Pour danser dans la rue, pour la peur d’un baiser, pour ma sœur, ta sœur, nos sœurs…” À l’image de la chanson Baraye de l’artiste Shervin Hajipour, devenue l’hymne des manifestations, il y a quelque chose de “très beau” dans le soulèvement qui dure depuis le 16 septembre en Iran, souligne Marjane Satrapi : “C’est la première révolution féministe du monde qui est soutenue par les hommes.”

Artiste iranienne expatriée en France depuis de nombreuses années, Marjane Satrapi est l’autrice de Persepolis, bande dessinée autobiographique sur sa jeunesse en Iran, et de plusieurs longs-métrages. Elle suit de près le soulèvement de la population iranienne, porté selon elle par une “jeunesse brillante”.

“Ils n’ont pas peur, contrairement à notre génération, traumatisée par la révolution et la guerre. On avait vraiment sous-estimé cette jeunesse en les pensant plus cons que nous, ce n’est absolument pas vrai. Ils lisent de vrais livres, savent très bien écrire et ne sont vraiment pas sexistes !”

Des artistes iraniens, comme les rappeurs Toomaj Salehi et Saman Yasin, ou encore l’actrice Taraneh Allidousti, ont pris la parole pour soutenir la révolte. Les deux premiers risquent la peine de mort, et la troisième, qui s’est affichée sans voile, “ne pourra plus travailler à cause de cette photo”. Autant de prises de parole qui montrent l’importance du mouvement.

Après deux mois et demi de manifestations, le procureur général iranien, Mohammad Montazeri, a annoncé le 3 décembre l’abolition de la police des mœurs, chargée notamment de faire appliquer les règles sur l’obligation du port du voile. Une annonce rapidement démentie par la télévision d’État et plusieurs officiels iraniens, et qui plus est loin de suffire à éteindre la colère.

Pour Marjane Satrapi, la population ne s’apaisera pas tant que le régime ne sera pas tombé, et l’Iran a atteint un point de non-retour.

“La République islamique est morte, et ils le savent. Les femmes ont commencé à pousser ce gros cadavre puant, et elles ont été rejointes par les hommes : c’est la beauté [de cette révolution]. On ne sait pas combien de temps cela va prendre, mais c’est fini pour [les mollahs] et ils le savent. J’en suis convaincue.”