La famine en Somalie était « prévisible », selon une fonctionnaire de la Commission

Après quatre périodes de sécheresse successives, environ 250 000 Somaliens se trouvent dans des conditions proches de la famine. Les agences d’aide humanitaire ont prévenu que, sans une augmentation immédiate de l’aide financière, le pays risque de connaître une famine de l’ampleur de celle de 2011, qui avait fait 250 000 morts, dont la moitié étaient des enfants. [EPA/DAI KUROKAWA]

La combinaison de la sécheresse, du changement climatique et du désintérêt des donateurs a entraîné une crise alimentaire « prévisible » en Afrique de l’Est, laissant des millions de personnes exposées au risque de famine, a déclaré une fonctionnaire de la Commission européenne lors d’un événement organisé par EURACTIV la semaine dernière.

Après quatre périodes de sécheresse successives, environ 250 000 Somaliens se trouvent dans des conditions proches de la famine. Les agences d’aide humanitaire ont prévenu que, sans une augmentation immédiate de l’aide financière, le pays risque de connaître une famine de l’ampleur de celle de 2011, qui avait fait 250 000 morts, dont la moitié étaient des enfants.

« Nous avons mené une délégation en Somalie en mars, et nous pouvions déjà voir clairement que la saison des pluies serait insuffisante », a déclaré Andrea Koulaimah, directrice pour l’Afrique subsaharienne, l’Asie, l’Amérique latine et le Pacifique à la direction générale pour la protection civile et les opérations d’aide humanitaire européennes de la Commission (DG ECHO).

« Ce n’était pas imprévisible, cela se préparait depuis des années », a ajouté la fonctionnaire européenne, en soulignant les impacts du changement climatique, des pénuries d’eau et de l’instabilité politique dans la région.

Le Comité international de secours (CIS) a signalé une forte augmentation des hospitalisations pour malnutrition sévère dans ses cliniques en Somalie, l’une d’entre elles ayant enregistré une hausse de 265 % des admissions entre avril et mai. La situation est exceptionnellement grave à Mogadiscio, dans le Pount, dans le sud-ouest et le centre de la Somalie.

Selon le CIS, quelque sept millions de personnes sur les 16 millions habitants de la Somalie sont menacées par la famine.

Pour sa part, le Programme alimentaire mondial (PAM) a prévenu que le nombre de personnes souffrant de la faim dans la Corne de l’Afrique, principalement en Somalie, au Soudan du Sud et dans le nord du Kenya, pourrait passer de 14 à 20 millions d’ici la fin de l’année en raison de la sécheresse.

Harlem Desir, premier vice-président du CIS pour l’Europe, a déclaré que la crise résultait de la combinaison de quatre sécheresses consécutives et des effets du changement climatique.

« C’est une crise qui aurait pu être anticipée », a déclaré M. Desir avant d’ajouter que la réponse à cette crise devrait constituer une bien plus grande priorité pour les décideurs politiques européens.

Les organisations humanitaires ont imputé l’ampleur des pénuries alimentaires à la lassitude des donateurs. Au début de l’année, les pays donateurs ont répondu à l’appel du PAM des Nations unies, qui demandait 21 milliards de dollars de financement d’urgence cette année, en offrant 4 milliards de dollars.

« La guerre en Ukraine ne devrait pas être une excuse pour dire que nous ne pouvons pas faire plus, cela devrait plutôt être le contraire », a ajouté M. Desir.

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Il a ajouté que la sécheresse a entraîné un déplacement interne de 1,5 million de personnes dans le pays.

« Les bonnes intentions sont là, mais les actions sont trop peu nombreuses et arrivent trop tard », a déclaré Fouzia Mohamed Ali, directrice des opérations de GREDO, une ONG de terrain basée dans la région de Gargaar en Somalie.

« Nous en sommes maintenant à la cinquième mauvaise saison des pluies », a-t-elle poursuivi.

L’UE a mobilisé 920 millions d’euros pour l’aide humanitaire d’urgence en 2022, a indiqué Mme Koulaimah, un chiffre qui représente une augmentation de 80 % par rapport à 2020.

« Je ne pense pas que l’UE ait échoué », a-t-elle déclaré, « mais il y a eu un échec collectif pour ce qui est de la rapidité d’action ».

Maria Arena, l’eurodéputée socialiste belge qui préside la sous-commission « droits de l’homme » (DROI) du Parlement européen, a exhorté l’UE à donner la priorité au développement et aux accords commerciaux avec les pays africains qui favorisent la souveraineté alimentaire.

« En Europe, nous ne sommes pas cohérents sur ce point. Nous soutenons des programmes de développement, mais d’un autre côté, nous soutenons des projets commerciaux controversés », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’il fallait « donner la priorité à la souveraineté alimentaire ».

Les effets de la sécheresse sur la production alimentaire, qui ont entraîné une hausse des prix des denrées alimentaires largement supérieure à 100 % cette année, ont été aggravés par l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Avant le conflit, la Somalie importait 92 % de ses céréales de Russie et d’Ukraine. Les prix élevés et les perturbations de l’approvisionnement ont entraîné une baisse considérable des importations. Entre-temps, le prix du blé et du pétrole a augmenté de 300 %.

La Commission a récemment annoncé la création d’un fonds de 210 millions d’euros pour 15 pays vulnérables afin de promouvoir la sécurité alimentaire.

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[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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