Une ex-secrétaire d’un camp de concentration nazi condamnée à deux ans de prison

Deux ans de prison avec sursis ont été requis contre une ancienne secrétaire d’un camp de concentration nazi en Allemagne. Âgée de 97 ans, la femme a été jugée par le parquet au tribunal de d’Izeheo, dans le nord de l’Allemagne, dans le contexte de l’un des derniers procès traitant cette période noire de l’histoire.
Un mur avec des barbels entourent une prison
Un mur avec des barbelés entourent une prisonMikhail Pivikov / EyeEm/Getty Images

Ce mardi, Irmgard Furchner faisait face au chef d’accusation de complicité de meurtres de plus de 11 000 personnes au camp de concentration nazi de Stutthof. Si ce procès est l’un des derniers portant sur la sombre époque de l’Allemagne nazie, il a cependant débuté de manière très étrange. À l’heure prévue, le box des accusés était resté vide : la nonagénaire avait effectivement pris la fuite le jour même. Elle avait quitté son foyer pour personnes âgées en prenant un taxi et s’était ensuite rendue à une station de métro dans l’espoir de fuir la barre devant laquelle elle devait se présenter, a déclaré la porte-parole du tribunal allemand

Son comportement « montre un mépris pour les survivants et l’État de droit », a dénoncé Christoph Heubner, le vice-président du Comité Auschwitz. L’ancienne secrétaire avait été retrouvée au bout de quelques heures de recherche. Un médecin l’a auscultée pour déterminer si Irmgard Furchner était apte à être placée en détention. Suite à cette tentative de fuite ratée, l’historien et chasseur de nazis israélien Efraim Zuroff avait tweeté : «Suffisamment en bonne santé pour fuir, suffisamment en bonne santé pour aller en prison !»

« Elle veillait à ce que le camp puisse continuer à fonctionner »

À l’heure des faits, l’ex-secrétaire du commandant du camp de concentration nazi, Paul Werner Hoppe, occupait une position « d’une signification essentielle » dans la structure d’extermination systématique, a expliqué la procureure Maxi Wantzen.  « Elle veillait à ce que le camp puisse continuer à fonctionner », a-t-elle précisé. Alors âgée de 18 à 19 ans, Irmgard Furchner travaillait en tant que dactylographe et secrétaire entre juin 1943 et avril 1945. L’accusée aurait tenu la quasi-totalité des correspondances du commandant Werner Hoppe, selon l’avocat Christoph Rückel de la désormais coupable. « Elle a aussi tapé à la machine les ordres d’exécution et de déportation et apposé ses initiales », a-t-il déclaré à la chaîne régionale publique allemande NDR. 

L’une des rares femme à être jugée depuis plusieurs années pour participation aux rimes nazis, la nonagénaire avait refusé de s’exprimer quant à sa complicité dans ce génocide mais avait pourtant prévenu qu’« elle boycotterait la procédure, pour ainsi dire, […] elle a écrit que ce serait dégradant si elle y participait », avait commenté son avocat. 

Une secrétaire ignorante de l’atroce réalité des camps ? 

La procureure a souligné la « signification historique exceptionnelle » de ce procès. Un jugement au caractère avant tout « symbolique » est « essentiel », a-t-elle ajouté. D’après l’avocat de Furchner, elle ne nie pas la Shoah et les crimes nazis. Cependant, dans une interview accordée au journal local NDR en 2019, l’ex-secrétaire avait indiqué « n’avoir rien su » des massacres commis dans ce camp. L’avocat de la secrétaire, Wolf Molkentin, plaide pour l’ignorance de sa cliente. Selon lui, les dignitaires nazis utilisaient des termes codés dans leurs échanges écrits. « Avec des termes comme “traitement spécial”, comme les nazis appelaient le meurtre de leurs opposants », il n’est pas certain que Irmgard Furchner ait été capable de comprendre les messages qu’elle tapait, juge l’avocat dans un entretien donné au magazine allemand Der Spiegel. « Ma cliente a travaillé au milieu de SS expérimentés dans la violence. Mais devait-elle partager leur niveau de connaissance ? », s'est-il interrogé.

Dans le camp de concentration de Stutthof, dans l’actuelle Pologne, périrent environ 65 000 personnes. « Des détenus juifs, des partisans polonais et des prisonniers de guerre soviétiques»  ont trouvé la mort selon des historiens.