Pour les Africains, l’amer sentiment d’être les sacrifiés climatiques
Les négociations de la Cop 27 vont se poursuivre jusqu’à ce samedi, au minimum. Les représentants des pays africains veulent que leurs priorités soient enfin rencontrées. Témoignages.
- Publié le 18-11-2022 à 14h40
- Mis à jour le 18-11-2022 à 18h01
Par Gilles Toussaint, envoyé spécial en Égypte.
Les saisons sont chamboulées et les agriculteurs déboussolés, les récoltes ne sont plus suffisantes, l’insécurité alimentaire s’accroît… “Actuellement dans la Corne de l’Afrique, 660 millions de personnes sont menacées par la faim. Le Nigeria a perdu mille personnes à cause des inondations. Qui va payer pour cela ? ”, interroge Sena Louka, un fond de colère dans la voix. Pour ce responsable togolais de l’association des Jeunes volontaires pour l’environnement, la réponse ne fait pas un doute : les pays du Nord, responsables historiques des émissions de gaz à effet de serre à l’origine des dérèglements climatiques, doivent assumer et accepter la création d’un fonds financier qui permettra d’aider rapidement ces populations à se remettre à vivre. “C’est une question de droit, de justice climatique et de solidarité humaine”, insiste-t-il, mais les pays africains “ont l’impression de parler dans le vide”.
“Les migrations climatiques vont s’amplifier bientôt”
Un sentiment d’amertume que partage Amiante Diallo Sidibe, experte climat et observatrice au sein de la délégation malienne. Dénonçant l’accumulation des engagements non tenus par les pays riches, les “réponses a minima” et autres “demi-mesures”. Un scénario qu’elle craint de voir se répéter au sommet de Charm el-Cheikh. “Les Africains restent toujours sur leur faim face aux grands de ce monde qui polluent beaucoup.” L’Europe, bien sûr, mais aussi les “nouveaux grands pays industrialisés émergents”, ajoute-t-elle. “Nous n’espérons plus rien. ”
Dès lors que les conditions de vie continuent à se dégrader dans son pays comme sur l’ensemble du continent, de nombreuses zones deviennent vulnérables et invivables. “Les migrations climatiques vont s’amplifier bientôt”, prédit-elle.
Depuis le début de la Cop 27, les représentants des pays africains affichent un front uni pour défendre leurs priorités, en tête desquelles la création d’un fonds destiné au financement des “pertes et préjudices” irréversibles subis par les États les plus vulnérables, juge la Sénégalaise Aissatou Diouf, coordinatrice du réseau action climat en Afrique de l’ouest et centrale.
“Que les pays développés prennent leurs responsabilités historiques, mais aussi morales ! ”
En Afrique, l’adaptation aux bouleversements climatiques est une priorité, mais celle-ci “atteint ses limites un peu partout”. Ces dégâts “sont devenus une réalité quotidienne”, poursuit-elle, citant l’exemple de l’avancée de la mer le long des côtes de son pays, qui a forcé l’évacuation des communautés qui habitaient dans ces zones. “Ces personnes ont tout perdu. Au nom de la solidarité internationale, il faut un mécanisme financier pour les accompagner.”
En Afrique, quelque 600 millions de personnes n’ont en outre toujours pas accès à l’électricité. Ces pays sont conscients “de la nécessité d’aller vers une transition énergétique en utilisant un maximum d’énergie renouvelable. Mais pour cela il faut avoir accès aux technologies et aux financements, cela ne se fera pas tout seul”, constate Mme Diouf. “Que les pays développés prennent leurs responsabilités historiques, mais aussi morales ! ”