Amazon pourrait remplacer ses recruteurs par des IA

Amazon pourrait remplacer ses recruteurs par des IA
Image d'illustration © Andrey_Popov, Shutterstock

Le géant du commerce en ligne Amazon pourrait bientôt remplacer ses recruteurs par des intelligences artificielles pour faire passer des entretiens d’embauche. Cette pratique, critiquée pour ses biais de genre et ethniques, est de plus en plus courante au sein des grandes entreprises. Explications.

« Les robots seront capables de tout faire mieux que nous », prédisait Elon Musk en 2017. Cinq ans plus tard, la prophétie du patron de Tesla, nouvellement propriétaire du réseau social Twitter, semble en passe de se réaliser. En effet, le deuxième plus grand employeur du secteur privé aux États-Unis, Amazon, pourrait remplacer ses recruteurs par des intelligences artificielles (IA), a récemment révélé le média Recode. Le géant du commerce en ligne développe discrètement, depuis au moins un an, un logiciel d’IA pour filtrer les candidats à l’emploi. Dans le même temps, l’entreprise a proposé des offres de rachat à des centaines de ses recruteurs. Si les employés quittent volontairement leur emploi, Amazon leur offre trois mois de salaire ainsi qu’une semaine de salaire par tranche de six mois d’ancienneté dans l’entreprise.

Ces propositions de démission, qui ne disent pas leur nom, s’inscrivent dans le cadre d’un cycle de licenciements de plusieurs mois, qui a suscité la colère des employés de l’entreprise. Après avoir institué un gel des embauches au début de l’automne, la société américaine devrait licencier environ 10 000 travailleurs, soit 3 % de son personnel, dans ce qui serait sa plus grande série de suppressions d’emplois depuis près de trois décennies, selon le New York Times.

Pour l’heure, Amazon n’a fait aucun commentaire sur la mise au point d’une IA pour recruter de nouveaux employés et n’a confirmé aucune des informations révélées ces derniers jours par la presse anglophone. Mais pour le média Recode, qui a consulté un document interne confidentiel, cette technologie d’intelligence artificielle que l’entreprise expérimente pourrait un jour remplacer certains de ses employés. Intitulé « Amazon confidential », ce document datant du mois d’octobre 2021 révèle que l’entreprise dirigée par le milliardaire Jeff Bezos travaille depuis au moins un an à confier certaines des tâches de ses recruteurs à un programme algorithmique afin de prédire quels candidats conviendraient le mieux à certains postes – le tout sans l’intervention d’un recruteur humain.

Bien qu’intrigante, cette révélation n’est pas vraiment surprenante. Voilà plusieurs années qu’Amazon investit à grande échelle pour automatiser des tâches jusque-là réalisées par des employés humains. Dès 2012, l’entreprise américaine a acquis la société de robotique Kiva, afin d’éviter aux travailleurs de parcourir des kilomètres au sein de ses entrepôts. Mais derrière la recherche officielle d'une plus grande efficacité, Amazon redoute avant tout un manque de main d’œuvre dans certaines régions des États-Unis dans un futur proche, en raison des activités croissantes de l’entreprise qui a réalisé d’incroyables profits durant les confinements, en période de pandémie de Covid-19. La société a ainsi mis en œuvre l’initiative « hands off the wheel » (« les mains hors du volant »), consistant à retirer les commandes d'inventaire et d'autres responsabilités des tâches des employés de la division de vente au détail pour les confier à une technologie d’intelligence artificielle. Désormais, c’est le rôle des recruteurs qui pourrait être transformé de façon permanente.

IA : une méthode de recrutement biaisée ? 

Connue en interne sous le nom d’Automated Applicant Evaluation ou AAE, le nouveau programme algorithmique de recrutement vise à repérer les similitudes entre les CV des employés actuels d'Amazon, qui ont obtenu de bons résultats, et ceux des candidats qui postulent à des emplois similaires, explique Recode. La technologie a d'abord été testée auprès de candidats à des postes de représentants médicaux chez Amazon, puis sur des ingénieurs en développement de logiciels ou des directeurs de programmes techniques. Selon le document interne de 2021, « ce modèle atteint une précision comparable à celle du processus manuel et ne présente pas d'impact négatif ».

« Compte tenu de l’impact des outils d’embauche alimentés par l’IA sur la vie des personnes les plus exposées aux préjugés, nous leur devons de procéder avec une extrême prudence »
Nathan Esquenazi, co-fondateur de CodePath

Mais pour Nathan Esquenazi, co-fondateur de CodePath, un organisme qui vise à éliminer les inégalités dans l’enseignement des technologies, les IA demeurent largement soumises aux biais humains, fondés sur la couleur de peau ou le sexe des individus. « Compte tenu de l’impact des outils d’embauche alimentés par l’IA sur la vie des personnes les plus exposées aux préjugés, nous leur devons de procéder avec cette technologie avec une extrême prudence », écrit-t-il dans une tribune pour Venture.

Une pratique de plus en plus courante

Malgré ces inquiétudes, de plus en plus d’entreprises ont recours à l’intelligence artificielle pour faire passer des entretiens d’embauche. 88 % des entreprises dans le monde utilisent déjà l’IA d’une manière ou d’une autre dans le cadre des ressources humaines, selon une étude de la Harvard Business School, relayée par le magazine de référence Forbes. En 2017, la multinationale Unilever annonçait, par exemple, recruter en partie ses candidats en utilisant une technique d’analyse de données passant au crible les gestes et expressions faciales de chacun d’entre eux.

Face aux risques de discrimination, la ville de New York a décidé d’interdire aux employeurs et aux agences, à compter du 1er janvier 2023, d'utiliser certains outils d'intelligence artificielle dans le processus d'embauche ou de promotion jusqu'à ce que ces outils aient fait l'objet d'une « vérification des préjugés ». De quoi limiter en partie les ambitions d’Amazon, actuellement en pleine restructuration de ses activités…

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