"Nous les avons déjà laissés partir une fois et regardez combien il en reste": des épouses russes s’opposent au départ de leurs maris en Ukraine

À Louhansk, des épouses russes refusent un énième départ de leurs maris pour le front. Un ras-le-bol général se fait entendre dans leurs récits.

Une habitante ukrainienne en pleurs à la vue d'une école détruite dans le village de Bilogorivka, dans la région de Louhansk, le 17 juin 2022.
Les épouses russes expriment leur colère face au départ de leurs maris. ©AFP

À Starobilsk, ville appartenant à la région occupée de Louhansk, de nombreuses femmes de soldats russes se sont insurgées contre l’armée, comme le rapporte le journal Het Nieuwsblad.

Des images témoignent du cri de désespoir de ces épouses qui craignent une nouvelle hécatombe : "Laissez-les rentrer à la maison", réclament-elles. La complainte des femmes est unanime et pointe directement du doigt l’armée russe et Poutine, les blâmant d’avoir abandonné leurs maris et de les avoir laissés partir en guerre pour mourir.

Dans une unité spécifique de 200 soldats, seuls 30 seraient encore en vie.

Un cri de colère

Les épouses font bloc pour empêcher le départ de leur mari : "Nous les avons déjà laissés partir une fois et regardez combien il en reste maintenant. Nous ne laisserons pas cela se reproduire", protestent-elles. Le commandant tente de se justifier. "J’ai reçu l’ordre de vous emmener à un point de rencontre et là vous aurez une conversation, explique-t-il. Vous devez comprendre que vous êtes des soldats."

Mais les épouses n’en démordent pas. "Nous ne les laisserons plus. Nous n’avons plus confiance en vous", proteste une femme.

La fureur des femmes est notamment alimentée pour la violence de l’armée russe face aux déserteurs : "Parfois, ils doivent se cacher sous le cadavre d’un camarade pour ne pas être découverts", raconte une femme. Une autre déclare que "celui qui ne veut pas se battre se retrouve pieds et poings liés et reçoit une arme pressée contre sa tête".

Des expéditions pour sauver des vies

De nombreuses épouses ont décidé de quitter Belgorod, ville russe frontalière de l’Ukraine, pour tenter de sauver leurs maris. Celles-ci ont alors marché plus de 200 kilomètres pour découvrir une unité déjà sérieusement affaiblie.

De plus, selon le média The Insider, des soldats faisant partie des forces de conscription mobilisée ont dû faire face aux feux d’une artillerie lourde à Krasnorichenske, dans la région de Louhansk. Les survivants, au nombre de 160, sont alors rentrés à pieds depuis Krasnorichenske pour parcourir approximativement 150 kilomètres afin de rejoindre Valouïki, ville de Belgorod en Russie. Pour ce faire, les survivants ont porté sur leur dos les soldats blessés incapables de se déplacer.

Un échec sur le dos de Poutine

Parmi les survivants figurait Aleksei Agafonov, un soldat russe faisant partie des conscrits. Celui-ci a livré un rapport glaçant au Guardian, racontant comment leur commandant les a fait creuser des tranchées pendant toute la nuit avant de se faire attaquer : "La plupart de notre unité est partie, détruite. C’était l’enfer", déclare-t-il.

Un autre soldat se plaint d’avoir été laissé "complètement exposé alors que des centaines d’entre eux sont morts".

Cet échec suit la mobilisation partielle des quelques centaines de milliers de conscrits par le président Vladimir Poutine, et beaucoup de Russes s’en souviennent.

Un autre soldat pris dans les bombardements de Louhansk l’admet : "Deux semaines de formation ne vous préparent pas à ça", déclare-t-il au Guardian.

Une blogueuse russe, Anastasia Kashevarova, reproche directement au président russe le manque de préparation de ses troupes. "Le résultat de la mobilisation est que des gars non formés sont jetés sur la ligne de front. Vous nous avez dit qu’il y aurait une formation, qu’ils ne seraient pas envoyés sur la ligne de front en une semaine. Avez-vous encore menti ?", écrit-elle sur Telegram.

Alexandre Douguine, ce nationaliste d’extrême droite qui avait perdu sa fille Darya en août dans un attenat à la bombe, semble lui-même s’opposer au président Vladimir Poutine. Il fait référence dans un post Telegram à l’ouvrage 'TheGolden Bough", de James George Frazer, livre faisant état du sacrifice d’un roi qui n’a pas su apporter la pluie en période de sécheresse. Le théoricien politique ajoute que "les autorités sont responsables de cette situation". "Si ceux qui sont au pouvoir ne peuvent pas sauver la Russie, le même sort les attend que le roi de la pluie, écrit Douguine. L’autocratie n’a pas que des avantages. En cas de succès, vous avez le plein pouvoir. Mais lorsque vous échouez, vous êtes également responsable à 100 %. C’est ainsi que ça a toujours été."

Guerre contre l’occident

Derk Sauer, éditeur néerlandais pour le journal russe "The Moscow Times", affirme que le retrait des Russes à Kherson n’est pas une défaite car "ils considèrent la guerre non pas comme une attaque de la Russie contre l’Ukraine, mais comme une attaque de l’Occident contre la Russie. Vous êtes donc dans un combat avec l’Occident tout-puissant."

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