De Gandhi au Qatar : le boycott peut-il atteindre son but ?

Et vous, qu'allez-vous faire dimanche 20 novembre ? Allez-vous regarder ou boycotter la Coupe du monde de football au Qatar ? Vous penchez peut-être, sûrement, pour le boycott au vu des conditions dans lesquelles cette coupe a été organisée, mais vous vous demandez peut-être : à quoi pourrait servir mon boycott ? Pour quels effets ? D'où vient d'ailleurs cette mobilisation et quand est-ce qu'elle a marché ? Ou pour le dire autrement : c'est quoi un boycott réussi ?

Le boycott : un mot épouvantail

“C'est ce qu'Olivier Estève, dans son Histoire populaire du boycott, appelle un mot épouvantail, répandu à la fois dans les conversations courantes et dans le monde entier. Un mot qu'on trouve en français, en anglais, en espagnol, en russe, en italien, en allemand, en portugais… mais dont le sens exact n'est pas toujours très clair.“ Benjamin Ferron

Une mobilisation décentralisée et individuelle

“C'est que, contrairement à des formes d'actions collectives, comme par exemple la grève qui exige la présence physique des protagonistes pour fonctionner, le boycott peut être organisé de façon extrêmement décentralisée, avec tout simplement des refus individuels. Donc voilà un élément à mon avis qui qu’on peut tout à fait avoir la chose sans le mot et on peut avoir aussi le mot sur la chose : les appels au boycott ne se traduisent pas par les pratiques correspondantes.“ Benjamin Ferron

Le Qatar : imperméable au boycott

“Il faut vraiment s'accrocher pour ne pas être sensible aux arguments qui sont mobilisés par ceux qui appellent au boycott de la Coupe du Monde. Mais on est face à une série d’acteurs comme le Qatar, qui sont extrêmement puissants sur la scène internationale, notamment sur le plan financier. Ces acteurs ne sont pas structurellement vulnérables, pour reprendre une expression de Brian King qui disait que pour qu'un boycott réussisse, il faut à la fois que les entités qui appellent au boycott rencontrent une chambre d'écho médiatique importante, mais aussi que l'entité boycottée soit déjà fragilisée, que ce soit un Etat ou une grande entreprise, et que sa réputation soit déjà en soi déjà entachée. Or, ni le Qatar, ni la FIFA, ni les fédérations nationales, ni les clubs, ni les marques et les grands sponsors, ni un certain nombre d'amateurs de football n'ont intérêt à ce que la coupe soit annulée et boycotté en masse.” Benjamin Ferron

“Dans le cas d'une configuration internationale multipolaire, où il y a de nombreuses unités de domination et d'influence, on a des difficultés plus grandes à avoir des campagnes de boycott, notamment menées par des coalitions d'Etats. Je pense que ça explique pourquoi le Qatar a su se rendre imperméable à une opération de boycott. Ils servent, grâce à leur force de frappe financière, à leurs atouts sur le plan géopolitique, sur le plan économique, sur le plan financier, sur le plan de l'énergie. La France vend des armes au Qatar, importe le gaz liquéfié du Qatar. Il est extrêmement difficile pour un Etat comme la France de boycotter le Qatar” Benjamin Ferron

Sons diffusés :

• Mix de Nicolas Berger composé d'extraits sur le boycott de la Coupe mondiale au Qatar : Vincent Lindon dans C à Vous, 29/08/2022 ; Zidane ; Jean-Luc Mélenchon sur RTL, 04/2021 ; Elisabeth Borne sur Konbini, 6/10/2022
• Archive de Martin Luther King sur le boycott des bus de Montgomery de décembre 1955 jusqu’en décembre 1956
• Chanson de Nina Simone, Mississippi Goddam, 1964
• Archive d'une salariée de Danone qui appelle au boycott de l'entreprise sur Inter Soir 19H00 présenté par Fabrice Drouelle, 02/04/2001
• Archive d’une intervention de Kanye West qui répond à la polémique “White Lives Matter”, 2022
• Archive d'Adidas qui arrête sa collaboration avec Kanye West suite à ses propos racistes et antisémites, Euronews, 28/10/2022
• Chanson de Gilberto Gil, Filhos de Gandhi, 1973

Bibliographie :

• Benjamin Ferron, Emilie Née et Claire Oger,  Donner la parole aux sans-voix ? construction sociale et mise en discours d'un problème public , aux éditions Presses universitaires de Rennes, 2022