Hormis leur dimension internationale, le sport et la géopolitique n’ont a priori rien de commun. Et pourtant, « il est évident que la politique mondiale influence le sport et inversement », écrit le chercheur polonais Michał Marcin Kobierecki dans un article universitaire sur le sujet.

Les rencontres opposant des pays rivaux, comme le match entre l’Iran et les États-Unis, qui se déroule mardi 29 novembre dans le cadre de la Coupe du monde 2022 au Qatar, ont donc une résonance particulière.

« Ce genre d’oppositions peuvent être utilisées par les États afin de montrer leur supposée supériorité sur leurs rivaux, poursuit Michał Marcin Kobierecki. Les victoires contre des États concurrents sur le plan idéologique sont donc particulièrement précieuses. » De l’affrontement entre l’Allemagne nazie et l’Amérique jusqu’à la guerre froide, les confrontations tendues sur le plan géopolitique ont été nombreuses au cours du dernier siècle.

► Iran - États-Unis, une redite de 1998

L’Iran et les États-Unis s’étaient déjà affrontés en 1998, lors de la Coupe du monde de football organisée en France. Le président de la fédération américaine avait qualifié cette rencontre de « père de tous les matchs ». C’est l’équipe de la République islamique qui s’impose 2-1. « Notre adversaire, fort et arrogant, a goûté à l’amère saveur de la défaite », réagit à l’époque le guide suprême Ali Khamenei.

Sur le terrain, les joueurs font toutefois preuve de retenue et se félicitent mutuellement à la fin de la partie. En outre, le président est alors Mohammad Khatami, un réformiste qui cherche à apaiser les relations avec l’Occident.

Aujourd’hui, la situation est nettement plus tendue. Le pouvoir est détenu par des partisans d’une ligne dure, les drones iraniens aux mains des Russes plongent l’Ukraine dans le noir, et des manifestations violentes agitent le pays depuis plusieurs mois.

► La diplomatie du ping-pong

Jusqu’aux années 1970, les États-Unis ne reconnaissent pas le gouvernement communiste comme représentant le peuple chinois. Ils continuent à soutenir les dirigeants nationalistes, exilés sur l’île de Taïwan suite à leur défaite contre l’Armée rouge en 1949.

Une équipe de pongistes américaine permet finalement de rapprocher les deux pays en froid en foulant le sol chinois en avril 1971. Le premier ministre Zhou Enlai les reçoit avec chaleur, espérant que cette visite augure « d’une nouvelle page dans les relations entre les peuples américain et chinois ». Dans la foulée, Richard Nixon annonce le retrait de certaines mesures empêchant la circulation des biens et des personnes entre les deux nations.

L’année suivante, le président américain visite à son tour le pays, et les relations diplomatiques entre Washington et Pékin sont rétablies en 1979, après trente ans de gel.

► Joe Louis contre Max Schmeling, un Noir américain face à l’Allemagne nazie

Considéré comme un des boxeurs les plus talentueux de sa génération, Joe Louis symbolise dans l’Amérique des années 1930 la possibilité pour les Afro-Américains d’échapper à la pauvreté. Une figure particulièrement importante alors que le Ku Klux Klan continue de sévir dans les États du sud du pays. Il affronte en 1936 puis en 1938 l’Allemand Max Schmeling, représentant du IIIe Reich, quoiqu’il ait été personnellement un opposant au parti nazi.

Les deux gouvernements rivaux, qui allaient s’affronter brutalement quelques années plus tard, s’impliquent dans le combat. « Joe, nous avons besoin de muscles comme les tiens pour envoyer l’Allemagne au tapis », déclare le président américain Franklin Roosevelt à son champion. Adolf Hitler aurait de son côté fait parvenir des messages à Schmeling, le prévenant que le prestige du IIIe Reich dépendait de sa victoire. Il remportera le premier affrontement, avant d’être défait en 1938.

► Le « miracle sur glace »

La rivalité la plus tenace du XXe siècle demeure celle qui a opposé l’URSS communiste à l’Amérique capitaliste. « Ces deux pays, qui ont l’arme nucléaire, n’ont aucun intérêt à s’opposer par les armes. Il faut donc trouver d’autres terrains de compétition : le sport, au côté de la course à l’espace et aux armements, est devenu l’un d’entre eux », analyse le spécialiste Michał Marcin Kobierecki.

L’un des affrontements les plus célèbres entre les deux rivaux reste le tournoi olympique de hockey sur glace aux Jeux d’hiver de Lake Placid, aux États-Unis. L’équipe américaine l’emporte à la surprise générale contre des Soviétiques archi-favoris. À l’occasion de son centenaire, en 2008, la fédération internationale de hockey sur glace décrit cet événement comme le plus important de son histoire.

► La diplomatie du cricket

Le cricket, deuxième sport le plus populaire du monde après le football, a lui aussi servi à rapprocher des nations ennemies. En 1987, alors que les troupes indiennes et pakistanaises sont massées des deux côtés de leur frontière commune, Muhammad Zia Ul Haq, qui dirige le Pakistan, se rend en Inde pour assister à un match entre les deux nations.

D’après la BBC, il en profite pour rappeler au premier ministre indien, Rajiv Gandhi, que son pays dispose également de l’arme atomique. Dans la foulée, les deux gouvernements signent un accord prévoyant le retrait de leurs soldats.