BFMTV
Russie

"Nous ne connaissions que la peur": les habitants de Kherson racontent l'occupation russe

Humiliations, privations, menaces de mort... Les habitants de la région de Kherson célèbrent depuis vendredi le départ de l'armée russe, dont ils ont subi l'occupation pendant des mois.

Des scènes de liesse sont filmées dans les rues de Kherson depuis la reprise de la ville par l'armée ukrainienne vendredi. Dans de multiples vidéos, on voit la population accueillir les militaires avec joie, et se prendre dans les bras. Mais derrière cette gaieté, les souvenirs des mauvais traitements et des humiliations subis pendant les huit mois d'occupation russe restent.

"Nous ne connaissions que la peur. Nous avions peur de tout", déclare à Sky News Natalia, habitante de Kherson. "On avait peur des bruits de voitures, on avait peur d'utiliser les téléphones, on cachait tout, on cachait nos enfants!"

"Nous étions terrifiés par l'armée russe"

"Nous étions terrifiés par l'armée russe, par les soldats qui peuvent entrer à tout moment dans notre maison, ouvrir la porte comme s'ils vivaient ici, et voler, kidnapper, torturer... C'était terrible, j'en ai la chair de poule rien que d'en parler", raconte sur CNN une habitante.

Une adolescente de 15 ans explique, également sur CNN, que les Russes l'ont kidnappée pour lui poser des questions sur la position des troupes militaires ukrainiennes, ils "m'ont dit qu'ils allaient me couper les doigts. Je pensais que j'allais me faire violer", déclare-t-elle.

"C'était terrible, les Russes ont menacé de me tuer, de me briser le crâne", lance une vieille dame. "Ils se comportaient comme des animaux ces dernières semaines. Ils ont emmené des gens pour les interroger et les ont battus, les accusant d'être des espions ukrainiens", déclare une autre femme.

Sur Sky News, Olga explique également que "beaucoup de personnes ont disparu" d'un coup pendant l'occupation. "Ils allaient chercher de l'eau, et ils disparaissaient! Ils allaient au marché, et ils disparaissaient! Ils allaient chercher des médicaments, et ils disparaissaient!"

Outre la peur de la mort, des habitants ont également raconté les humiliations subies. "Ils m'ont déshabillé quatre fois, je suis resté plusieurs fois sans sous-vêtement", explique ainsi sur BFMTV un jeune homme, et "ils ont pris mon téléphone, ils prenaient les téléphones, c'était interdit."

Un soldat russe a "mis une grenade sous moi"

Viktor Galak, 44 ans, résidant dans un village près de Kherson, raconte à l'AFP avoir été interpellé par des soldats russes dans les rues de sa commune. Un soldat est arrivé derrière lui et lui a tiré près des pieds, puis, ils l'ont forcé à s'allonger sur le sol où "ils m'ont attaché les bras et les jambes. L'un d'eux est ensuite venu et a dit qu'il allait mettre une grenade sous moi pour ne pas que je m'enfuie".

Il leur dit alors que sa fille avait déjà été tuée et leur demande: "Pourquoi voulez-vous mettre une grenade sous moi? Vous voulez tous nous tuer ou quoi? Quel est votre but? Êtes-vous des fascistes?" L'un des soldats russes a alors "mis une grenade sous moi et ils m'ont dit de ne pas bouger parce que sinon j'allais exploser".

L'homme a ensuite été libéré. Bien qu'il soit soulagé que les soldats russes aient quitté la zone, Viktor Galak souligne toutefois que "les soldats russes ont apporté des bonbons, des boîtes de conserve, de la nourriture et tout le monde en prenait car personne ne voulait mourir de faim". Il ajoute également que les occupants "ne voulaient pas se battre. Ils étaient assis, pas très heureux de rester ici, de ne pas être avec leurs familles".

Avec le retour de l'armée ukrainienne sur cette zone, les espoirs sont grands d'une amélioration de la vie sur place, car beaucoup d'habitants sont coupés de l'eau, de l'électricité et du gaz depuis plusieurs mois. "Les occupants ont détruit toutes les infrastructures essentielles", a déploré le président ukrainien samedi soir. Des zones sont également minées, et il est conseillé à la population d'être très prudente.

La crainte de représailles de Moscou est toutefois aussi évoquée, "on se prépare, et je pense qu'aujourd'hui on est mieux préparés qu'il y a huit mois", déclare sur notre antenne Lesia Vasylenko, députée ukrainienne. "On est dans une position beaucoup plus forte, mais on ne peut pas se relaxer, se détendre, on doit toujours être prêt".

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV