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«Vladimir, réponds-nous!»: la colère des femmes et mères de soldats russes gronde

En septembre, le Kremlin avait ordonné une mobilisation partielle d’hommes russes. Mais de nombreuses violations avaient été recensées, nourrissant l’inquiétude de leurs proches. La colère gronde maintenant et place le Kremlin et Vladimir Poutine dans une position délicate.

Temps de lecture: 4 min

Depuis des semaines, leurs vidéos inondent l’internet russophone : des mères et des femmes de soldats russes mobilisés pour combattre en Ukraine se réunissent à travers la Russie et exigent le respect des promesses du président Vladimir Poutine.

Le Kremlin, après avoir ordonné une mobilisation partielle en septembre, avait assuré que les centaines de milliers d’enrôlés suivraient un entraînement solide, recevraient un bon équipement et ne seraient pas envoyés en première ligne. Mais de nombreuses violations ont été recensées : mort au front de mobilisés ; mobilisation d’hommes inaptes, de pères de familles nombreuses ou trop âgés ; absence d’équipement adéquat et de formation militaire pour nombre d’appelés. Cette mobilisation désordonnée, qui a poussé le pouvoir à admettre des « erreurs », a répandu l’inquiétude parmi les proches des soldats envoyés en Ukraine.

Cette inquiétude, qui risque de dégénérer en grogne, place le Kremlin dans une situation délicate : si les autorités répriment de façon implacable toute remise en cause de l’offensive en Ukraine, la parole des femmes de soldats est sacrée et les emprisonner choquerait en Russie. Signe que le pouvoir prend cela au sérieux, M. Poutine doit pour la première fois rencontrer vendredi des mères de militaires envoyés en Ukraine. Mais certains proches anticipent déjà une réunion soigneusement chorégraphiée, sans discussion sur le fond.

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M. Poutine va rencontrer « des mères sorties de sa manche, qui vont poser les questions adéquates et le remercier, comme à chaque fois », regrette Olga Tsoukanova, mère d’un jeune homme qui fait son service militaire. « Vladimir Vladimirovitch, réponds à nos questions ! », lance cette femme qui veut s’assurer que son fils de 20 ans ne sera pas envoyé illégalement au front ou à la frontière avec l’Ukraine, où les obus tombent aussi. Elle est venue spécialement à Moscou depuis la ville de Samara, à 900 km à l’est, dans l’espoir d’être reçue au Kremlin. En vain. « J’imagine qu’ils ont peur qu’on pose des questions embarrassantes. Mais il faut régler le problème ! ».

Demander des comptes

Le président russe sait combien le sujet des proches de soldats est sensible. En août 2000, lors du naufrage du sous-marin russe Koursk qui a causé la mort de ses 118 membres d’équipage, il avait été vivement critiqué, accusé d’avoir tardé à réagir. Puis il avait donné un premier tour de vis aux médias. Lors des deux guerres de Tchétchénie, un mouvement de mères de soldats avait aussi embarrassé le pouvoir et renforcé un sentiment de mécontentement à travers la société russe.

Cette fois, face à un climat de répression accru, les protestations de femmes et de mères de soldats ne remettent pas frontalement en cause l’offensive en Ukraine, mais certaines dénoncent les conditions dans lesquelles leurs proches y sont envoyés. Et leur statut de mères et d’épouses d’hommes mobilisés, partis servir la patrie, leur donne une légitimité et une forme de protection face aux persécutions, le pouvoir ne pouvant pas les considérer comme des opposantes ordinaires.

Dans la société russe, « il y a le sentiment inconscient que les femmes ont le droit » de demander des comptes au pouvoir, note Alexeï Levinson, sociologue au centre indépendant Levada. Ces femmes « demandent que l’Etat remplisse sa fonction de “père collectif” des mobilisés », ajoute-t-il. « Quand l’Etat ou le commandant militaire ne remplissent pas leurs fonctions, les femmes font des réclamations ».

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Pour l’heure, le mouvement est disparate, peu coordonné. Les appels de proches en détresse sont diffusés sur les réseaux sociaux, où des collectifs informels s’agglomèrent autour de figures de proue. C’est le cas d’Olga Tsoukanova qui milite aussi parallèlement pour une opposante controversée, Svetlana Peounova, recherchée en Russie et accusée de promouvoir des théories du complot.

Dans un climat de répression exacerbé, d’autres femmes craignent quand même de s’attirer des problèmes ou d’aggraver la situation de leurs proches en parlant à la presse, en particulier étrangère. « Nous avons envoyé des lettres officielles aux autorités », écrit à l’AFP l’une d’elles, sous couvert d’anonymat. « Ce ne sont pas les journalistes qui vont sortir nos hommes des tranchées et on ne veut pas leur causer encore plus de problèmes. »

 

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15 Commentaires

  • Posté par Martin Roland, vendredi 25 novembre 2022, 15:00

    Rien n'a changé, seulement empiré. Anna Politovskaja, journaliste assassinée en 2006 à Moscou, écrivait dans son livre "La Russie selon poutine" : " Poutine a, par pur hasard, mis la main sur un pouvoir gigantesque et il en use de manière catastrophique. Je le déteste parce qu’il n’aime pas le peuple. Il nous méprise, il ne nous voit que comme un moyen d’arriver à ses fins, d’étendre et de conserver son pouvoir. Il se croit en droit de faire de nous ce qu’il veut, de jouer avec nous et de nous manipuler, de nous détruire s’il le juge nécessaire. Pour lui, nous ne sommes rien, tandis que lui, qui s’est trouvé fortuitement propulsé à la tête du pays, est aujourd’hui l’égal d’un tsar et même d’un dieu que nous devons adorer et craindre. La Russie a eu des dirigeants de cette espèce. Chaque fois, cela nous a conduits à la tragédie, à des bains de sang, à des guerres civiles. De tout cela, je ne veux plus. Voilà pourquoi j’éprouve autant d’aversion pour ce tchékiste bon teint qui foule le tapis rouge du Kremlin et grimpe les marches qui le mènent au trône."

  • Posté par Radu-Catalin NICA, vendredi 25 novembre 2022, 13:46

    La guerre de Poutine contre l'Ukraine n'est pas plus sale que celle des américains en Irak pour des ADM qui n'ont JAMAIS existé. Par contre la propagande occidentale conte Poutine et la bashing de tout ce qui est russe tourne à plein régime même au sein du Soir. Toute guerre est salle par définition et dans toute guerre le vainqueur a raison et le perdant a tort. Quand l'Ukraine n'existera plus il n'y aura plus personne pour condamner les crimes de guerre de l'armée russe... c'est cela le real politique et l'Europe du business fera de nouveau des affaires juteuses avec les russes...

  • Posté par STORDIAU Pierre, vendredi 25 novembre 2022, 23:47

    Revois ton logiciel Russe, troll Radu-machinchose : la guerre contre l'Irak a commencé APRÈS que Saddam Hussein eut envahi le Koweït; pauvre ignare !

  • Posté par Bastin Eric, vendredi 25 novembre 2022, 15:44

    Bien sûr que si, elle est plus sale. La guerre de 2003 en Irak était illégitime mais les Américains n'ont pas écrasé les civils sous les bombes. Ils ont "décapité" le régime par des frappes ciblées sur les lieux de pouvoir à Bagdad et détruit les formes armées irakiennes là où elles menaçaient la progression de l'offensive terrestre. Les seuls points de polémiques ont été l'usage de bombes à sous-munitions et à uranium appauvri, quelques bavures collatérales inévitables, et une frappe sur un immeuble avec des journalistes, si je me souviens bien (+ ambassade de Chine ?). Les méthodes brutales des Russes qu'on a vues à Alep, en Tchétchénie et en Géorgie, méthodes qui rappellent les bombardements massifs des villes pendant la Seconde Guerre mondiale, n'appartiennent qu'à eux pour l'époque contemporaine, et elles constituent des crimes de guerre au regard du droit pénal international actuel.

  • Posté par Martin Roland, vendredi 25 novembre 2022, 14:58

    Sombre imbécile.

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