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11-Septembre : comment George W. Bush a tenté de minimiser les informations dont il disposait
George W. Bush aux commérations du 11 septembre, ce jour-là en 2021.
MANDEL NGAN / AFP

11-Septembre : comment George W. Bush a tenté de minimiser les informations dont il disposait

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Le président américain a accordé, le 29 avril 2004, aux membres de la Commission d'enquête sur les attentats du 11-Septembre, un entretien secret durant lequel il s'est efforcé de minimiser sa connaissance du risque terroriste que représentait Al-Qaida. Durant plus de 3 heures, il a enchaîné les contre-vérités, a révélé une transcription secret-défense de ce rendez-vous, déclassifiée récemment.

Aurait-on pu éviter ça ? Des documents déclassifiés courant novembre et repéré par le média américain Insidermettent en difficulté l'ancien président américain George W. Bush. Il s'agit de la transcription d'une réunion qui s'est tenue le 29 avril 2004 dans le bureau ovale, entre le président américain, son vice-président Dick Cheney et les membres de la « Commission 9-11 », chargée de faire toute la lumière sur les circonstances entourant les attentats survenus le 11 septembre 2001 aux États-Unis. Au cours de cette réunion secrète, les membres de la Commission, cinq parlementaires démocrates, cinq républicains et le président de la Commission, l'ancien gouverneur du New Jersey Thomas Kean, ont été invités à poser « toutes les questions qu'ils souhaitaient », une procédure « très inhabituelle », note l'Insider.

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Et pendant cette réunion, qui a duré plus de trois heures, le président américain va le répéter à l'envi : il n'était pas au courant de la menace intérieure que représentait Al Qaida. George W. Bush, qui préparait sa réélection, insiste pour convaincre les membres de la Commission que personne – et surtout pas lui – n'aurait pu prévoir qu'une attaque sur le sol américain était imminente. Selon lui, toutes les alertes rapportées par les services de renseignement concernaient les intérêts américains à l'étranger.

Bush « pas intéressé »

En réalité, le patron de la CIA, George Tenet, avait prévenu le président américain à plusieurs reprises que les membres d'Al Qaida se préparaient à frapper n'importe où et que les citoyens américains étaient des cibles potentielles. Courant 2001, il avertit George W. Bush une quarantaine de fois sur une potentielle attaque majeure d’Al-Qaida, mentionnant notamment un « pic de menace » et un « été de menace », rapporte l'Insider.

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L'une des notes de l'agence de renseignements américains était même titrée « Ben Laden déterminé à frapper aux États-Unis » ; un document qui avait fuité dès 2002 et dans lequel le président américain était prévenu d'« activités suspectes, compatibles avec la préparation de détournements ou d’autres types d’attaques, y compris la surveillance récente de bâtiments fédéraux à New York ». Selon Insider, malgré les multiples avertissements reçus par George W. Bush, « celui-ci ne semblait tout simplement pas intéressé ».

Le jour de cette réunion secrète pourtant, le président américain insiste pour expliquer qu'il a pris les avertissements de ses services très au sérieux. Le 6 août de l'année de l'attaque, George W. Bush avait été mis au courant qu'au moins 70 enquêtes en cours du FBI concernaient Ben Laden et la sécurité intérieure des États-Unis. Réponse aux membres de la commission, ce 29 avril 2004 : si le FBI avait abouti à quelque chose sur ces 70 enquêtes, il aurait, bien sûr, voulu le savoir.

Une tragédie grecque ?

L'Insider rapporte que des éléments, mis au jour ces dernières années, contredisent les déclarations du président américain à la Commission ce jour-là, notamment les déclarations de Michael Morell, membre de la CIA devenu ensuite directeur adjoint de l'agence, dans un podcast en 2021. Il y explique qu'à l'époque, il pouvait sentir une frustration profonde chez George Tenet vis-à-vis de la Maison blanche : « J'avais la sensation que Tenet pensait que la Maison Blanche ne comprenait tout simplement pas » la nature de la menace, explique-t-il.

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Depuis la publication du contenu de cet entretien, resté secret plus de vingt ans, le rapport de la Commission d'enquête apparaît désormais « incomplet et aseptisé », regrette l'Insider. Le texte se montre en effet plutôt clément envers George W. Bush ; s'il mentionne les nombreux avertissements formulés par la CIA, il plaide plutôt pour des problèmes institutionnels et une désorganisation des services intérieurs américains, que pour un manque de diligence du président. Il se borne aussi à constater qu'il était impossible de prévoir le niveau d'organisation réel d'Al Qaida et la forme, relativement nouvelle à l'époque, que prendrait une telle attaque. Comme si la survenance de ces attentats relevait « d'une tragédie grecque », se désole le média américain.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne