“Ils se sont servis du rêve qui était le nôtre d’avoir une chance dans le football pour nous berner.” Matheus Nunes, 20 ans, n’en revient toujours pas. Originaire de São Paulo, doué pour la balle au pied, le garçon s’est vu approcher un jour par un agent, qui lui a proposé de le recruter dans le club de Serpa, au Portugal, et de bénéficier ainsi d’une meilleure exposition auprès des grandes formations du pays, racontait le Diário de Notícias le 8 novembre.

“Petit, tu auras ta chance, mais tu vas avoir des frais”, a annoncé le recruteur au jeune homme, qui gagnait alors 1 200 reais par mois (220 euros) au Brésil. En l’occurrence 1 500 euros (pour des frais administratifs inexistants au Portugal) et 1 450 euros de billets d’avion. Sur place, Matheus a déchanté : le club n’existait pas encore, son président (le pizzaïolo du coin) était en vacances et le recruteur a fini par se volatiliser.

Abandonnés et affamés dans une maison isolée

Comme Matheus, 16 autres jeunes footballeurs se sont retrouvés sur le carreau à Serpa : dix Brésiliens, quatre Colombiens, deux Canadiens et un Japonais, qui a déboursé 8 200 euros. À eux tous, ils ont remis 25 000 euros à l’agent véreux, pour finalement se retrouver abandonnés et affamés dans une maison isolée. Le journal rapporte d’autres affaires similaires, concernant 14 jeunes étrangers à Nelas en 2016 et 2017, et 17 autres à Leiria en 2018, souvent dans l’arrière-pays portugais, à l’abri des regards.

L’impunité des recruteurs

Joaquim Evangelista, président du Syndicat des footballeurs professionnels, ne cache pas son impuissance dans les colonnes du Diário de Notícias :

“Malheureusement, parmi les cas que nous avons suivis, et malgré la présentation d’une plainte au pénal, le processus n’en est encore qu’au stade de l’enquête […]. Le sentiment d’impunité des recruteurs contribue au fait que des choses de cette nature continuent de se produire.”

Au cours des cinq dernières années, les services d’immigration ont recensé 256 victimes du délit d’aide à l’immigration clandestine dans le cadre d’enquêtes sur 59 clubs de football portugais (dont certains fictifs), et notamment 11 personnes victimes de traite d’êtres humains. Pas moins de 97 personnes sont poursuivies par la justice.

Le recrutement des jeunes pépites – à qui l’on promet, via un contrat bidon, d’être payés, logés et nourris – se fait essentiellement en Amérique du Sud et en Afrique, avec une grande prédominance du Brésil, “le pays qui connaît le plus grand flux migratoire de footballeurs du monde”, précise le journal. Les autres viennent d’Argentine, de Colombie, du Nigeria ou encore du Sénégal.