permis d'identifier quels neurones étaient actifs dans la restauration de la marche des souris paralysées.

Ces neurones agissent comme une sorte d'interface entre le cerveau et la moelle épinière propagent l'information jusqu'aux neurones de la moelle qui produisent l'activité musculaire. Selon Grégoire Courtine, "ils étaient connus mais pas jugés essentiels dans la production de la motricité. Or, l'expérience sur les souris a montré qu'ils deviennent essentiels pour répondre au traitement. Ils sont recrutés par le processus de récupération."

Pour Jocelyn Bloch, il faut maintenant généraliser à plus de patients la pose de l'implant. Pour cela une étude clinique avec 60 patients au moins est prévue dans un an et demi. Si l'on prend en compte les autorisations réglementaires, les vérifications de fiabilité de l'implant, "il faudra malheureusement au moins cinq ans avant que ce ne soit disponible pour tout le monde", estime Grégoire Courtine qui ajoute que plus l'implant est posé vite après l'accident, plus la récupération est bonne.

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