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Santé

CARTE. Où se trouvent les bactéries résistantes aux antibiotiques dans le monde ?

L'antibiorésistance gagne du terrain dans le monde entier, mais pas au même rythme. Si aucune région n'est épargnée, c'est en Afrique subsaharienne que les gènes de résistances se répandent le plus rapidement entre bactéries, d'après de nouveaux travaux.

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CARTE. Où sont les bactéries résistantes aux antibiotiques dans le monde ?

La carte du monde montre l'occurrence des gènes de résistance dans différents pays. Plus la couleur utilisée pour un pays est foncée, plus la fréquence des gènes de résistance dans les bactéries est élevée. Les pays en gris n'ont pas fourni d'échantillons d'eaux usées.

Technical University of Denmark

Il ne faut pas attendre les pandémies pour surveiller l’évolution génétique des virus et bactéries, appellent des chercheurs dans une publication de la prestigieuse revue Nature. D’après leurs propres analyses de plus de 700 échantillons d’eaux usées prélevées dans 101 pays, ils ont d’ailleurs établi la carte des endroits où les bactéries sont les plus susceptibles d’être résistantes aux antibiotiques. 

"La résistance aux antimicrobiens est l'une des plus grandes menaces pour la santé humaine", alerte Frank Møller Aarestrup, professeur à l'université technique du Danemark et qui a dirigé ces travaux. Les bactéries résistantes tuent en effet déjà plus d'un million de personnes par an. Grâce à leurs capacités de "transfert horizontal", c’est-à-dire de physiquement transférer la copie d’un gène depuis une bactérie vers une autre, qui l’intègrera à son propre ADN, les bactéries peuvent en effet rapidement devenir résistantes aux antibiotiques. "Cependant, nous ne disposons toujours pas d'une vue d'ensemble de la prévalence de la résistance dans les différentes parties du monde ni des résistances les plus courantes." Des données pourtant nécessaires pour suivre et anticiper la tournure des événements.

La carte du monde montre l'occurrence des gènes de résistance dans différents pays. Plus la couleur utilisée pour un pays est foncée, plus la fréquence des gènes de résistance dans les bactéries est élevée. Les pays en gris n'ont pas fourni d'échantillons d'eaux usées. Cliquez ici pour voir la carte en plus grand. Crédit : Technical University of Denmark

Beaucoup de bactéries résistantes en Afrique subsaharienne, l'Europe pas épargnée

D’après les analyses de l’équipe, c’est l’Afrique subsaharienne, incluant Madagascar, qui s’est avérée rassembler les pays ayant le plus fort taux de gènes liés à des résistances aux antibiotiques dans ses bactéries, rapportent les chercheurs. "Nous utilisons une approche appelée métagénomique, qui consiste simplement à séquencer de manière aléatoire des millions de petits fragments de tout le matériel génétique (ADN) d'un échantillon. Nous comparons ensuite ces fragments un par un à une grande base de données et identifions et quantifions les différents gènes", résume Frank Møller Aarestrup. D’autres régions comme l’Amazonie ou le Moyen-Orient sortent également du lot, tandis que les pays d’Europe et d’Amérique du Nord semblent moins touchés, bien que loin d’être épargnés. "En Europe, la situation est meilleure que celle de l'Afrique subsaharienne, par exemple. Cependant, elle n'est pas sous contrôle. La résistance est particulièrement élevée dans le sud et l'est de l'Europe", détaille le chercheur.

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Des gènes de résistance qui se répandent plus que d’autres

Si la carte donne des informations précieuses sur l’état des lieux entre 2016 et 2019, années de prélèvement des 757 échantillons dans les eaux usées, la faculté de ces gènes de résistance aux antibiotiques à se répandre est une information essentielle. C’est en investiguant ce point que les chercheurs font une découverte surprenante. “Les gènes de résistance se comportent différemment. Certains sont confinés dans des régions spécifiques tandis que d'autres se répandent dans le monde entier”, rapporte Frank Møller Aarestrup. Identifier ces derniers est essentiel. "Si nous pouvons identifier ceux qui ont le potentiel de se propager à l'échelle mondiale, nous pouvons concentrer notre contrôle sur les plus ‘dangereux’." C’est encore une fois en Afrique subsaharienne que se trouvent les gènes qui s’échangent le plus entre bactéries, gagnant du terrain. Mais c'est malheureusement également dans cette région que les pays n’ayant fourni aucune donnée aux chercheurs sont les plus nombreux.

Une surveillance "immédiate et continue" est nécessaire

"À l'heure actuelle, nous disposons d'énormes connaissances sur le comportement de la résistance en Occident et, sur la base de ces connaissances, nous planifions la manière de combattre la résistance", explique le premier auteur, Patrick Munk. "Il s'avère que si nous examinons de nouvelles régions, les gènes de résistance peuvent se comporter très différemment, probablement parce que les conditions de transmission y sont plus favorables. Par conséquent, la manière de combattre la résistance doit également être ajustée et adaptée aux conditions locales." Les scientifiques recommandent également une "surveillance immédiate continue" en suivant leur méthode, sous peine de naviguer à l’aveuglette, ajoute Frank Møller Aarestrup. "Nous avons prouvé que c'était facilement réalisable et pas cher." Un système complet coûterait en effet moins d’un million d’euros par an pour le monde entier, précise le chercheur.  

Agir vite

Car il reste une donnée inconnue et essentielle à déterminer : l’évolution de la situation au fil du temps. Sur les trois ans qu’ont duré les prélèvements, l’équipe ne note aucune évolution notable dans la propagation des gènes de résistance. "Les changements importants en matière de résistance antimicrobienne se produisent sur plusieurs années, voire des décennies”, en déduisent-ils. Si cela peut paraître presque rassurant, le corollaire est malheureusement que “tout impact significatif des interventions visant à la réduire peut également être retardé d’autant”. Alors que les projections prévoient 10 millions de morts annuels d’ici 2050 dans le monde, faute de médicaments efficaces, prendre son temps semble être un luxe hors de portée. 

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