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La sénatrice Annick Billon sur la pénurie de gynécologues : « Il n'existe pas de solutions magiques »

INTERVIEW - Annick Billon, sénatrice centriste de la Vendée et Présidente de la Délégation aux Droits des femmes, revient sur l'absence de gynécologues médicaux et dessine des solutions pour un accès facilité à ces professionnels de santé.

Wassila Belhacine , Mis à jour le
La sénatrice Annick Billon est la Présidente de la Délégation aux Droits des femmes. (Illustration)
La sénatrice Annick Billon est la Présidente de la Délégation aux Droits des femmes. (Illustration) © Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Où sont les gynécologues ? D'après une étude de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir, 9 femmes sur 10 n'ont pas accès à un gynécologue conventionné secteur 1. L'étude note également que 23,6 % des femmes vivent dans un désert médical gynécologique. Dépistages tardifs, augmentation des cancers du sein ou du col de l'utérus, problèmes d'infections…les risques de régression de la santé des femmes liées à l'absence de consultation sont nombreux. Le manque de gynécologues s'inscrit dans un contexte global de difficulté d'accès aux soins : « il existe une rupture d'égalité d'accès au soin sur le plan territorial », explique Annick Billon, sénatrice centriste de la Vendée et Présidente de la Délégation aux Droits des femmes. Pour le JDD, la sénatrice revient sur les mesures politiques attendues pour un accès facilité à la gynécologie.

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Au 1er janvier 2021, on comptait seulement 895 gynécologues médicaux en exercice, soit une densité de 2,7 pour 100 000 femmes.Comment en sommes-nous arrivés à cette situation ? 
Le constat est terrible. 77 % des départements ne sont pas assez dotés en gynécologues médicaux, ce qui signifie une réduction drastique de la prévention, du dépistage et du soin pour les femmes. L'un des facteurs qui explique cette désertion est la formation : le numerus clausus a impacté pendant des années toutes les professions médicales, gynécologues compris. Par ailleurs, les praticiens exercent dans des conditions de travail dégradées, le métier devient de moins en moins attractif et les jeunes se dirigent moins vers ces spécialités. Enfin, la pénurie de gynécologues rend le remplacement impossible. La problématique du manque de gynécologues est indissociable de celle de la réduction drastique des maternités, particulièrement marquée dans les territoires ruraux où leur nombre a été divisé par trois en quarante ans. 

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Treize départements ne comptent plus aucune gynécologie médicale, quatorze n'en ont plus qu'un seul, et les chiffres entre 2007 et 2021 indiquent une chute générale - 59 % pour l'Île-de-France et jusqu'à - 91% dans certains départements. Comment faire pour répondre à l'urgence à court terme ? 
Notre système de santé a connu de profondes mutations provoquées, entre autres, par le manque accru de professionnels de santé et par la féminisation de ces professions. Il est nécessaire de prendre en compte ces évolutions lorsque nous dessinons des solutions. Par exemple, certains médecins généralistes embauchent des assistants médicaux pour gérer les tâches administratives, ce qui leur permet de passer plus de temps auprès de leurs patients. En gynécologie, nous avons constaté que des sages-femmes libérales s’installent dans des petites communes, ce qui permet de répondre en partie aux difficultés de l’accès aux soins. Mais si les sages-femmes font des actes supplémentaires, les législateurs doivent se poser la question du périmètre d'intervention de ces professionnels qui élargissent leurs fonctions. 

Il est important de comprendre qu'il n'existe pas de solution magique mais une multitude d'options pragmatiques : dans le rapport Femmes et Ruralités de la délégation aux droits des femmes, nous listons des « bonnes pratiques ». Par exemple, pour les communes les plus touchées par la désertification médicale nous recommandons la mise en place de solutions de médecine itinérante, type bus ou camions équipés et pluridisciplinaires, proposant aux femmes des dépistages les plus complets possibles portant sur les cancers du sein, du col de l’utérus et du côlon mais aussi des consultations gynécologiques. Nous encourageons également la mise à disposition de logements pour les internes par les communes afin de faciliter leurs venues. 

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Attendez-vous des mesures de la part du gouvernement afin de réguler les dépassements d'honoraires, particulièrement fort en gynécologie ? 
Si nous ne pouvons pas accepter des dépassements d'honoraires considérables, il n'est pas non plus envisageable de laisser se mettre en place des remplacements désorganisés comme cela se fait avec la pratique des intérimaires mercenaires. 

Il s'agit de penser la rémunération équitablement. Est-ce normal qu'un tarif de consultation soit le même entre un médecin traitant, qui peut traiter de plusieurs pathologies en même temps, et un centre de soins non programmé qui va pouvoir uniquement prendre en charge des soins urgents, en particulier des soins qui nécessitent des actes complémentaires ou thérapeutiques ? Je ne le crois pas. Ce sont des ruptures d'égalité entre professionnels de santé qui ne sont pas tolérables. 

À plus long terme, quelles sont les avancées législatives que vous attendez sur la question ? 
La santé des femmes passe par le suivi médical et des politiques de dépistage ambitieuses. Pour des maladies comme le cancer du sein ou du col de l'utérus, les chiffres sont formels : plus la maladie est détectée à temps, plus la patiente a des chances de s'en sortir. Nous pouvons imaginer une médecine qui vient aux patients, avec des journées de dépistages organisées dans les territoires. La téléconsultation peut constituer une solution mais il est nécessaire de veiller à son encadrement. Le tarif ne peut pas être le même pour une consultation sur plusieurs problématiques avec un médecin généraliste et une téléconsultation pour une simple ordonnance. Le développement de centres périnataux peut également répondre au manque de maternités et permettrait de développer un maillage de professionnels au plus près des femmes, notamment pour l'après-grossesse. 

Rien ne peut se faire sans la mise en place d’une politique de prévention complète et donc sans un soutien financier aux associations qui œuvrent auprès des femmes dans ce domaine. Il faut informer les femmes sur leur santé. Comment vont-elles penser à se faire dépister si elles ne connaissent pas leurs corps ? 

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