La tension couve au Mondial de football. Lundi 21 novembre, “la Fifa a réussi à empêcher [les capitaines européens] Harry Kane, Virgil van Dijk et Gareth Bale d’arborer les brassards arc-en-ciel qu’ils avaient décidé de porter dans le cadre de la campagne ‘One Love’ [pour les droits des personnes LGBT] lors de leurs matchs”, rapporte El País.

Au total, sept équipes européennes engagées dans cette campagne contre les discriminations ont préféré renoncer à ce geste symbolique après que la fédération internationale du football les a menacées de sanctions sportives, sous la forme d’un carton jaune au capitaine. “Nous étions prêts à payer des amendes […] mais nous ne pouvons pas mettre nos joueurs dans la situation où ils pourraient être avertis, voire devoir quitter le terrain”, ont écrit les sept fédérations dans un communiqué commun.

Ce sont des “méthodes dignes d’un film de gangsters”, estime la Süddeutsche Zeitung. Un peu comme si la Fifa disait “nous ne voudrions pas qu’un accident se produise… ”, poursuit le quotidien allemand.

Cette décision a provoqué lundi la colère de l’Australien Josh Cavallo, l’un des premiers footballeurs à avoir publiquement évoqué son homosexualité. “Vous à la Fifa, vous avez perdu mon respect, a-t-il écrit sur son compte Instagram. Face à tout le travail que mes alliés et la communauté LGBT+ accomplissent pour rendre le football inclusif, vous avez démontré que le football n’était pas un sport ouvert à tous.”

“Quel cynisme !”

Le brassard arc-en-ciel, petit bout de tissu censé symboliser l’inclusion et la diversité, aura été l’une des “stars” de l’avant-Mondial, disputé dans un pays, le Qatar, très critiqué pour le sort qu’il réserve aux personnes LGBT. “L’homosexualité est un crime au Qatar, comme dans une grande partie du reste du monde musulman, et les hommes pris en flagrant délit d’actes sexuels peuvent encourir plusieurs années d’emprisonnement, voire la peine de mort”, rappelle la chaîne américaine CNBC.

Cherchant à éteindre la polémique autour des brassards arc-en-ciel, la Fifa avait réagi samedi en dégainant ses propres brassards porteurs de messages consensuels, comme “Sauvez la planète”, “L’éducation pour tous” ou “Non aux discriminations”.

“La Fifa veut noyer la question LGBTQIA+ sous un tsunami de messages ‘positifs’ (protection de l’enfance, éducation, écologie – au Qatar !). Mais il a suffi que la Fédération internationale menace les joueurs d’un carton jaune pour que les Fédérations (dont la Belge) qui avaient annoncé ce soutien si symbolique reculent d’un coup face à la sanction sportive”, s’indigne Le Soir dans un éditorial. “Quel cynisme ! Cynisme de prendre de telles décisions en dernière minute comme si la politique n’était pas entrée dans le sport depuis des lustres. Cynisme de faire croire qu’on défend de belles causes pour mieux en noyer d’autres […]. Mais, aussi, cynisme de la part des Fédérations, qui rentrent dans le rang par peur d’un carton jaune après avoir bombé le torse pendant des mois”, estime le quotidien belge.

“D’un point de vue sportif, cette décision était compréhensible, étant donné qu’elle aurait pu conduire les joueurs à manquer des matchs à élimination directe cruciaux”, remarque de son côté le Guardian. “Mais le contraste avec la bravoure des joueurs iraniens est saisissant”, remarque le quotidien britannique. Battus 6-2 lundi par les Anglais, les joueurs de l’équipe d’Iran avaient refusé de chanter l’hymne national en début de match, en solidarité avec les victimes du mouvement de révolte dans leur pays.